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Le vin rosé a encore du potentiel

Les rencontres internationales du rosé, qui se sont déroulées à Marseille en janvier, ont été l’occasion de faire le point sur un marché mondial qui affiche côté consommation une progression de 28 % en quinze ans. Voici les principaux enseignements.

La génération des millénials représente un potentiel inespéré pour la consommation de vins rosés.
© M. Shebeko/fotolia.com

Une conjoncture mondiale favorable

Que peut-on attendre du marché du vin rosé dans les 20 prochaines années ? Il devrait continuer à progresser, pour s’installer autour des 30 millions d’hectolitres en 2035, selon l’observatoire du rosé. Soit 7 millions d’hectolitres supplémentaires par rapport à 2017. Pour arriver à ce chiffre, les experts se sont basés sur des marchés matures comme la France, la Belgique ou la Suisse. « La part du rosé au niveau mondial est de 10 %, mais il y a de très fortes disparités, explique Brice Aymard, directeur du comité interprofessionnel des vins de Provence. Il semble que les marchés se stabilisent en arrivant à 15 %. » De même, les échanges internationaux, jusqu’alors largement dominés par les transactions entre l’Espagne et la France, devraient se multiplier. La part des rosés ayant traversé une frontière en 2017 avant d’être consommé est désormais identique que pour les autres vins tranquilles, à savoir 43 %. « Peut-être aurons-nous un défi à relever prochainement, car le type de rosé que nous produisons est fragile et difficile à transporter » soulève Brice Aymard. Par ailleurs, cela fait trois années que la production mondiale ne couvre pas la consommation, et le déficit se creuse. Cela pourrait stimuler la concurrence, notamment Sud-Africaine et Sud-Américaine, qui enregistre le développement le plus important depuis 2007.

Les millénials, moteur de croissance

La génération des millénials (les 18-35 ans, aussi appelée génération Y) représente un potentiel inespéré pour la consommation de vins rosés. « Il y a une convergence un peu providentielle, car les millénials se sont approprié la couleur rose, au point d’en faire une valeur », analyse Richard C. Delerins, chercheur en anthropologie. Ces jeunes, qui ont désormais plus de valeurs communes avec un étranger du même âge qu’avec un compatriote de la génération précédente, trouvent du sens dans cette couleur non conventionnelle. C’est celle de la chair, de la jouvence, de la santé ou encore de l’émotion. Dès lors, s’identifier au vin rosé est beaucoup plus facile que pour d’autres générations. « D’autant plus que les millénials bouleversent tous les codes, de culture, de genre, de la relation au soi, et que le rosé est un vin non codifié, qui peut innover plus que le vin rouge », ajoute le chercheur. Autre caractéristique intéressante, c’est que la génération Y représentera la moitié de la population active mondiale en 2020 et les trois quarts dans dix ans. Elle sera ainsi le moteur de l’économie. L’espoir qu’elle suscite pour le marché du rosé est d’autant grand que les 18-35 ans sont la tranche d’âge qui consomme le plus de vin aux États-Unis. « Mais attention, car ils sont dans un schéma de consommation cognitive, et attachent une grande importance à l’éthique du produit et son empreinte environnementale », avertit Richard C. Delerins.

S’adapter au contexte du marché chinois

Le vin rosé est un produit plutôt populaire en Chine, c’est d’ailleurs la catégorie qui évolue le plus (+7 % par an). Mais c’est un marché encore grandement immature, et pas encore cohérent. On note par exemple que 15 % des 40-50 ans consomment du rosé, contre seulement 11 % des millénials. « Les gens sont en train de réfléchir à ce qu’ils aiment, ils se cherchent », analyse Jiaming Wang, de l’université de Brock au Canada. Ce dernier a réalisé une étude sur les consommateurs chinois et leurs goûts en termes de vin rosé à la demande de la production australienne. Le premier enseignement est qu’ils n’ont pas les mêmes références que nous, notamment en ce qui concerne la terminologie des arômes. Moins de 3 % sont capables de mettre un goût derrière le cassis, la griotte ou encore la figue, mais le buis, le coing ou bien le sureau parlent à une grande majorité. « Il serait donc pertinent de faire attention aux descriptions sur les étiquettes, voire de les adapter, afin de toucher ces nouveaux consommateurs », déduit le chercheur. Autre précieuse conclusion de Jiaming Wang : les chinois préfèrent les rosés aux arômes allant vers les fruits tropicaux et le miel avec un peu de sucres résiduels. Le chercheur a notamment établi une corrélation entre la concentration de 3MH, 3MHA et b-damascenone, et la préférence des consommateurs chinois lors d’une dégustation de 13 rosés provenant d’Australie, de France et de Chine. « Mais quoi qu’il en soit, la meilleure façon de pénétrer et de s’imposer sur le marché sera toujours d’aller sur place pour participer aux salons, organiser des masterclass sur le rosé, et d’initier la jeune génération, à l’instar des Argentins et leur Malbec World Day dans les universités », conclut-il.

Diversifier les styles pour toucher toutes les cibles

Le vin rosé connaît une évolution rapide. Jusqu’ici, le modèle provençal s’est imposé, et avec lui des vins de plus en plus pâles. « Mais nous arrivons un peu à un écueil, observe Birte Jantzen, journaliste-dégustatrice Bettane & Desseauve. Car le négoce ne regarde plus que la couleur, et laisse l’aspect gustatif à un second plan. » Pour elle, le vin rosé, dont le style tend de plus en plus vers du blanc de noir, présente un marché en forme de pyramide aplatie : la base est large et très construite, mais il n’y a pas de zone intermédiaire et peu de grands vins. Alors qu’il existe une place pour ces derniers, s’ils sont expliqués aux consommateurs. Une analyse que partage António Jordāo, professeur au Polytechnic Institute of Viseu (Portugal). Le scientifique a réalisé récemment une expérience sur des itinéraires de rosés passés en bois (chêne, cerisier, acacia, en barrique ou staves). « Sur ces vins, la couleur est plus intense mais la qualité aromatique est souvent meilleure », assure-t-il. Selon lui, l’idée serait d’élargir l’esprit en ce qui concerne les vins rosés, afin de trouver de nouvelles typicités et voir s’il y a un marché. « On commence à voir certains producteurs aller à contre-courant du modèle actuel, dirigé par la couleur pâle », ajoute-t-il. Des produits d’autant plus intéressants qu’ils vieillissent mieux, et sont moins dépendants des rapides rotations habituellement imposées par le marché. « Les rosés de garde sont intéressants pour le marché, mais personne ne fait déguster de vieux millésimes pour montrer le potentiel de ces vins », regrette Élizabeth Gabay, journaliste Master of Wine, qui elle aussi propose aux vignerons de trouver des alternatives (comme les amphores par exemple) pour se démarquer. « Nous sommes arrivés à une étape où le consommateur a confiance dans le rosé. On peut alors maintenant aller vers des choses différentes, jouer, et chercher son style » conclut Birte Jantzen.

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