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Valorisation : la filière lin française mise sur la réindustrialisation

Trois initiatives de relocalisation de filatures de lin sont lancées en France, avec la volonté de créer de la valeur sur le territoire tout en réduisant la dépendance aux acheteurs asiatiques.

La coopérative NatUp a investi dans une filature de lin en Normandie, qui travaillera dans un premier temps 200 à 250 tonnes de fibres.
La coopérative NatUp a investi dans une filature de lin en Normandie, qui travaillera dans un premier temps 200 à 250 tonnes de fibres.
© NatUp

Du lin textile 100 % made in France, du champ à la chemise ? C’est le défi relevé par plusieurs entreprises qui investissent dans des unités de transformation françaises. La coopérative normande NatUp, l’industriel Safilin (Pas-de-Calais) et le groupe textile alsacien Velcorex affichent tous trois la volonté de relocaliser en France la filature de lin. Pour l’heure, si l’Hexagone produit 80 % des fibres longues européennes, une très large partie est exportée, principalement vers la Chine et l'Inde. Objectif affiché pour cette nouvelle stratégie : aller au bout de la chaîne industrielle pour capter la valeur dans les régions françaises plutôt qu’à l’autre bout du monde. Et, si possible, permettre un développement de la culture et de sa rémunération.

Après avoir perdu de sa superbe entre les années 1980 et 2000, le lin est redevenu incontournable sur le marché du textile grâce à la l'Asie, qui a su exploiter cette fibre. Mais les filatures chinoises sont aussi le talon d’Achille du lin français. « La fragilité de notre filière repose sur notre dépendance face au client chinois qui transforme 80 % de notre production, souligne Jean-Charles Deschamps, président de la coopérative NatUp. La crise de la Covid-19 nous l’a rappelé : une filière complète peut être en péril si elle est en incapacité de transformer la matière sur son propre territoire. Plus nous diversifierons nos débouchés, plus nous assurerons notre sécurité. »

Forte de ce constat, la coopérative a décidé d’investir dans la filature de lin, « le seul maillon manquant à la chaîne de production », souligne son président. Lequel annonce la sortie très prochaine des premières bobines de fil. L’investissement s’élève à 4,4 millions d’euros, dont la moitié financée par la région Normandie et par l’État. « Dans un premier temps, 200 à 250 tonnes de fibres seront travaillées dans notre filature, précise Jean-Charles Deschamps. Ce volume est symbolique mais il traduit notre volonté d’anticiper les évolutions d’une filière concurrencée par l’Asie. »

« Le lin français peut être compétitif »

Reste ensuite à valoriser ce lin 100 % made in France chez des industriels tricolores de l’industrie textile. Pour Jean-Charles Deschamps, la France peut être compétitive face à la filature étrangère, notamment grâce à l’écrasement des coûts de transport. Cette forme de « circuit court » est par ailleurs un argument commercial qui peut avoir son poids.

Par ailleurs, « le made in France n’est pas un effet mode, et la qualité de nos produits n’est plus à démonter, assure le président de NatUp. Nous avons encore un handicap sur le prix du kilo de fibres. Nous devrons donc le combler par notre savoir-faire et par l’investissement dans la recherche et le développement. » Miser sur la R & D est d’ailleurs un pari partagé par toute la filière. Pour répondre à la demande croissante de fibres, les teilleurs relancent l’investissement dans de nouvelles ligneset les sélectionneurs travaillent à l’obtention de nouvelles variétés.

 

 
L'équipe de la French filature de NatUp devant les dernières pièces à monter. Pour la coop, la France peut être compétitive face à la filature étrangère grâce à l’écrasement des coûts de transport. L'aspect « circuit court » constitue en outre un argument commercial.
L'équipe de la French filature de NatUp devant les dernières pièces à monter. Pour la coop, la France peut être compétitive face à la filature étrangère grâce à l’écrasement des coûts de transport. L'aspect « circuit court » constitue en outre un argument commercial. © J.-F. Lange

 

