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Champignon : passage de relais chez le challenger français

À Comines, dans la région Nord-Pas-de-Calais, la Ferme de la Gontière n'en finit pas de pousser et de se rénover. Après avoir fêté ses cinquante ans en 2011, le no 2 français du champignon, derrière Bonduelle, et no 1 du frais prépare la relève.

L'ultra frais, c'est le leitmotiv du leader français du champignon frais. Au détour d'une de ses 31 salles de culture, Didier Motte insiste fortement sur un de ses atouts majeurs : il peut livrer son Agaricus bisporus 24 heures après sa cueillette, partout en France.

Un gage de fraîcheur mais surtout de qualité, pour un champignon qui ne se conserve que cinq à six jours au maximum après la récolte. Une exigence qui oblige le chef d'entreprise à être performant sur le plan logistique (7 % du prix de revient). Un atout qu'il a renforcé depuis l'acquisition en 1998 de son deuxième site de production, situé près de Caen, lui permettant de livrer le Grand Ouest. « À l'atout fraîcheur, s'ajoute depuis peu l'origine France », précise-t-il. « Car le consommateur français est de plus en plus sensible à la provenance de son champignon », complète le dirigeant de cette PME de 238 salariés, dont le siège est à Comines, tout près de la frontière belge.

Un métier difficile et complexe

Le deuxième producteur de champignons français ne fait pourtant pas mystère de la fragilité de son entreprise familiale qui a passé le cap des 50 ans en 2011. En 1982, elle a été intégralement reprise à un industriel textile spécialisé dans le tissage de jute qui, pressentant le déclin de cette activité, avait décidé de reconvertir une de ses anciennes tuileries en champignonnière. « Les rendements pouvaient varier du simple au triple », se souvient Didier Motte, tout en soulignant les nombreux risques d'une telle activité. « C'est un métier difficile et complexe », reconnaît-il.

Il exige des capitaux importants ainsi qu'une maîtrise totale d'un cycle de production toujours exposé à d'éventuels risques sanitaires. D'autant que la Ferme de la Gontière possède relativement peu de clients, certes d'importance.

Elle est désormais fortement concurrencée par les producteurs polonais dont les salaires sont six à sept fois inférieurs et qui commercent au gré des aléas monétaires (le zloty s'est effondré de 40 % en 2008). « Quand on sait que les coûts salariaux représentent 44 % du prix de revient du produit, il ne faut pas s'étonner qu'ils aient pu dévelop-per aussi rapidement leur production de champignon. Reste qu'ils arrivent en France à J+2 ! ».

Mais Didier Motte surfe sur d'autres atouts qu'il n'hésite pas à marteler. C'est l'image diététique des champignons, la fraîcheur de son produit renforcé par la technique des « pieds coupés » qu'il fût le premier à mettre en place. Enfin, il dispose d'un personnel stable, de qualité et attaché à l'entreprise, que le chef d'entreprise sait « responsabiliser, impliquer et motiver dans ses tâches quotidiennes de cueillette de champignons », avance-t-il. Ne va-t-il pas « chaque 25 décembre partager un moment convivial avec l'équipe de cueilleurs du jour », souligne-t-il.

REPÈRES

5 à 6 jours, délai de conservation après récolte

2,7 hectares de culture

Environ 130 t de champignons récoltées par semaine

280000 barquettes/semaine

85 % destinés à la GMS

« Quand j'ai repris l'activité, je me suis orienté progressivement vers le marché du frais et j'ai abandonné la conserve (2002) tout comme le surgelé (2006) », témoigne-t-il. Depuis, il consacre toute sa production aux champignons frais, laissant la première place de conserveur de champignons à Bonduelle, son voisin nordiste, nouveau propriétaire de France Champignon depuis 2010. Tous les champignons sont cueillis à la main, manipulés le moins possible et aussitôt dirigés vers le hall de conditionnement pour y être emballés selon leur taille. Chaque barquette, chaque cagette est pesée avant d'être filmée et étiquetée, pour être aussitôt expédiée. La gamme intègre également des champignons bio (4 à 5 % de son chiffre d'affaires annuel) ou des champignons des bois qu'il soustraite à d'autres opérateurs.

