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En Allemagne, relever le défi de la productivité avec 1000 vaches

La coopérative Milchquelle possède une dimension inconnue en France : près de 1400 hectares et 9 millions de litres de quota. Cet atelier occupe vingt-quatre personnes. Le lait permet de leur payer un niveau de salaire voisin des rémunérations que peut verser un élevage de l’Hexagone.

La ration est déversée 
en contrebas où 
elle est directement 
reprise par une 
bande transporteuse qui la véhicule
jusqu’au-dessus 
et dans les auges.
La ration est déversée
en contrebas où
elle est directement
reprise par une
bande transporteuse qui la véhicule
jusqu’au-dessus
et dans les auges.
© C. Reibel

De loin, les cinq bâtiments accolés aux faitages surélevés ont un peu l’air d’une usine textile. Les têtes de vaches qui dépassent de leurs portes largement ouvertes indiquent que l’impression est trompeuse. « Tout cela a été construit en 1977, du temps de l’ex-Allemagne de l’Est. Nous les avons aménagés du mieux que nous avons pu et en fonction de nos moyens financiers », explique Dieter Kube, président de la coopérative Milchquelle (traduisez « source de lait »), qui a succédé en 1991 à une coopérative de production comme l’Est du pays en a dénombré des milliers jusqu’à la réunification des deux Allemagne.
Nous sommes à Stüdenitz, au nord-ouest de Berlin. Ici, les sols n’ont pas un potentiel extraordinaire : une soixantaine de quintaux en blé et souvent 11-12 tonnes de maïs ensilage à 35 % MS à l’hectare. Le lait est donc la recette numéro un. Les bâtiments ont été prévus à l’origine pour 1800 vaches. Ils en logent aujourd’hui un peu plus de mille. Dieter Kube évalue leur potentiel génétique à 10 000 litres. Mais il n’est pas encore totalement exploité.
L’atelier a connu un passage difficile en 2011. Ses livraisons ont diminué d’un million de litres. « L’année a été pluvieuse. La qualité des fourrages en a souffert. Nous étions sur un rythme de trois traites par jour. Mais c’est difficile avec un roto de 36 places. Le troupeau était nerveux. Pour le calmer, nous sommes repassés à deux traites quotidiennes », explique Dieter Kube. En 2012, l’atelier n’a pas rempli son quota de presque 9 millions de litres alors que la laiterie lui en accorde 10 millions et que les bâtiments permettraient d’en produire 14 millions. « Avec des vaches à 11 000 litres de moyenne comme certains de nos collègues, c’est possible. Dans un tel élevage, le facteur déterminant, c’est le lait vendu par vache », analyse Dieter Kube.


Augmenter la taille du troupeau


Pour améliorer la productivité, un poste de responsable d’atelier a été créé. Il est occupé depuis deux ans par Martin Burkholz, 26 ans, arrivé comme apprenti en 2003 et chargé de l’alimentation entre 2006 et 2011. Trois à quatre fois par an, il suit des formations qui ont essentiellement pour thème la conduite et la santé du troupeau.
« On ne peut pas conduire un grand troupeau en répartissant la responsabilité entre les chefs d’équipe, comme nous le faisions jusque-là. Les informations doivent être transmises à un seul homme qui supervise l’ensemble. Tous les élevages qui ont un très bon niveau d’étable ont adopté ce schéma. Les techniciens extérieurs n’interviennent que ponctuellement », raconte Dieter Kube. Jusqu’à sa retraite en 2015, il assistera Martin dans la gestion du troupeau. Ce dernier sera ensuite seul à décider.

Priorité à la restauration de la productivité

Les premières mesures ont été prises dès la nomination de Martin. La première a été d’augmenter le nombre de vaches. Dans ce but, Martin a commencé par utiliser des semences sexées sur les génisses qui vêlent en moyenne à 24,9 mois. À raison de 1,8 IA pour une gestation, il obtient 90 % de femelles. Il remet maintenant les vaches à l’insémination 40 jours après vêlage. « En attendant 80 jours, on se retrouve vite à 120 jours en pratique si on rate une fois les chaleurs. Depuis que cette stratégie a été mise en place, l’IVV est redescendu de dix-huit jours. Le taux de renouvellement s’élève à 39 %. Il devrait être ramené entre 25 et 30 %. Dans un si grand troupeau, il faut se fixer de tels objectifs », dit-il.
Les vêlages sont suivis de près. Les fraîches vêlées reçoivent 40 litres d’eau additionnée d’un peu de sucre de raisin et de vitamines pour que l’animal se remette rapidement à manger et à boire. La prise de température est systématique pour détecter tout problème de délivrance. Le vétérinaire, sous contrat avec la coopérative, son seul client, intervient dès que nécessaire. La vache reste six heures avec son veau avant d’intégrer un « groupe colostrum » pour une semaine. Le lait recueilli est mélangé et servi aux veaux. Les vaches en deuxième lactation et plus subissent des prises de sang pour prévenir l’acétonémie. À plus de 0,8 mmol/l , Martin leur administre 500 ml de propylène glycol pendant trois jours. « Cela stimule leur production d’insuline et augmente l’ingestion. La plupart des vaches réagissent positivement à ce traitement », juge-t-il. Les vaches sont parées tous les 125 jours, soit trois fois par an.
Les laitières reçoivent une ration complète à dominante d’ensilage de maïs auquel s’ajoute de l’ensilage d’herbe, de la paille hachée, des tourteaux de soja et de colza, du triticale et du maïs grain aplatis, des protéines protégées, du foin de luzerne et du lin extrudé. Les rations sont adaptées aux génisses et à six lots de vaches : fraîches vêlées, les productrices à plus de 30 litres, celles sous 30 litres et celles sous 20 litres, les taries six à huit semaines avant vêlage et les taries deux semaines avant vêlage.

