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Les éleveurs demandent un plan de réarmement ovin pour 2024

Oubliés dans les annonces gouvernementales pour tenter de résoudre les multiples crises traversées par le monde agricole, les éleveurs ovins haussent le ton. Lors d’une manifestation devant le ministère de l’Économie et des Finances à Paris en février, ils ont fait part de leur mécontentement.

Dans la cour de la Maison nationale des éleveurs, dans le XIIe arrondissement de Paris, plusieurs dizaines d’éleveurs ovins se préparent. Ils arborent des tee-shirts annonçant : « Alerte disparition – élevage ovin français ». Les mots sont forts, mais les inquiétudes quant à l’avenir de la profession également. A la suite de la mobilisation nationale des agriculteurs en janvier et février, les annonces du gouvernement sur les mesures à prendre n’ont pas contenté les éleveurs ovins et la Fédération nationale ovine (FNO).

La production ovine française est menacée de disparition

Michèle Boudoin entame son discours : « Nous voulons alerter l’opinion publique que les ovins ont été les grands oubliés des mesures politiques prises dernièrement. Voilà soixante ans que nous subissons la mondialisation et que la filière ovine sert au choix de variable d’ajustement ou de “cadeau” fait aux pays tiers dans les accords de libre-échange. »

Les accords de libre-échange dans le collimateur

En première place dans le collimateur du syndicat ovin, les accords commerciaux entre l’Union européenne et les pays d’Océanie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, de même qu’avec le Chili. Autant d’États grands exportateurs mondiaux de viande ovine. 

Lire aussi : Accord de libre-échange UE-Australie : les éleveurs ovins français de nouveau sacrifiés ?

Les manifestants ont arboré des tee-shirts faisant part de la disparition inéluctable de l'élevage ovin français si rien n'est fait au niveau des pouvoirs publics.

 

« Les mesures miroirs [réciprocité des normes sanitaires et environnementales de l’Union européenne] ne constituent pas un levier suffisant pour encadrer la commercialisation de viande ovine océanienne, souligne la présidente du premier syndicat ovin de France. Nous voulons que le gouvernement active une clause de sauvegarde, comme cela a été fait sur les œufs, la volaille et le sucre importés depuis l’Ukraine. » 

Lire aussi : Les syndicats de ruminants vent debout contre les accords de libre-échange

Ces clauses de sauvegarde permettent de cibler des productions commerciales à protéger, afin d’éviter un déséquilibre du marché européen par un déferlement de produits de même catégorie provenant de pays tiers. « Le rapport de force entre la filière ovine française et australienne est complètement déséquilibré, appuie-t-elle encore. Les normes sociales, les charges de production sont aux antipodes. Siégeant au Copa-Cogeca [syndicat agricole européen], je sais que nos homologues espagnols et irlandais sont dans la même posture que nous concernant les accords de libre-échange. Nous avons évidemment à l’esprit que la filière ovine ne pèse pas lourd dans les négociations commerciales internationales. C’est pourquoi nous avons besoin d’une politique agricole commune européenne forte, qui défende nos intérêts aussi bien pour la production française que pour celles des autres États membres. »

Un mouton australien plus vieux dans nos assiettes

Bien que le contingent à droit douanier nul dédié à la viande ovine australienne ne soit pas une menace en tant que tel aujourd’hui (5 831 t), c’est l’accumulation de ces volumes (163 345 t en 2023 pour l’Océanie, l’Argentine, le Chili, l’Uruguay, etc.) qui pourrait mettre en péril la production française. Autre effet délétère de l’arrivée en masse de cette viande australienne, « il s’agit d’une viande à bas coût, qui va donc se retrouver dans les collectivités, les cantines scolaires, etc. Or la production ovine australienne reste orientée sur la laine, de ce fait la majeure partie de la viande exportée n’est pas de l’agneau, mais du mouton plus vieux avec un goût plus fort en bouche », soutient André Delpech, éleveur dans le Lot, qui craint alors que la jeune génération ne se détourne d’agneau, par amalgame.

Contingents disponibles entre l'UE-27 et chaque pays ©GEB-Institut de l'élevage, d'après la Commission européenne

Concernant cette même nouvelle génération, les éleveurs ovins s’inquiètent du manque de visibilité au long terme sur la production, qui pourrait décourager les porteurs de projet. « Si le taux de renouvellement est bon aujourd’hui et que l’agneau atteint des cotations élevées, il ne faut pas oublier que le revenu des éleveurs ovins et caprins fait partie des plus bas de l’agriculture », regrette la présidente de la FNO. Installé en 2007, Victor, éleveur ovins dans la Vienne : « Depuis que j’ai démarré mon activité, la production ovine a traversé plusieurs crises et nous avons toujours avancé. Mais nous avons un sentiment d’abandon face aux pouvoirs publics. Aujourd’hui l’agneau paie bien, mais en mettant en face la hausse exponentielle des charges d’élevage, on ne s’en sort pas ! »

C’est donc un véritable plan de « réarmement de la production ovine » dont la FNO a besoin. Dans son communiqué de presse du 13 février, le syndicat ovin appelle à des « choix politiques cohérents, clairs et volontaires, qui permettent enfin de concilier souveraineté et durabilité et surtout qui apportent de véritables moyens pour améliorer le revenu des éleveurs de brebis. »

Pour le retour des prêts à taux bonifiés

« Des annonces du gouvernement, seule la détaxe du gazole non routier pourrait nous concerner et encore, nous sommes une des productions qui en utilise le moins », s’insurge Mathieu Souriceau, jeune éleveur dans la Vienne également. Selon le syndicat, pour maintenir les effectifs d’éleveurs et en attirer de futurs, il est primordial de donner de la visibilité au long terme. « Distribuer des enveloppes, cela ne sert pas à grand-chose, appuie Victor. C’est mettre un pansement sur une jambe de bois. Nous voulons des messages clairs, des prises de position politiques qui aideront la production ovine. » Les deux jeunes agriculteurs réclament le retour des prêts à taux bonifiés, qui les ont bien aidés lors de leur propre installation. « Avec le prix de l’argent et les coûts de construction aujourd’hui, ce n’est pas viable pour un jeune d’emprunter sans garde-fou et d’ailleurs un banquier ne se laissera pas convaincre facilement pour accorder un prêt dans ce contexte », souligne Mathieu Souriceau.

Vers une loi Egalim III ?

Les manifestants se sont dirigés vers le ministère de l’Économie, à deux pas de là, pour solliciter une entrevue avec Bruno Lemaire. « Nous voulons des solutions économiques et techniques aux écueils rencontrés par la production : accords commerciaux, emprunts, prédation, valorisation de la laine sont autant de charges que les éleveurs doivent porter seuls », liste Michèle Boudoin, qui souhaite une loi Egalim III, avec davantage de transparence sur les marges sur l’ensemble de la chaîne de production et de distribution des produits agricoles et, toujours en fil d’Ariane, une meilleure rémunération des agriculteurs. La présidente, accompagnée de deux jeunes éleveurs, a été reçue à Bercy par Claire Durrieu, conseillère Transition écologique et Énergie au cabinet du ministre de l’Économie. Les échanges ont duré une heure. « Nous avons été écoutés même si nous n’avons pas eu réponse à tout et que nous n’avons pas eu de promesse de chèques », explique la présidente de la FNO.

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