D’autres acteurs croient dans l’avenir du lin français. La filature Safilin a rapatrié à Béthune certaines machines de ses filatures polonaises. « Le plan de relance de l’État et la crise du Covid-19 ont accéléré notre réflexion d’investir dans la filature française, explique Alix Pollet, directrice Pôle marques. L’entreprise a investi six millions d’euros dans la mise en place d’une filature à proximité de notre bassin de production et de nos prestataires. Nous voulons proposer une offre ultra-locale 100 % française, de la graine au fil. C’est une offre additionnelle en circuit court qui représentera 380 tonnes de fils soit 10 % de notre capacité totale de production européenne. »

Le groupe textile alsacien Velcorex, lui, a bénéficié d’un budget national de recherche pour la constitution d’un laboratoire commun autour des matériels biosourcés. « La France a la chance extraordinaire de disposer d’une filière complète et d’un marché du lin en pleine évolution, explique Pierre Schmitt, président de Velcorex. Pour l’exploiter complètement, les compétences autour du textile et de la chimie doivent cohabiter. »

Structurer la filière autour de l’innovation et de la recherche

Le groupe industriel s’est entouré de coopératives linières, d’écoles d’ingénieurs du textile et de la chimie et de l’IS2M (Institut de science des matériaux de Mulhouse) pour développer une plateforme d’excellence autour de la fibre textile. « La filière lin a besoin de se structurer autour d’innovations et d’une recherche de proximité, précise le dirigeant de Velcorex. Le lin est exemplaire sur le plan écologique, agricole et industriel. Nous l’exportons sans le valoriser, c’est une aberration totale ! Nous sommes au préambule d’une révolution écologique dont le lin peut devenir le moteur. »

Pour Pierre Schmitt, la France dispose de tous les atouts pour devenir le leader mondial sur les marchés à condition que l’ensemble des acteurs de la filière nationale se mobilise. « L’histoire du lin est emblématique, confie-t-il. Je ne connais pas d’autres filières aussi bénéfiques pour l’agriculture et l’industrie. La France dispose d’une matière avec des enjeux économiques importants pour notre balance commerciale. Avec les perspectives de marchés qu’offre le lin, notre pays peut créer des milliers d’emplois. Nous avons une feuille de route à construire pour valoriser ce potentiel gigantesque, qui nécessite une réelle volonté politique et l’investissement de tous, des agriculteurs aux transformateurs. »

Les acteurs de la filière restent néanmoins prudents, car cette amorce de relocalisation ne remettra pas en cause à court terme la prédominance des clients et transformateurs asiatiques. L’arrivée de filatures françaises ne démultipliera donc pas les surfaces de lin dans l’immédiat. Elles permettront en revanche de démarquer la France de ses concurrents par la qualité de ses produits, et ainsi d’aller chercher de nouveaux débouchés.

Une culture écologique mais risquée pour le producteur

 

 
Le lin affiche un profil écologique avantageux face aux textiles issus du pétrole ou face au coton, mais c'est une culture qui nécessite de forts investissements pour les liniculteurs.
Le lin affiche un profil écologique avantageux face aux textiles issus du pétrole ou face au coton, mais c'est une culture qui nécessite de forts investissements pour les liniculteurs. © J.-C. Gutner
Matériau biosourcé et renouvelable, le lin est une alternative aux matières synthétiques issues de fibres de verre ou de dérivés du pétrole. L’analyse du cycle de vie de cette matière première atteste d’un bilan très vertueux. Face à son principal concurrent végétal, le lin est par ailleurs plus économe en eau et en intrants que le coton : la fabrication d’une chemise 100 % lin aura un impact environnemental moindre qu'une chemise composée d’un mélange de lin et de coton. Ces atouts écologiques sont potentiellement sources de valorisation pour du textile en lin made in France.

 

Mais ces avantages ont un coût. Le lin est en effet une culture contraignante qui nécessite des investissements en matériel et en main-d’œuvre importants pour le liniculteur. Selon la qualité produite, il perçoit une rémunération comprise entre 1,80 et 4 euros/kg de fibres longues qui représentent en moyenne 15 à 35 % de la quantité de paille produite. La rentabilité de la culture est à considérer sur plusieurs années car elle dépend principalement du contexte climatique, plus encore que du contexte économique. Ce dernier est repassé au vert après un violent trou d’air occasionné par la crise liée au Covid et à l’arrêt de l’activité industrielle en Chine.

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