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Fusariose sur blé : les solutions pour pallier la diminution des solutions chimiques

Baisse d’efficacité des fongicides, disparition de produits de traitements, réglementation qui se durcit sur les mycotoxines… la lutte contre la fusariose des épis se complique, mais peut désormais s’appuyer sur des moyens alternatifs.

La résistance aux triazoles des pathogènes responsables de la fusariose des épis progresse.
La résistance aux triazoles des pathogènes responsables de la fusariose des épis progresse.
© C. Gloria

Une épée de Damoclès au-dessus des épis de blé. La fusariose peut être très préjudiciable à la qualité et au rendement des blés si les conditions climatiques la favorisent, à savoir des pluies autour de la floraison. Le traitement fongicide positionné en T3 peut contenir les infestations. Malheureusement, l’efficacité des produits régresse. « Nous observons une érosion lente et continue de l’efficacité des triazoles en essais depuis une dizaine d’années. L’analyse ces dernières années de 235 isolats par l’Inrae de Fusarium graminearum et des Microdochium nivale et majus a confirmé la diminution de sensibilité au tébuconazole et au prothioconazole, rapporte Claude Maumené, Arvalis. Il y a une résistance quantitative de ces agents de fusariose aux triazoles, avec une grande diversité selon les souches. » Dans les essais avec inoculation des souches et brumisation, l’efficacité des fongicides est d’autant plus dégradée que la pression de maladies augmente. « Mais ces conditions de cultures ne se rencontrent pas forcément au champ », précise le spécialiste.

Dans les essais Arvalis, les fongicides affichent des efficacités modestes, souvent inférieures à 50 %. Mieux vaut malgré tout conserver ce moyen de lutte dans les situations à risque. Pour Jérôme Thibierge, Arvalis, « il faut rechercher la solution polyvalente sur Fusarium et Microdochium ». Ce dernier ne génère pas la production de mycotoxines dans le grain, contrairement à Fusarium, mais il peut avoir un impact important sur le rendement. « La meilleure performance est obtenue avec l’association de prothioconazole et de tébuconazole de type Prosaro, affirme l’expert. En 2020, la dépense était en moyenne de 26 euros par hectare en T3 sur blé tendre. Elle était de 38 euros par hectare sur blé dur avec des doses plus élevées sur cette céréale très sensible aux mycotoxines. Un produit comme Prosaro coûte 45 euros par litre pour une utilisation à 0,7 litre par hectare en moyenne. »

Disparition du tébuconazole en 2023

Dans le Gers, les dernières années ont été ponctuées de pluies importantes au moment de la floraison, qui ont eu une grosse incidence sur le développement de la fusariose. « Plus sensible, le blé dur est plus particulièrement concerné avec toutes les parcelles touchées. Un traitement systématique était recommandé ces dernières années contre la fusariose, expliquent Laetitia Laffont et Guylain Despax, de la coopérative Gersycoop. Nous conseillons des traitements tout début floraison à base de tébuconazole, voire l’association de tébuconazole et de prothioconazole sur les variétés les plus sensibles et si le prothioconazole n’a pas déjà été utilisé dans un traitement précédent. Quand ils sont bien positionnés, ces produits apportent une bonne efficacité. Nous notons en outre une légère amélioration de celle-ci en utilisant un adjuvant comme Sticman ou Hélioterpen avec le fongicide. »

La performance des fongicides reste satisfaisante sur le terrain dans de bonnes conditions d’utilisation. Mais la principale molécule anti-fusariose, le tébuconazole, va être retirée du marché en 2023. « Nous étudions d’autres triazoles comme le difénoconazole et le bromuconazole, en attendant d’avoir la nouveauté de Syngenta qui s’annonce performante », expose Laetitia Laffont. Guylain Despax insiste de son côté sur le risque Microdochium pour le rendement. « Si la température est inférieure à 18 °C à la sortie de la dernière feuille, le risque est élevé. Mais l’utilisation d’un produit en deuxième traitement (dernière feuille étalée) ayant dans sa composition une strobilurine a tendance à bien diminuer les infestations de cette maladie. »

Éviter la culture d’un blé après un maïs ou sorgho

Laetitia Laffont met en avant les autres moyens de lutte permettant de réduire le risque de fusariose. « La diversification culturale dans la rotation apporte une réponse à de nombreux problèmes dont la fusariose. Le blé dur revient tous les trois ans et c’est le laps de temps minimum que nous recommandons entre deux blés, de même que sa culture après un oléagineux, dont les résidus n’hébergent pas d’inoculum du pathogène, précise-t-elle. Le blé tendre est moins sensible à la fusariose et nous avons davantage de variétés tolérantes au Fusarium qu’en blé dur. Utiliser des variétés au comportement correct constitue l’un des leviers pour gérer cette maladie. C’est le cas d’Izalco CS, KWS Ultim ou encore Orégrain, mais ce dernier est sensible à la septoriose. C’est important surtout pour des blés succédant à un maïs. Souvent, dans les rotations comportant du maïs, les agriculteurs pratiquent le labour, ce qui contribue à diminuer le risque de fusariose. »

La grille de risque d’accumulation de déoxynivalénol (DON) sur blé tendre établie par Arvalis donne une note selon le précédent cultural, la gestion des résidus de culture et la sensibilité variétale en fonction du niveau de pluie à la floraison. Sauf si la variété est sensible, un blé a peu de chance d’être infesté quand il ne succède pas à un maïs ou un sorgho, avec enfouissement des résidus du précédent.

Un gain de rendement souvent limité avec un T3

Indépendamment de la problématique sanitaire, Arvalis pose la question de la rentabilité d’un traitement T3 à la floraison, qui dépend de son impact sur le rendement. Tout en visant les fusarioses, ce traitement peut contribuer à contrôler d’autres maladies encore présentes comme la septoriose et les rouilles. Dans son document Choisir céréales à paille, Arvalis expose que « sur la base de 104 essais depuis 2008, les gains de rendement dépassent 2,5 quintaux par hectare en moyenne seulement dans 50 % des cas. Il apparaît qu’un traitement inutile face à un risque modéré de maladie coûte aussi cher qu’une mauvaise impasse. En d’autres mots, le risque que l’on prend à ne pas traiter n’est donc pas plus grand en moyenne que le coût de l’assurance que l’on prend en traitant. » Mais ce raisonnement n’est pas recevable si l’on prend en considération la qualité sanitaire, ajoute l’institut dans son interprétation qui datait de l’automne dernier. Depuis, le prix des carburants est monté en flèche tout comme les cours des céréales. Ces éléments pèseront forcément dans la décision d’interventions fongicides.

Un produit prometteur… pas avant 2024

La société Syngenta détient une molécule prometteuse avec le pydiflumetofen (Adepidyn), de la famille des SDHI, déjà commercialisée outre-Atlantique. Un produit associant cette matière active au prothioconazole est en projet pour la France, mais ne sera pas commercialisé avant 2024. Arvalis a pu constater l’intérêt de ce produit sur les fusarioses. Sur deux essais en 2021, le produit obtient une efficacité de pratiquement 20 points supérieure à la meilleure solution testée (Wasan + Joao) et garantit une teneur en DON inférieure à 1 000 µg/kg à sa dose la plus élevée sur des situations très infestées. Contre Microdochium, même niveau de surplus d’efficacité par rapport à la référence Fandango.

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