La nourriture des Français
Réussir à retracer les premiers pas de l’alimentation et lancer les bases de ce qu’elle pourrait être dans le futur est à la fois un travail d’archiviste et de visionnaire. Pierre Feillet, directeur de recherche émérite à l’INRA a accompli ce travail avec succès dans son ouvrage « La nourriture des Français. De la maîtrise du feu aux années 2030 ». L’auteur rappelle dans son ouvrage les premiers pas de l’alimentation, liée aux mouvements des troupeaux avant que ne se développe l’agriculture qui a pour la première fois fixé les populations. Le chemin qui mène de « l’obscurantisme à la nutrition raisonnée » a cependant été pavé d’incertitudes, à l’image d’un Jean-Jacques Rousseau qui trouvait quelques indices du caractère dans le choix des aliments : « Les Italiens, qui vivent beaucoup d’herbages, sont efféminés et vous autres Anglais, grands mangeurs de viande, avez dans vos inflexibles vertus quelque chose de dur et qui tient de la barbarie. (…) Le Français, souple et changeant, vit de tous les mets et se plie à tous les caractères ». Pierre Feillet rapporte au fil des pages quelques épisodes de l’histoire de l’alimentation, comme les épidémies liées à la consommation d’ergot de seigle ou encore le lancement, dans les années 70, de la production de Tropina à Marseille. Cette expérience de production de protéines alimentaires à partir de la digestion des hydrocarbures par des levures a tourné court, mais elle résume à elle seule les interrogations sur la capacité à nourrir une population mondiale croissante. Mais au-delà de la quantité, les Français s’interrogent aujourd’hui sur la qualité des produits et leur supposé rôle de médicament avancé par Hippocrate, un sujet abordé précautionneusement par Pierre Feillet au cours de la première partie de son livre. Dans la seconde, il ravira les amateurs d’alimentation fiction, en échafaudant 5 scénarios pour l’alimentation du futur, de l’impérialisme des produits agro-industriels à un retour à la convivialité et au terroir, en passant par l’interventionnisme d’Etat pour une promotion de la santé par l’alimentation. Une piste qui n’est pas sans rappeler des faits, bien réels ceux-la.
Éditions Quae 250 pages 29 euros