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Comment expliquer le recul de l’agriculture bio ?

Dans un article pour The Conversation France publié le 22 juin, Stéphane Bellon, chercheur Inrae, accompagné d'un collectif de chercheurs réunis autour d'un programme sur l'agriculture biologique, analysent les indicateurs et les causes du recul du bio dans le contexte du « pacte vert européen ».

Champ de céréales bio avec un coquelicot
© Gabriel Omnès

Dans l’article publié sur le site de The Conversation France, le chercheur de l'Inrae Stéphane Bellon fait tout d’abord un rappel : avec près de 2,8 millions d’hectares cultivés en bio, soit 10 % de la surface agricole française, la France occupait en 2021 le premier rang de l’Union européenne.

Dans l’UE-27, les surfaces dédiées au bio s’élevaient à 9,4 millions d’hectares en 2012 et à 15,6 millions d’hectares en 2021, soit une hausse de 66 % largement portée par la France. Dans le même temps, le nombre d’exploitations engagées en bio a bondi en France, passant de 23 100 en 2011 à 58 400 en 2021, soit 13 % des exploitations agricoles.

 

Mais le secteur de la bio a commencé à marquer le pas depuis quelques mois. Les auteurs de l’article rappellent que la part de consommateurs réguliers d’une alimentation bio a chuté de 16 % entre fin 2021 et fin 2022, et la part des personnes n’ayant pas consommé de produits alimentaires biologiques sur un an atteignait les 17 % en 2022 – le double de 2021.


Concurrence des autres labels

Avec un collectif de chercheurs, l'auteur a cherché les causes de ce recul alors que la période prolongée d’inflation n’arrange rien.

Le bio est aujourd’hui perdu dans la jungle des labels qui viennent le concurrencer : « Zéro résidu de pesticides », « sans sulfites ajoutés », « sans nitrites », « vegan », etc. Les auteurs écrivent : « La mention HVE portée par le ministère de l’Agriculture, fait l’objet de débats concernant les niveaux d’exigence des pratiques associées et des aides qui lui sont octroyées. De même, l’institutionnalisation de l’agroécologie, sans être assortie d’un marché spécifique, génère des synergies mais aussi des concurrences avec la bio, qui reste à ce stade le modèle le plus abouti de toutes les agricultures écologisées ».
 

Inflation et prix

Autre constat : devant la hausse des prix, les consommateurs doivent faire des choix même si les produits bio ont connu une augmentation de prix moindre. Les auteurs notent que la baisse de la demande alimentaire bio touche à la fois les grandes et moyennes surfaces et les distributeurs spécialisés. En revanche, la vente directe semble se maintenir. Dans ce contexte, se pose la question du prix des produits bio. Les auteurs prennent l’exemple du lait de vache qui a vu les prix payés aux producteurs bio et conventionnel converger entre 2021 et 2022 alors que les consommateurs, eux, ont constaté un écart significatif des prix de vente au détail entre laits bio et conventionnel.

Les auteurs soulignent : « Mais pour les éleveurs bio, le maintien d’un différentiel de prix suffisant est justifié pour amortir des coûts de production supérieurs – les aliments du bétail représentant un surcoût de près de 50 % ».


Le rôle des critères d’achat

L’article explique aussi que « le fait que l’étiquetage des produits en magasin ait jusqu’ici privilégié l’aspect nutritionnel (Nutriscore) affecte la bio » alors que « d’autres attentes, parfois concurrentes, guident ou déterminent aussi l’acte d’achat : la proximité (circuits courts vs bio industrialisée) ; une juste rémunération des producteurs ; la réduction des émissions de GES, de l’usage de plastique ou de cuivre ; le bien-être animal, etc ».

Selon les auteurs, « des argumentaires restent à étayer et il apparaît nécessaire de mieux informer les citoyens sur ce qu’est la bio et quels sont ses impacts. Les contrôles et la certification des opérateurs de la bio demeurent une garantie de sa crédibilité ».


Aides et soutien public

Les auteurs s’interrogent par ailleurs sur les aides et le soutien public : « Les multiples retards dans le paiement des aides aux agriculteurs bio et la suppression en 2017 de « l’aide au maintien » (préservée dans certaines régions) ont freiné de nombreux producteurs, et les objectifs de croissance du programme suivant ».

Ils font mention du rapport de la Cour des comptes sur l’évaluation du soutien de l’État à la bio « plutôt critique sur la réalisation des ambitions affichées : objectifs de 15 % des terres ou de 20 % de produits bio dans les cantines publiques en 2022 non atteints, ¼ des exploitations bio qui ne touchent pas d’aides ».
 

Juste prix et pérennisation des aides

« Le rôle des politiques publiques est également d’assurer les conditions de fonctionnement et de régulation des marchés » estiment les auteurs qui expliquent que « l’intervention publique devrait aussi aider à surmonter la phase actuelle de ralentissement et conduire à repenser le « juste » prix des produits bio en intégrant leurs bénéfices (externalités positives), aujourd’hui non marchands. Le consommateur ne pourra pas à lui seul les prendre en charge, en particulier en période de crise ».

L’intervention publique devrait aussi aider à surmonter la phase actuelle de ralentissement

Ils affirment qu’ « au-delà d’un soutien à la conversion en AB, l’État devrait poursuivre l’effort financier avec des aides pérennes, qui seraient une reconnaissance et une rémunération des services rendus à la collectivité, comme cela existe dans plusieurs pays européens ».


Pacte vert européen et position de la France

Ils concluent : « Il est bien sûr délicat de faire coïncider des réponses à des effets inflationnistes très circonstanciels avec des trajectoires de transition agricole qui s’opèrent sur le moyen ou le long terme. Mais l’objectif de 25 % de surface en bio à horizon 2030, énoncé dans le pacte vert européen, est un appel à une stratégie ambitieuse où la France doit garder une place forte ».

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