Avoir des partenaires réguliers et à long terme


La coopérative livre son lait à DMK, numéro un de la branche en Allemagne. Milchquelle a d’abord été un simple apporteur sous contrat. En 2010, elle a décidé de sauter le pas et de devenir membre de DMK en acquérant du capital social calculé sur le volume livré. Pour Milchquelle, le ticket d’entrée vaut 319 000 € progressivement défalqués de la paye du lait qui arrive chaque quinzaine. « Nous avons signé parce que nous voulions avoir la sécurité d’être collectés. Nous ne pouvons pas nous permettre de discuter à tout bout de champ. Ce qui nous intéresse, c’est d’avoir des partenaires réguliers et à long terme. C’est avec eux que nous nous en sortons quand le prix du lait est mauvais. Ils nous accordent des délais. Des décalages de paiement jusqu’à deux ans sont possibles. Cette année, nous nous en sommes tirés grâce à des contrats d’aliment qui nous ont évité de payer le prix fort de suite. Mais tout a une fin », indique Dieter Kube. « Milchquelle n’a jamais roulé sur l’or. Elle a démarré avec les dettes héritées du passé. Comme nous ne disposons pas d’assez de capital pour financer notre croissance, nous avons investi en faisant beaucoup appel au leasing. Nous avons connu des années difficiles avec un prix au litre qui est descendu à 26 centimes. En 2008-2009, nous avons perdu un centime par litre produit. En 2010-2011, nous avons réalisé un gain de 6,7 centimes. Avec la hausse du coût des fourrages, notre coût de production, salaires inclus, s’élève aujourd’hui à 38,72 centimes par litre. Nous recevons 35 centimes pour le lait. En y ajoutant une prime de volume de 0,6 centime par litre, les réformes, la vente des veaux mâles à 15 jours et les aides, nous couvrons la différence et arrivons à 40,4 centimes de recettes totales. Depuis le début de l’année, la laiterie nous indique le premier du mois le prix de base pour le mois en cours. C’est une bonne chose. »
La construction d’une unité de méthanisation d’une puissance de 500 kWh a été un bon choix. Elle tourne à 75 % avec le lisier de l’élevage, un peu d’ensilage d’herbe (1 tonne par jour) et les bords de silo (5 tonnes par jour), leur cœur étant réservé aux vaches. La chaleur dégagée par le moteur qui brûle le méthane sert à refroidir les deux tanks de 16 000 litres chacun. « La recette tirée de la production d’énergie nous a bien aidés. Un million de litres qui manque, c’est quand même plus de 300 000 € en moins », lance Dieter Kube, dont la priorité reste de restaurer la productivité de l’atelier laitier. « Il nous faut diminuer nos coûts, nos pertes, le renouvellement, bref nous spécialiser encore davantage pour rester producteurs. Nous investissons. Nous sommes confiants. En 2015, chacun va essayer de produire plus. Je pense que ça durera deux ou trois ans. Pour notre part, les fourrages et donc le foncier seront les facteurs limitants. Peu de terres se libèrent alors qu’il y a beaucoup de gens intéressés pour semer du maïs destiné à alimenter les unités de méthanisation. Un hectare qui valait 3000 € il y a cinq ans, se négocie aujourd’hui quatre ou cinq fois ce prix. Les agriculteurs ne peuvent pas suivre les investisseurs prêts à payer de tels tarifs ».

Chiffres clés

• 23 associés
• Main-d’œuvre : 40 UTH (dont 23 détenteurs de parts sociales) et 4 apprentis dont
24 personnes affectées aux 2040 bovins
• SAU : 1388 ha dont 395 ha de maïs ensilage, 393 de prairies naturelles, 190 ha
de blé, 174 ha de seigle, 95 ha de colza, 89 ha de triticale, 24 ha d’orge.
• Cheptel : 1030 Prim’holstein et leur suite, soit 984 jeunes bêtes
• Quota : 8 984 565 litres
• Référence : 39,7 de MG

 

Plus d'info dans Réussir Lait n°272 p. 156 à 160.

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