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"Un coût alimentaire divisé par deux avec le pâturage tournant"

Au Gaec du logis, en Seine-Maritime, le pâturage des 100 vaches est mené à la baguette sur 24 hectares accessibles. Elles sortent du 15 mars au 15 novembre et rasent les parcelles.

L’exploitation agricole des frères Outrebon se situe à Campneuseville en Seine-Maritime, dans une région de cultures et d’élevage laitier. "Le site principal d’exploitation est sur un plateau de terres profondes de limon. Nous aurions pu cultiver en grandes cultures les terres autour des bâtiments d’élevage, mais nous tenons à faire pâturer nos vaches", insistent Hervé et Patrick Outrebon. Les sols réessuyent bien et ne sont pas séchants l’été. "Par contre, ce ne sont pas les plus portants du secteur", nuance Olivier Leray, référent fourrage à Littoral normand.

Les 24 hectares attenants à la stabulation sont en prairies temporaires ray-grass anglais et trèfle blanc, pour une centaine de vaches traites. Ils sont essentiellement destinés à être pâturés. Les éleveurs cherchent à en tirer le maximum, et ils parviennent à faire durer leurs prairies environ dix ans. Le rendement total (pâturage + fauche) est estimé à 10 - 12 t MS/ha.

Sortir tôt sur de plus grandes parcelles

Les vaches sortent vers le 15 mars, voire en février, dès que le sol est portant, quelle que soit la hauteur d’herbe. "Ce qui compte lors du déprimage, c’est de les sortir d’une parcelle quand on atteint environ 3 cm de hauteur d’herbe. C’est exigeant pour les vaches, qui beuglent. Il ne faut pas leur céder, et s’en tenir à ce repère, pour qu’elles rasent bien la parcelle." Pour ne pas abîmer les parcelles, ce déprimage se fait sur de grandes parcelles, de 7 ha environ. "C’est une façon de s’affranchir de la contrainte de la portance des sols : on réduit le chargement", ajoute Olivier Leray.

Pour les tours suivants, les parcelles sont découpées en paddocks d’1 à 2 ha. Les vaches restent deux jours maximum sur une parcelle. "Au printemps, quand la pousse est très forte, nous rationnons les vaches au fil avant, pour les forcer à bien tondre l’herbe. Si ça pousse trop fort, on sort une parcelle du plan de pâturage pour la faucher, puis on la remet dans le plan de pâturage. À l’inverse, si le temps est trop pluvieux, on enlève le fil avant, voire on agrandit la parcelle. En résumé, on adapte la pression de pâturage à la pousse de l’herbe", détaillent les éleveurs. "Avec le fil avant, les éleveurs offrent de fait une herbe nouvelle chaque jour. On est pratiquement en pâturage tournant dynamique. Les éleveurs adaptent de manière dynamique la surface offerte selon la pousse de l’herbe !", commente Olivier Leray.

La fauche sert à valoriser les excédents d’herbe en enrubannage. Trois quarts des parcelles sont fauchées, une seule fois dans l’idéal (entre mai et fin juin), rarement deux fois. Les parcelles les plus proches du corps de ferme ne sont quasiment jamais fauchées. "Si on fauche plus de deux fois dans l’année, le trèfle a tendance à disparaître et d’autres espèces percent, comme la fétuque, dont on ne veut pas parce que les vaches ne l’apprécient guère (trop de refus)", précisent les éleveurs.

Entrer dans une parcelle entre 9 et 11 cm de hauteur d’herbe

"Pour sortir les vaches d’une parcelle, un repère est que la hauteur d’herbe corresponde au numéro du mois jusqu’en juin, par exemple 4 cm au mois d’avril", conseille Olivier Leray. Pour choisir la parcelle suivante, les éleveurs mesurent la hauteur d’herbe dans les parcelles avec l’herbomètre. "Entre 9 et 11 cm, c’est l’idéal. Si l’herbe fait déjà 13 à 14 cm de haut (herbe tendue), c’est déjà trop tard et on passe la parcelle dans le plan de fauche."

Les laitières rentrent en bâtiment vers le 15 novembre. Après leur dernier passage, les éleveurs amènent leurs bœufs pour manger les refus et bien raser l’herbe.

Cette exploitation intense de l’herbe, tout en veillant à ne pas abîmer les prairies, permet de limiter la pression des adventices et de conserver une bonne proportion de trèfle.

"On a essayé d’autres associations que le RGA-TB, mais ça a donné de moins bons résultats. Quand il y a de la fétuque, les vaches la boudent et il faut faucher des refus. Une année, j’ai essayé le RGH. C’était très bien la première année, mais après on ne l’a plus vu, et il y avait un problème d’appétence. Les vaches vous disent quand c’est bon ou pas."

