Incertitudes sur l’approvisionnement protéique d’origine américaine
Alors que trois nouvelles variétés de soja OGM sont en passe d’être autorisées en Amérique, l’industrie de la nutrition animale française s’inquiète du retard de Bruxelles pour en légaliser l’import
PENURIE. Une chute de 34% de la production de viande de volaille et de 43% pour le porc. Ce sont les conséquences probables d’un défaut d’approvisionnement satisfaisant en matière protéique issue d’Amérique du Nord et du Sud pour les filières animales, selon un rapport de la Commission européenne. Ce scénario, bien qu’encore spéculatif, pourrait bien devenir une réalité si les instances communautaires tardent trop à autoriser l’importation des nouvelles variétés de soja modifié, qui seront vraisemblablement semées sur le territoire américain dès cette année. En effet, trois nouvelles variétés de soja transgénique devraient recevoir leurs autorisations de mises en culture, dès 2008 aux Etats Unis, et l’an prochain au Brésil et en Argentine (Liberty Link, Round Up Ready 2 et Optimum Gat). La procédure d’autorisation de produits génétiquement modifiés au niveau de l’Union européenne étant nettement plus longue qu’Outre-Atlantique, l’importation de graines de soja ou de tourteaux issus de la transformation de ces dernières risquent d’être compromise. Si tel est le cas, quel sera le niveau d’ensemencement des nouvelles variétés par rapport aux anciennes déjà autorisées par Bruxelles ? Une séparation des filières sera-t-elle envisageable ? Et surtout à quel prix ? Des questions encore en suspens dans la filière.
Coop de France Nutrition animale attend que la Commission européenne autorise les nouveaux OGM
S’il ne s’agit pour l’instant que de spéculation, l’éventualité de l’absence d’approvisionnement protéique d’origine américaine l’an prochain inquiète les fabricants d’aliments du bétail. Pour autant, la filière ne semble pas prête à gérer cette situation, et mise plutôt sur une décision bruxelloise pour la tirer d’affaire. « C’est une question très importante », reconnait Michel Dochez, responsable industrie de la nutrition animale à Coop de France. « Tout dépend de la position que va adopter la Commission, et si c’est l’interdiction qui est finalement choisie, les perturbations commerciales seront très importantes », explique-t-il. « On croise les doigts pour que Bruxelles autorise les nouvelles variétés ou pour que l’on obtienne au moins une présence fortuite de ces dernières dans les importations de soja ». Et de conclure, « si un ralentissement de l’import a lieu, on assistera à une hausse des prix des tourteaux, et donc à une perte de compétitivité importante pour les productions animales européennes ». La conséquence sera alors un recours aux importations de viandes d’origines étrangères plus important. Et comme une bonne partie de ces importations aura inévitablement pour origine l’Amérique du Sud, des viandes issues d’animaux ayant consommé ces nouveaux OGM non autorisés dans l’UE, se retrouveront dans les assiettes des consommateurs européens. « Une situation particulièrement incohérente », dénoncée par Michel Dochez.
Des prix encore plus fermes en l’absence d’autorisation
Les prix des matières premières agricoles avaient déjà explosé en 2007, et le soja n’y avait pas échappé, principalement dopé par la demande en biocarburants, fonction des oscillations des cours du pétrole. L’absence d’autorisation bruxelloise sur les nouveaux soja OGM pourrait provoquer une nouvelle envolée des prix. En effet, la séparation des filières transgéniques et conventionnelles au Brésil avait entraîné un surcoût important pour les importations de graines non transgéniques. L’interdiction de certaines variétés modifiées serait un nouveau casse-tête pour les importateurs et la taxe engendrée par une telle ségrégation entre OGM autorisé et OGM non autorisé ne serait pas supportable, selon des opérateurs du commerce des grains. La solution pourrait alors venir de filières déjà existantes, comme les filières de soja tracés non OGM brésiliennes, mais comme le souligne un courtier, « les volumes actuels sont insuffisants pour couvrir l’ensemble des besoins européens ». L’augmentation de la prime «non OGM» pourraient peut être inciter les producteurs à planter davantage de non OGM… ce serait là un sacré retour en arrière.