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En Dordogne
Bergère sans terre et sans bergerie

Thérèse Kohler fait pâturer son troupeau dans les forêts et prairies d’une région en déprise de Dordogne. Sans terre ni bergerie, elle mène ses 300 brebis au gré des ressources.

Des clochettes tintinnabulent dans les sous-bois. Avec Galinette et Elie ses deux chiens, Thérèse Kohler fait paître ses 300 brebis dans la Double, cette région forestière de Dordogne. Pourtant, l’éleveuse de 49 ans n’a aucune terre, ni en propre ni en location.

L’aventure commence en 2009 quand elle récupère sa centaine de brebis de son ancienne ferme et signe une convention de pâturage avec le conseil général de Dordogne, propriétaire de forêts autour des étangs de La Jemaye. « C’était un challenge, je suis partie de rien avec mes cinq enfants, un peu perdus dans notre nouvelle vie, mais avec enthousiasme et un entourage formidable » sourit l’éleveuse. Des amis lui donnent un chien et lui prêtent un peu d’argent pour s’acheter des filets. Puis, petit à petit, le bouche-à-oreille fonctionne et de plus en plus de propriétaires proposent à Thérèse de venir avec son troupeau qui passe à 200 puis à 300 brebis.

Un relationnel très soigné avec les propriétaires

Occupant les prairies, landes et sous-bois des autres, il a fallu se faire bien voir auprès des propriétaires. « Nous sommes dans un pays de chasseurs et pour bien les comprendre, j’ai passé mon permis de chasse. Je ne suis pas chez moi. Donc, jamais, je ne me permets de prendre du bois ou cueillir des champignons… ». Car pour relier les différentes parcelles dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres, Thérèse coupe à travers bois mais elle veille à éviter les plantations de pins et ne stationne pas en forêt pour ne pas abîmer les arbres.

« Les gens du pays ont été bienveillants avec mon projet, ils m’ont prêté des pâturages et actuellement je ne manque jamais d’herbe pour mon troupeau. J’ai maintenant un circuit établi qui change que très peu. On m’attend. Même on me presse de venir parfois. C’est bon d’être utile ». Se faire payer pour débroussailler ? « Non, ce sont de vieux paysans dans une zone de déprise agricole. Ils me disent merci je leur dis merci et tout le monde est content ». À part avec le Conseil général de Dordogne, rien n’est écrit et tout repose sur la confiance. Thérèse et son fils aiment aussi participer aux fêtes et comices de villages dans lesquelles ils montrent leurs talents de tondeurs. Avec une chapelière, elle aimerait maintenant valoriser davantage la tonne et demie de laine qu’elle tond chaque année chez elle et dans d’autres troupes.

Des agneaux musclés vendus en circuit court

Les brebis de race Xaxi Ardia, une race rustique basque, n’ont pas de problèmes pour rester dehors. « Ce sont de bonnes marcheuses qui agnèlent toutes seules et qui défendent bien leurs agneaux contre les renards ou les blaireaux » apprécie l’éleveuse. « Elle ne donne généralement qu’un seul agneau mais je préfère car les doubles restent souvent maigrichons ». Quatre béliers accompagnent le troupeau et les mises bas s’étalent de décembre à mai.

Elle vend ses agneaux à cinq Amap de Bordeaux et à quelques clients localement. Grâce à une remorque bétaillère acquise récemment, elle emmène une quinzaine d’agneaux à l’abattoir puis chez un boucher. La viande est ensuite emmenée directement à la livraison de l’Amap grâce à des caissons isothermes qu’elles possèdent en commun avec des agriculteurs voisins.

Les agneaux sont vendus en juin, septembre, octobre et novembre avec des poids carcasse variant entre 12 et 15 kilos. « C’est un agneau qui a marché, qui a du muscle et qui a mangé des châtaignes et des glands » explique-t-elle à ses clients qui s’étonnent parfois du goût de la viande. Thérèse Kohler fixe le prix à 15 euros du kilo d’agneau en caissette, de quoi lui rapporter environ 100 euros par agneau. « J’ai un petit revenu mais cela m’a permis de finir d’élever mes enfants ». Sans terre, son statut vis-à-vis de la MSA n’a pas été simple à trouver. Elle est finalement passée de cotisante solidaire à exploitant agricole de plein droit. « Maintenant, ma prime ovine part en cotisation MSA ».

Un circuit bien rodé à travers prés et forêt

Le calendrier de pâturage est le fruit de ses longues observations du troupeau pendant la garde de la troupe. « C’est bon d’être là à regarder mes brebis » apprécie l’éleveuse qui profite aussi des moments de garde pour lire, penser, écrire pour son blog (www.aufildeladouble.fr), surfer sur internet ou s’informer avec son smartphone. À l’automne, les brebis passent souvent une demi-heure à croquer des glands et des châtaignes. Avec l’hiver, l’herbe devient triste et l’éleveuse passe plus de temps en forêt. Au printemps, l’herbe repousse et le troupeau est gardé au filet dans les prairies mises à disposition. Mais plus l’été approche, plus il faut faire attention à l’abreuvement. Heureusement, il y a beaucoup d’étang dans la Double et l’éleveuse s’arrange pour y avoir toujours accès. Elle dispose cependant d’une petite tonne à eau à tracter derrière la voiture. Généralement, un seul vermifuge par an suffit. La recette de Thérèse : « pour avoir un troupeau sain, il faut toujours qu’elles aient le ventre plein ! » Les seuls apports se limitent sinon à du sel et des minéraux.

Thérèse s’est équipée petit à petit mais son matériel reste limité : deux jeux de 7 filets de 50 mètres, un électrificateur, une remorque bétaillère, une tonne à eau et un parc de tri « très utile pour trier les agneaux et pour le chantier "pieds" du printemps ou pour les tontes d’avril et septembre ». « Au final, j’ai juste un troupeau de brebis et j’ai montré que c’est possible de s’installer sans argent ni terre. » conclut Thérèse. « C’est une installation que tout le monde pourrait faire sans avoir d'argent ou être fille d’agriculteur ».

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