La production ovine reconçoit son accompagnement technique
Comment produire plus et mieux ? C’est la question que se sont posée les professionnels des productions ovines lait et viande lors du conseil national de la FNO le 14 mai dernier. L’accompagnement technique des éleveurs est une piste privilégiée qui nécessite d’être actualisée.

« Il y a urgence à produire de l’agneau. C’est faisable : des leviers existent. C’est rentable, le nombre d’agneaux supplémentaires remboursera le coût de la mise en œuvre des actions ». François Frette, directeur d’Interbev Ovins, a introduit l’après-midi de réflexion lors du conseil national de la fédération nationale ovine (FNO), qui s’est tenu le 14 mai à Paris. Les intervenants et la soixantaine de participants se sont en effet penchés sur la problématique de l’accompagnement technique des éleveurs ovins lait et viande, dans l’optique de produire plus et mieux.
« À partir de 2022, on observe un net décrochage de l’offre en viande ovine en France. On manque d’agneau pour répondre aux besoins de consommation de nos concitoyens », reprend François Frette. Avec la sécheresse de cette année-là, les coûts de production qui ont explosé et l’épidémie de fièvre catarrhale ovine (FCO) de 2024, la conjoncture est défavorable à la production d’agneaux, autant en système allaitant que laitier. Structurellement, la production allaitante fait face à deux problématiques majeures que sont la prédation du loup et le revenu globalement faible. « La perte de cheptel et les arrêts d’élevage ne sont pas alarmants mais participent au déficit de la production », explique François Frette.
Une perte d’attractivité du métier d’éleveur
En élevage laitier, le nombre d’éleveurs collectés a diminué de 20 % en 10 ans. « Les arrêts sont motivés par la contrainte que représente le système laitier, avec la traite. Et depuis 2022, le revenu est fortement impacté par la hausse des coûts de production ce qui vient s’ajouter à la perte d’attractivité du métier », souligne Sébastien Rossi, éleveur de brebis laitières en Corse.
Pour tenter d’inverser la situation, France Brebis Laitière et Interbev Ovins ont coconstruit le Plan de Souveraineté de la filière ovine, qui prévoit donc une amélioration qualitative et quantitative de la production, une préservation de l’attractivité du métier d’éleveur ovin et le soutien d’un modèle d’élevage durable, centré sur l’herbe.

De nombreux outils et connaissances
« La filière ovine est bien pourvue en outils et en connaissances techniques, notamment avec le programme Inn’Ovin ». Lorsqu’il est arrivé au poste de directeur de l’organisation de producteurs ovine (OP) de Terrena il y a cinq ans, Christophe Maudet reconnaît avoir diminué les effectifs techniques de la coopérative bretonne. « Rapidement, les éleveurs m’ont fait comprendre l’erreur et leur sentiment que nous nous éloignions d’eux. »
"La filière ovine est riche en connaissances techniques et elles doivent aller jusque dans les exploitations"
L’OP ovine tente depuis de remettre en place une équipe de techniciens polyvalents tout en améliorant la qualité des services proposés. « Notre cœur de métier, c’est de vendre de l’agneau. La part des éleveurs c’est d’être bon en technique, nous, c’est d’être bon commercialement. » Christophe Maudet se demande alors comment financer l’apport technique dans les élevages. « Certainement pas par la marge commerciale qui nous ferait perdre en compétitivité. Ni par l’éleveur uniquement, même si en produisant plus, il gagnera plus… Un accompagnement avec les partenaires de la filière semble le plus adéquat, afin de mutualiser les moyens. » Ainsi les techniciens ovins de Terrena travaillent de concert avec la chambre d’agriculture de Bretagne.

Un accompagnement individualisé et de même qualité
Disposant de davantage de ressources humaines et financières, Unotec, créé en 1992 par la chambre d’agriculture de l’Aveyron et la coopérative Ovitest, présente une stratégie d’accompagnement technique très individualisée pour chaque exploitant adhérent. Laurent Laval, son responsable technique, encadre une trentaine de techniciens lait pour suivre les 611 élevages adhérents.
Il tempère : « Produire plus, cela dépend du profil de l’éleveur, selon ses objectifs et ses contraintes. En revanche, pour ce qui est de produire mieux, nous sommes toujours partants. » Pour cela, les techniciens d’Unotec proposent une approche globale des exploitations, avec des bilans technico-économiques, la mise en avant du lien sol – troupeau, le suivi de ce dernier, du conseil sanitaire et reproduction, etc. « En plus des techniciens de terrain, notre équipe compte sept référents qui font de la veille technique et recherche et développement et transmettent leurs connaissances à leurs collègues via des outils et méthodes scientifiquement validés, des publications techniques, la formation des nouveaux conseillers et le ressourcement des anciens… »
Des équipes plus spécialisées en renfort
Ainsi les éleveurs adhérents à Unotec reçoivent « le même service pour tous, l’expertise pour chacun », le technicien de secteur pouvant réaliser le service de base et le contrôle de performance, avec l’appui technique, et si l’éleveur en ressent le besoin, il peut demander l’intervention d’un technicien spécialisé (IA/échographie, économie, agronomie, sanitaire, alimentation, traite).
En plus du technicien de secteur, Unotec s’appuie sur des vacataires et contrôleurs de performances pour réaliser les chantiers et manipulations de base (contrôle laitier, pose des boucles, pose et retrait d’éponges, etc.). « Par cette stratégie, nous nous efforçons de faire venir sur une exploitation la personne la plus compétente pour un sujet donné, quitte à multiplier les passages », appuie Laurent Laval. Le responsable d’Unotec cherche à enrayer le turn-over parmi les techniciens en les encadrant davantage, en les formant, « on compte autour de 400 heures de formation pour la première année en poste d’un technicien », en rénovant les outils mis à disposition…
Un obstacle de fond… le manque de moyens
Le modèle Unotec en a fait rêver plus d’un dans l’assemblée, mais Mathieu Sourisseau, éleveur dans la Vienne et secrétaire général adjoint de la FNO, commente : « Mon OPNC (organisation de producteurs non commerciale, N.D.L.R.) aurait besoin de recruter un technicien mais nous manquons de source de financement. Aujourd’hui, la technicienne gère entre 80 et 90 élevages, elle ne peut pas apporter le service personnalisé dont on parle. »

En conclusion de la journée, Michèle Boudoin, présidente de la FNO, rappelle : « L’augmentation et l’amélioration de la production ovine française ont été le fil rouge de cette journée de présentation et d’échanges. Cet objectif devrait garantir un revenu prometteur dans le temps pour donner de la lisibilité sur sa carrière à l’éleveur. Il nous faut nous doter de leviers : accompagnement technique, environnement des exploitations, services et conseils fiscaux et juridiques, mise en valeur des aménités positives de notre filière pour la société. »