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Féverole : des leurres olfactifs pour détourner les bruches de la culture

Les moyens de lutte efficaces manquent contre la bruche de la féverole. L’utilisation de solutions de biocontrôle à base de composés olfactifs attractifs (COV) constitue une piste prometteuse.

Des plaques engluées avec des capsules émettant des substances attractives de bruches peuvent permettre de faire baisser de 50 % les grains bruchés.
Des plaques engluées avec des capsules émettant des substances attractives de bruches peuvent permettre de faire baisser de 50 % les grains bruchés.
© De Sangosse

La recherche de moyens de lutte contre la bruche de la féverole fait son chemin. Sous le nom de FabaOdor, des pièges avec des médiateurs chimiques attractifs de type kairomones sont dorénavant commercialisés par la société De Sangosse depuis cette campagne. Ils sont distribués sous la forme d’un pack qui comprend 20 pièges et 40 capsules attractives (115 euros). Le dosage préconisé est de 20 pièges par hectare avec 20 capsules à renouveler au bout de trois semaines.

Cette année, à travers le projet Pro’Lag (Performance et rentabilité optimisées des légumineuses à graines), la Coopération agricole des Hauts-de-France et différents partenaires (1) poursuivent le suivi d’un réseau de parcelles de féveroles avec et sans pièges à kairomones FabaOdor. L’objectif est d’élaborer des comparaisons technico-économiques afin de proposer des solutions alternatives pour lutter contre les bruches et inciter les agriculteurs à maintenir la production de la féverole.

Ce système de piégeage est issu de recherches menées par Inrae. « Différentes études nous ont permis d’identifier les signaux chimiques élémentaires de la féverole qui attirent la bruche, explique Brigitte Frérot, à l’origine de ces recherches. Nous avons formulé deux attractifs biomimétiques de l’odeur de la fleur et de la gousse pour lesquelles l’Inrae a déposé des brevets. »

Envisager une stratégie de push-pull

Les pièges sont à installer juste avant la floraison de la culture à l’intérieur des parcelles. Ils diffusent le parfum caractéristique des gousses et des fleurs de la féverole. Que ce soient ces pièges actuels ou, précédemment, les bols équipés d’un cylindre à l’intérieur duquel une matrice diffuse les molécules odorantes attractives, les résultats du piégeage sont probants. Des milliers d’insectes sont ainsi capturés par semaine, diminuant le taux de bruchage dans la parcelle. « Il y a encore beaucoup d’innovations à investiguer autour de ce piégeage de masse et de tests à réaliser, précise Brigitte Frérot. De plus, le biocontrôle ne sera jamais une solution unique. C’est la combinaison de plusieurs leviers qui conditionne son efficacité. » De son côté, De Sangosse assure que le piégeage avec FabaOdor « permet une diminution en moyenne de 50 % du taux de grains bruchés. »

La bruche de la féverole (Bruchus rufimanus) est un insecte spécialisé, inféodé principalement à cette plante. Des plantes hôtes comme les gesses, lentilles, pois protéagineux permettent à l’insecte de survivre lorsqu’il n’a pas de féverole à disposition. « Une meilleure connaissance de la distance d’attractivité de la féverole permettrait d’envisager d’autres stratégies de lutte comme le push-pull. Cette technique consiste à repousser (push) les ravageurs du champ en associant des plantes répulsives à la culture et à les attirer en dehors du champ avec des plantes attractives (pull) », précise Bastien Remurier, ingénieur développement chez Terres Inovia.

Un micro-hyménoptère parasite de la bruche

Les autres espoirs reposent sur la piste génétique, avec des féveroles moins émettrices de substances odorantes attractives des bruches. Des études en cours ont également permis à Inrae d’identifier des variétés qui entraîneraient la mort de la larve dans la gousse. D’autres recherches sont en cours. « Trouver des alternatives demande en moyenne 7 à 10 années de recherche avant la mise sur le marché, avec en plus une bruche qui ne s’élève pas en laboratoire, souligne Brigitte Frérot. Il s’avère donc très compliqué d’étudier une lutte autocide avec, par exemple, l’introduction en grande quantité des individus mâles stériles au champ pour limiter la reproduction. Toutefois, j’ai fait identifier un micro-hyménoptère parasite de la bruche de la féverole. Son cycle biologique est encore peu connu. Les recherches se poursuivent afin de mettre en œuvre tout un ensemble de techniques pour créer un milieu écologique qui lui soit favorable. »

Terres Inovia poursuit l’évaluation d’autres solutions de biocontrôle (barrières physiques, répulsifs) mais aucune solution satisfaisante n’a été identifiée à ce jour. L’institut a mené des essais également sur la bruche de la lentille avec l’application de purin d’ortie ou de produit à base de macération d’ail. Les résultats montraient des efficacités du même niveau que celle des pyréthrinoïdes. Des essais similaires n’ont pas été mis en place sur la féverole.

(1) Cérèsia, Vivescia, Noriap, Agora, coopérative agricole de Beton-Bazoches, Terres Inovia, chambre d’agriculture de la région Hauts-de-France et AgriOdor.

Une lutte chimique insuffisante

 

 
La bruche de la féverole est un insecte spécifique, différente de la bruche des lentilles (Bruchus signaticiornis) ou du pois (Bruchus pisorum).
La bruche de la féverole est un insecte spécifique, différente de la bruche des lentilles (Bruchus signaticiornis) ou du pois (Bruchus pisorum). © Terres Inovia
La gamme insecticide se limite à la lambda-cyhalothrine (pyréthrinoïde) avec une seule application sur la phase de risque, du stade jeunes gousses de 2 centimètres sur le premier étage fructifère jusqu’à la fin floraison + 10 jours. Elle vise les insectes avant que les pontes n’aient lieu sur les gousses. En cas de forte végétation, les gousses des étages inférieurs sont difficiles à atteindre avec une pulvérisation foliaire. Au final, l’efficacité n’est pas satisfaisante, rendant incontournable et urgente la recherche de solutions alternatives.

 

Des moyens de lutte au stockage

Les méthodes de lutte au stockage, telles que l’application d’insecticide ou la fumigation à la phosphine, restent d’actualité. Des techniques innovantes voient le jour avec la thermo-désinsectisation ou la mise sous vide des lots. Des études sur les techniques de tri des grains visent également à séparer les grains bruchés des grains sains.

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