Celui qui a commencé sa carrière professionnelle au rayon viande du groupe Auchan dans l'équipe de Jean-Claude Thiriez, commercialise aujourd'hui 85 % des 200 tonnes quotidiennes (dont 130 tonnes sortent de Comines) à destination de la grande et moyenne surface. Il vend également ses champignons en restauration hors domicile (souvent le second choix) dans un réseau de pizzerias et pour le groupe Holder (boulangeries Paul…).

Sa proximité avec l'Europe du Nord ne lui permet pas de développer l'exportation. Même quand on est le no 2 français du champignon, pas facile de se frotter aux Belges et aux Néerlandais.

1 million d'euros d'investissement par an

L'entreprise nordiste aura connu cinq vagues successives de déve-loppement qui se sont étalées de 1982 (acquisition à la famille Dalle) à 1986 (déménagement des installations de l'ancienne tuilerie de Wervicq sur le site de l'ancienne centrale thermique EdF de Comines), puis 1989, fermeture du site de Wervicq ; 1998, reprise d'une champignonnière près de Caen (de 70 tonnes par semaine). Et surtout 2011, l'année des 50 ans, mais aussi celle où Didier Motte investira 3,5 millions d’euros dans douze nouvelles salles de culture de 600 m2 chacune pour encore mieux y contrôler les conditions de pousse.

Grégoire, entré dans l'entreprise en 2013, va faire tandem avec son père pendant deux ans

En 2014, Didier Motte prévoit de moderniser le système de ventilation de ses plus anciennes salles de culture après en avoir achevé l'an passé la rénovation des plafonds. Un investissement qu'il estime à 600 000 euros tout en précisant qu'il n'accroîtra pas sa production pour autant.

L'entreprise Ferme de la Gontière, qui investit en moyenne 1 million d'euros par an, s'affiche désormais comme l'un des outils les plus performants du secteur en Europe. Didier Motte sait qu'avec son épouse Isabelle, la responsable marketing, ils n'ont pas parcouru un tel chemin pour rien.

La relève est asurée. L'un de leurs fils, Grégoire, est entré dans l'entreprise en septembre 2013. Chargé de la direction commerciale, ce Sup de Co Lyon, âgé de 35 ans et qui a fait ses premières armes à La Redoute, va faire tandem avec son père pendant deux ans. Le temps qu'une nouvelle génération de champignonniste prenne son envol.

NEUF SEMAINES POUR PRÉPARER LE SUBSTRAT

Depuis 2003, la Ferme de la Gontière achète chaque semaine en Belgique quelque 500 tonnes de compost ensemencé de mycélium auprès d'une entreprise qui se charge des premières opérations de préparation du substrat. Un mélange de paille et de fumier de cheval est composté durant trois semaines, puis pasteurisé durant une semaine à 60 °C. Redescendu en température, il est alors ensemencé d'un mycélium cultivé sur grains de blé, fourni par la SA Somycel (Langeais), le no 1 européen du secteur. Cette incubation à 25 °C dure deux semaines. C'est à ce moment-là que l'on voit se développer un réseau de filaments blancs. Au bout de six semaines de préparation, ce compost incubé arrive à Comines. Il est alors recouvert d'une couche de tourbe, une opération qui permet de préserver l'humidité et de faire varier le pH du substrat.

La culture peut désormais démarrer : elle durera trois semaines en fonction de quatre paramètres fondamentaux : la température (18 °C) ; l'hygrométrie (95 %) ; le renouvellement d'air et le taux de CO2 . Au bout d'une semaine, les premiers filaments réapparaissent… mais il faudra attendre deux semaines avant de procéder à la première récolte. Elle s'étalera sur trois semaines en plusieurs pousses successives (deux à trois volées).

www.fermedelagontiere.fr

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