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À QUOI RESSEMBLERA LA FRANCE LAITIÈRE EN 2015?

L’érosion du nombre d’exploitations laitières devrait se poursuivre et, d’après l’Institut de l’élevage, s’intensifier après 2015 si aucun effort n’est fait pour installer des jeunes. Les contrastes entre les zones de plaine à forte densité laitière, de polyculture-élevage et de montagne sont en train de s’exacerber.

« La fin des quotas sera gérée
par une majorité d’éleveurs
de plus de 50 ans. »
« La fin des quotas sera gérée
par une majorité d’éleveurs
de plus de 50 ans. »
© DR

Imaginer l’avenir n’est jamais facile. L’exercice est particulièrement malaisé aujourd’hui en production laitière alors que la filière vit une véritable révolution suite au désengagement de l’Europe de la politique laitière, et qu’elle traverse une crise sans précédent. À la demande de l’interprofession laitière et de FranceAgriMer, l’Institut de l’élevage vient de mener une vaste étude prospective, sur laquelle s’appuie ce dossier. À quoi ressemblera la France laitière en 2015? Quelles sont les perspectives à plus long terme? Jusqu’où va se poursuivre la baisse du nombre des exploitations laitières? Comment les régions tireront-elles leur épingle du jeu ? Quelles stratégies d’exploitation se dessinent dans les différentes régions? Autant de questions sur lesquelles se penche cette étude qui propose un zonage de la France en trois grandes zones laitières : les zones de plaine à forte densité laitière, les zones de polyculture-élevage et les zones de montagne-piémonts.

62 000 EXPLOITATIONS LAITIÈRES EN 2014

La France a su jusqu’à présent conserver un grand nombre d’exploitations laitières par rapport à ses voisins grâce à sa politique d’installation et à une gestion des quotas liée au foncier : le taux de restructuration (-4 % par an sur la période 2000-2007) est inférieur d’un tiers à la moyenne européenne. Un des atouts forts de la filière au début des années 2000 était d’avoir des éleveurs exceptionnellement jeunes à la tête des exploitations.

Mais les projections démographiques réalisées par l’Institut de l’élevage montrent que cet atout est train de s’éroder assez rapidement. En faisant évoluer la pyramide des âges des chefs d’exploitations(1), on s’aperçoit que la restructuration d’origine démographique devrait s’accélérer autour de 2015. « On assiste depuis le début des années 2000 à une baisse importante du nombre d’installations laitières, qui se traduit par un déficit de jeunes chefs d’exploitation », analyse Christophe Perrot, du département Economie. Le nombre d’installations a été divisé par deux en dix ans. Conséquence: en 2015, le nombre de chefs d’exploitation de plus de 50 ans devrait atteindre 46 % contre seulement 32 % en 2000.

« La fin des quotas sera gérée par une majorité d’éleveurs de plus de 50 ans, ce qui pourrait amplifier les réactions à ce changements de contexte », souligne-t-il. En s’appuyant sur les cessations prévisibles et les installations prévues pour les dix ans à venir par les chefs d’exploitations en place(2), la France pourrait compter 62000 exploitations laitières en 2014 contre 88 000 en 2007. Ces prévisions tendancielles ne tiennent toutefois pas compte de l’effet que pourrait avoir la crise actuelle sur les arrêts de production.

C’est surtout après 2014 que ce nouveau papy-boom en cours de constitution aura des conséquences sur les types d’exploitation de la nouvelle France laitière, souligne Christophe Perrot. « Tout dépendra du nombre d’installations et du taux de remplacement des départs, départs qui sont, eux, inéluctables. » D’où l’intérêt, d’après l’Institut de l’élevage, d’anticiper pour ne pas subir des phénomènes dont l’inertie est très forte.

UN NOUVEAU PAPYBOOM EN COURS DE CONSTITUTION

Ainsi une stabilisation autour de 30 000 exploitations pourrait être obtenue à l’échéance 2035 à condition de maintenir le niveau actuel de 1200 installations par an « qui ne paraît pas utopique ». « À production nationale inchangée, avec 8 000 exploitations en montagne (leur pourcentage devrait progresser) produisant 300 000 litres, on aurait alors en plaine 22 000 exploitations produisant 900 000 litres. Cela correspond à la moyenne des exploitations laitières danoises, ou encore à la moyenne des 1 000 plus grandes exploitations françaises actuelles. »

Par contre, en l’absence de toute relance de l’installation et en remplaçant un départ sur cinq comme c’est le cas depuis 2001, on descendrait à 20 000 exploitations en 2035. Il faudrait alors, pour assurer la collecte actuelle, avoir en plaine des exploitations produisant 1,5 million de litres (ce qui est la moyenne prévue par les danois en 2015).

