Les AOP laitières fêtent les 100 ans du roquefort
Lors de l’assemblée générale du Comité national des appellations d’origine laitières à Millau, le roi des fromages, première appellation de France, a été célébré pour son centième anniversaire. Conférences et visites du patrimoine fromager de l’Aveyron étaient au programme.
Lors de l’assemblée générale du Comité national des appellations d’origine laitières à Millau, le roi des fromages, première appellation de France, a été célébré pour son centième anniversaire. Conférences et visites du patrimoine fromager de l’Aveyron étaient au programme.

Quels sont les paramètres qui définissent une appellation d’origine protégée laitière (AOP) ? Cette question, François Casabianca s’est attelé à y apporter une réponse. Lors de l’assemblée générale du Comité national des appellations d’origine laitières (Cnaol), les 25 et 26 septembre à Millau, dans l’Aveyron, le chercheur à l’Inrae, aujourd’hui retraité a rappelé la notion de terroir, très ancrée dans la raison d’être des appellations d’origine. « La biodiversité domestique est très présente dans la justification d’un produit à son terroir ; on parle d’ailleurs souvent de « race de terroir » », appuie-t-il.

Le paysage est la partie visible du terroir, celle qui va être facilement valorisable pour promouvoir le produit ou au contraire qui peut entrer en conflit avec les cahiers des charges. « Dans ce paysage, on retrouve les animaux, véritables acteurs du lien entre produit et terroir, et l’herbe, pour les productions de ruminants, qui va être la part prélevée du milieu », poursuit François Casabianca. Les microbes, selon lui, forme la partie invisible du terroir puisque « la plupart des AOP laitières sont fermentées ».
Vient ensuite la notion d’aire, zone plus large que le terroir et qui contient ce dernier. Elle se définit par une typicité de culture, de langue. Enfin, le système qui met en cohérence tous ces éléments, qui va stimuler les interactions. Les organismes de défense et de gestion (ODG) des appellations sont la cheville ouvrière de ces systèmes.
Un cahier des charges strict
Dans le cas du roquefort, comme pour toute autre AOP, ces éléments se retrouvent dans le cahier des charges. « Une seule race ovine est acceptée dans la production du roquefort et c’est la lacaune lait. Les exploitations doivent se trouver dans un rayon maximal de 100 kilomètres autour de Roquefort-sur-Soulzon et le pâturage est obligatoire, tout comme une autonomie alimentaire des élevages minimale de 80 % », liste Jérôme Faramond, président de la Confédération générale de roquefort (CGR) et de l’Association des producteurs de lait de brebis de l'aire Roquefort (APLBR).
« Le lait cru est dans l’ADN de nos fromages, avec 75 % des AOP laitières qui doivent être fabriquées à partir de lait cru. C’est un marqueur fort de typicité, de lien au terroir, de biodiversité et de diversité organoleptique, assène Dominique Chambon, producteur fermier en AOP rocamadour. Les pressions sur l’aspect sanitaire sont travaillées avec les pouvoirs publics à travers un Plan lait cru. Nous leur demandons de se positionner sur l’avenir qu’ils réservent aux produits au lait cru. »
Des attentes sociétales fédératrices
Les appellations laitières sont sujettes à débat, au niveau interprofessionnel comme au niveau sociétal. « Les injonctions extérieures sont celles qui bousculent le plus, mais aussi celles qui fédèrent le plus en intra filière. Les injections venues de l’intérieur sont moins visibles mais divisent plus, durent davantage dans le temps. on arrive à des compromis, ce qui ne satisfait personne mais permet de faire durer le collectif », explique Jérôme Faramond. Dans le cas du roquefort, on se rappellera notamment l’affichage E du Nutriscore, qui a fait s’insurger producteurs et industriels devant l’incompréhension sociétale d’un cahier des charges historiques qui ne peut être modifié aisément.

« Les questions de santé publique doivent être prises en compte car nous avons des responsabilités en tant qu’AOP : nous ne pouvons pas nous voiler la face sur le gras, le sel, etc. contenus dans nos fromages, rappelle François Casabianca. Néanmoins, il est difficile pour le label AOP de véhiculer tout ce qu’il y a derrière le logo : le lien au terroir, l’histoire, les pratiques vertueuses, etc. C’est un travail de taille pour les filières et les consommateurs se perdent dans la segmentation et la multiplicité des labels. »
Communiquer positivement autour des métiers du lait

Didier Lincet, cofondateur de la fromagerie éponyme et spécialisé dans le chaource et l’époisse, s’inquiète de la perte de savoir-faire liée aux appellations. « Je suis inquiet de comment nous allons parvenir à attirer les jeunes dans nos métiers, afin de pouvoir leur transmettre nos connaissances et nos pratiques. » Le président de la CGR lui répond : « Nous avons une responsabilité de communiquer sur nos métiers en positif, c’est à nous de changer de discours sur nos professions. »
Les participants à l’assemblée générale ont pu visiter les caves d’affinage du roquefort de Papillon ou de Société ainsi qu’un élevage de 800 brebis laitières.
Le pérail, l’IGP fromagère la plus récente
Le pérail, fromage rond de brebis, au lait cru ou pasteurisé, a obtenu son indication géographique protégée (IGP) en juin 2025, après plus de trente ans de travaux pour faire reconnaître officiellement sa typicité. « C’est un fromage vivrier, dont la zone de production est la même que le roquefort et pour cause, les deux fromages sont intrinsèquement liés », développe Pierre Gaillac, berger et vice-président de l’IGP pérail. À la fin de la campagne de collecte du lait pour le roquefort, les paysans fabriquaient ce fromage en forme de palet pour leur propre consommation et pour le vendre en direct sur les marchés locaux.
Le lait était emprésuré avec le reste de présure que leur donnait la laiterie. « Lorsque la présure venait à manquer, les paysans fabriquaient un caillé lactique en récupérant le petit-lait », complète le berger. Pour lui, les enjeux à venir vont être de développer les marchés nationaux et internationaux, de séduire les jeunes consommateurs et d’aider à l’installation de nouvelles fromageries. Plus de 950 fermes produisent 4 millions de litres de lait, qui vont être transformés en 890 tonnes de pérail (dont 35 tonnes en fermier et 7,4 % en bio, chiffres 2024).
Chiffres clés
Le roquefort c’est :
1 302 élevages engagés et 2 500 éleveurs et éleveuses
100 % race Lacaune
80 % d’autonomie alimentaire des élevages et pâturage obligatoire
100 km maximum autour de Roquefort-sur-Soulzon
14 000 t par an
9 laiteries
7 fabricants
14 jours d’affinage en cave et 90 jours de maturation sur le territoire de Roquefort