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Azote : les agriculteurs bio cherchent de nouvelles ressources pour la fertilisation

L’envolée des prix des engrais et la stagnation des prix des céréales amènent les agriculteurs en bio à réduire la fertilisation des cultures. L’avenir passera par l’agronomie et peut-être de nouvelles utilisations des légumineuses.

Parcelles en grandes cultures en agriculture biologique travaillées avec ou sans travail du sol et des couverts
De nombreux producteurs travaillent l’agriculture biologique de conservation au sens large, avec ou sans travail superficiel du sol et des couverts de plus ou moins longue durée.
© T. Queuniet

Mis à jour le 13 mai

Le manque d’azote en agriculture bio s’élève à 4 800 tonnes par an (t/an), celui en phosphore, à 5 000 t/an, soit l’équivalent de la fertilisation de 50 000 hectares de céréales bio, selon l’Afaïa, syndicat des fabricants et fournisseurs d’intrants agricoles. Cette situation s’explique par à un changement de réglementation au niveau européen, auquel s’ajoute la transposition française, qui restreint les effluents accessibles en agriculture biologique pour fertiliser les cultures.

En effet, depuis 2021, il est interdit d’apporter sur des terres conduites en agriculture biologique des effluents provenant d’élevages sur caillebotis ou grilles intégrales dépassant 3 000 places de porcs ou 900 de truies et ceux d’élevages en cages de plus de 60 000 poules ou 85 000 poulets. Les effluents employés jusque-là pour la fabrication d’engrais organiques provenaient essentiellement de ces élevages. L’impact sur la fourniture d’engrais utilisable en agriculture biologique (UAB) est donc important.

Flambée des prix

La France étant pour l’instant le seul pays à avoir défini clairement la notion « d’élevages industriels », les pays frontaliers ne sont pour l’instant pas soumis à cette adaptation, avec pour conséquence l’augmentation des importations. Un autre effet a été l’essor des importations d’engrais perlés très riches en azote en provenance de Chine. En quelques années, elles ont atteint 30 000 t/an. Mais la Commission européenne les ayant qualifiés de vinasse ammoniacale, fertilisant interdit en agriculture biologique (AB), les metteurs en marché des engrais Azopril, Nova N 13 02 et Nova Stan 10 0 2 se sont vu retirer la mention UAB de ces produits. Des injonctions ont été lancées contre d’autres engrais perlés.

« En quelques années, deux sources importantes d’azote UAB ont disparu, ce qui a entraîné une forte hausse des prix des engrais organiques restants, PAT(1) et farines de plume et de sang », constate Régis Hélias, animateur filière AB à Arvalis. Hausse qui est venue s’ajouter à celle liée à l’inflation. L’azote UAB est passé de 2,50 euros le kilo à 4,50-5 euros le kilo alors que les prix des céréales bio sont restés stables.

En outre, cette situation s’inscrit dans un contexte de baisse des achats de produits bio par les consommateurs. « Les silos sont pleins et les producteurs ont peu de visibilité, analyse Régis Hélias. Face aux prix élevés des engrais, ils hésitent à en acheter, les ventes ont été divisées par trois en 2023. » À court terme, peu d’autres pistes d’azote existent. « Les biodéchets pourraient être intéressants, même si le guide de l’Inao impose de fortes contraintes pour la mention UAB, analyse Antoine Tricaud, de Terrial et trésorier adjoint de l’Afaïa. Des biostimulants, qui améliorent l’efficience de l’azote, peuvent aussi être utilisés. »

Selon une étude réalisée à la demande du ministère sur les besoins de l’AB en fertilisants organiques, publiée en août 2022, les nouveaux gisements (compost de déchets de bois, biodéchets, digestats de méthanisation) pourraient contribuer au renforcement du volume d’azote. Dans le cas d’un scénario intensif en fertilisants (réglementation favorable, mobilisation du tiers des biodéchets…), leur part atteindrait au mieux 25 %.

Retour à l’agronomie

La Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) prône donc le développement d’une fertilité par l’agronomie et les ressources présentes sur la ferme ou à proximité. « En zone d’élevage, il y a soit les effluents de l’exploitation, soit des échanges paille-fumier avec des fermes voisines ou des centres équestres…, note Jean-François Gaumé, de la Coordination agrobiologique des Pays de la Loire. D’une manière générale, il faut revenir à l’élevage en agriculture biologique. » 80 % des exploitations de grandes cultures bio sont en effet sans élevage.

Une piste essentielle est aussi de capter l’azote atmosphérique par les légumineuses. Les couverts végétaux riches en légumineuses (trèfle, lotier, luzerne…) sont utilisés depuis longtemps en bio et continuent de se développer. L’introduction dans la rotation de protéagineux (lentille, lupin, féverole…) est aussi une solution. Autres pistes : les cultures associées de céréales et protéagineux ou autres légumineuses (trèfle, luzerne…). Arvalis teste depuis 2021 le semis en interrang de luzerne gardée quatre ou cinq ans, avec le couvert fauché deux ou trois fois au printemps et laissé sur place. Les résultats semblent pour l’instant prometteurs.

(1) Protéines animales transformées.

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