« Le papy-boom des années 1990 a pu être résorbé grâce à une politique énergique d’aides à la cessation d’activité et de pré-retraite : plus de 30 000 cessations ont été aidées entre 1990 et 1992 ! », rappelle Christophe Perrot. « Si l’on veut éviter l’érosion sans fin du nombre d’exploitations laitières, il faut agir sur l’installation future en diversifiant encore les parcours. L’installation type se fait aujourd’hui pour les trois quarts dans une structure sociétaire et pour les trois quarts aussi dans un cadre familial. » ■ Annick Conté

(1) À partir des données de l’enquête structure Agreste 2007.

(2) Interrogés par le SSP entre 2005 et 2007 (enquêtes structures).

TAUX DE REMPLACEMENT : Des écarts importants

Alors que l’on comptait une installation pour 3,5 départs entre 1993 et 2000, on ne compte plus qu’une installation pour 5,1 départs entre 2000 et 2007. « Le taux de remplacement est plus important en montagne en raison du manque d’alternative au lait, avec pour conséquence un écart de taille de plus en plus important entre les exploitations de plaine et de montagne. » Le taux de remplacement est dans la moyenne en plaine et au contraire plus faible dans les zones de polyculture-élevage, en particulier dans le Sud-Ouest (une installation pour 8,3 départs !). Paradoxalement, c’est donc dans les zones les moins laitières que l’on a observé les plus fortes croissances de structure et que l’on a la meilleure productivité du travail.

Des stratégies différenciées selon les régions

Les enquêtes et suivis réalisés dans les exploitations des réseaux d’élevage permettent d’avoir une idée des stratégies mises en oeuvre par les éleveurs dans les trois grandes zones laitières. Les voici dans les grandes lignes ; elles sont développées dans les pages suivantes du dossier.

■ Menaces d’arrêt en zones de polyculture élevage

Même si le coût de production est plus élevé dans les zones de polyculture élevage qu’en plaine, il n’y a pas de remise en cause de la stratégie de conduite intensive de l’atelier laitier : « les exploitations n’ont pas intérêt à diluer la production laitière sur les surfaces », argumente Dominique caillaud. La concurrence s’est amplifiée entre le lait et les cultures : les exploitations sont à la recherche d’indicateurs économiques qui permettent de comparer les deux ateliers. « À chaque fois qu’un associé part ou que les emprunts sont remboursés, on se pose la question de l’arrêt du lait. » Mais on peut distinguer quatre zones de polyculture élevage, avec un risque de déprise qui s’accroît du Nord vers le Sud : « dans le Sud-Ouest et les zones intermédiaires à faible densité, on observe déjà un très faible taux de remplacement, ce n’est pas encore le cas dans l’Est et en Nord-picardie. Mais quel sera l’effet de la crise actuelle ? »

■ Davantage de lait en plaine

Les zones de plaine spécialisées, qui regroupent la Bretagne, les Pays de la Loire, la Normandie et les zones herbagères du Nord-Ouest et du Nord-Est, assurent à elles seules la moitié de la production française. La stratégie dominante est de produire plus en intensifiant : freinés par les quotas et la pression foncière, les élevages disposent d’une réserve de productivité, avec des coûts marginaux faibles, comme on l’a vu en 2008. C’est un bon moyen de diluer les charges fixes. « Globalement le maïs n’est pas remis en question dans ces régions. » Il devrait même progresser dans les exploitations avec l’augmentation de la taille des troupeaux et la diminution du pâturage, même en Bretagne.

■ Différenciation avec les AOC en montagne

Les exploitations de montagne-piémont plus spécialisées, plus petites, plus herbagères, plus extensives sont plus dépendantes de la production laitière. « Une stratégie est d’augmenter le volume produit pour rester concurrentiel par rapport aux élevages de plaine. Ce n’est pas évident : elles n’ont pas beaucoup de marge de manoeuvre au niveau de la production par vache ; cela implique donc des investissements bâtiments. L’alternative est de jouer sur la différenciation par les AOC ou la vente directe. » ■

Sommaire du dossier

Page 32 : Lucidité et inquiétude face à l’avenir Avis d’éleveurs

Page 34 : « De l’intensif pour réduire le travail et les investissements » Reportage en zone de plaine

Page 40 : « Gagner encore en autonomie à tous les niveaux » Reportage en zone de montagne

Page 46 : « Nous sommes prêts à produire plus dès la fin des quotas » Reportage en zone de polyculture élevage

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