Le Gaec manque un peu de surface accessible pour les vaches, surtout depuis que le cheptel est passé de 80 à 100 vaches. "Avant, nous fermions le silo de maïs. Maintenant, même en pleine saison de pâturage, on distribue une complémentation (lire l’encadré), pour pouvoir produire notre référence laitière (700 000 litres en 2016-2017). Quand il fait trop sec en été, on manque d’herbe et il faut ajouter de l’enrubannage dans la complémentation." Quand les vaches sont au pâturage, les éleveurs distribuent la ration à l’auge le soir, surtout pas le matin, pour qu’elles pâturent correctement. "Le matin, elles ont les refus au cornadis."

Costie Pruilh

"S’il faut broyer les refus plus de deux fois par an, ce n’est pas bon"

Le Gaec fertilise les prairies avec du jus de fosse tous les deux ans. C’est peu chargé en azote, mais assez riche en potasse. De l’azote minéral est apporté toutes les trois-quatre semaines à partir de mi-février, trois fois, soit 90 unités au total. Après, le trèfle joue son rôle et il n’y a plus besoin d’apport. "Avant l’agrandissement de cheptel, on mettait 70 unités." Dix tonnes de craie sont amenées tous les dix ans environ, avant de ressemer une nouvelle prairie. Un ébousage est effectué au printemps après le déprimage. Le Gaec broie les refus pour gérer les mauvaises herbes et permettre une meilleure repousse, à partir de juin, deux fois maximum. "Si on doit passer plus de deux fois, c’est que la pression de pâturage n’a pas été suffisante."

Les éleveurs n’ont pas besoin de traiter contre les adventices. Ils détruisent une prairie quand les rumex et agrostis stolonnifères apparaissent et quand le trèfle disparaît. "On met du glyphosate à la fin de l’automne, et au printemps, on passe le déchaumeur ou la herse rotative pour ne pas trop travailler en profondeur et ne pas diluer la matière organique."

24 ares par vache

(( Mettre le plan en photo. PPT le texte fait office de commentaires)

Les 15 parcelles font entre 1 et 2 ha. Celles du bout sont à presque un kilomètre de la stabulation.

Les six points d’eau sont disposés pour que les vaches aient maximum 400 mètres à faire pour aller boire.

Le découpage des parcelles du fond a été modifié pour que dans chaque parcelle, les vaches puissent s’abriter le long de la haie qui longe les deux chemins latéraux.

Le chemin central est un chemin stabilisé d’exploitation utilisé aussi pour le matériel agricole. "Nous aimerions réaliser un chemin spécifique pour les vaches, parallèle à celui-ci. Actuellement, en saison pluvieuse, le chemin central est moins praticable dans de bonnes conditions par les vaches. Idéalement, il faudrait stabiliser les deux chemins latéraux. Du coup, on hésite parfois à sortir les vaches, alors que les parcelles sont portantes."

Un coût alimentaire de 50 euros/1 000 l au printemps

La bonne maîtrise du pâturage permet au Gaec de réduire fortement son coût alimentaire (1) au printemps. Avec la ration hivernale, le coût alimentaire est de 110 euros/1 000 l. Il tombe à 50 euros au printemps et tourne autour de 80 euros en été. Les Normandes produisent 7 900 l/VL/an en équivalent lait standard à 38-32.

Au printemps, le Gaec apporte une ration en complément du pâturage, pour produire la référence laitière : 3 kg MS de maïs, 1,5 kg de colza, pulpe de betterave déshydratée (1 kg) et de la paille. En été, quand l’herbe manque, le Gaec apporte de l’enrubannage et plus de maïs. La complémentation est adaptée en fonction de la pousse de l’herbe. La ration hivernale est composée de 9 à 10 kg de MS d’ensilage de maïs, 2 kg MS de betterave fourragère, 3 à 4 kg MS d’herbe enrubannée, 1 kg de paille, 5,5 kg de tourteau de colza.

Par rapport au groupe (2), sur les charges opérationnelles, le Gaec fait la différence par l’absence d’achat d’aliments grossiers. Et sur le poste aliments concentrés : 88 euros/1 000 l, contre 102 euros pour la moyenne du groupe, et 99 euros pour le quart supérieur. "Les quantités distribuées sont dans la moyenne : 214 g/l contre 199 g/l moyenne groupe, mais les éleveurs utilisent du colza. C’est le coût des concentrés qui fait la différence, lié au choix du tourteau de colza et à l’achat par camions de 25 tonnes", ajoute Olivier Leray, référent fourrage à Littoral normand.

(1) Charges opérationnelles liées à la SFP et forfait pour frais de récolte.(2) Ateliers à dominante race Normande et rendement laitier d’environ 7 000 l/VL.

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