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Fertilisation azotée : la France peut-elle remplacer les engrais minéraux par la biomasse organique produite sur son territoire ?

Seulement 35 % de l’azote minéral utilisé par l’agriculture française est produit sur le territoire. Selon une étude FranceAgriMer une réduction partielle de l’usage des engrais minéraux azotés est possible via une meilleure mobilisation des effluents d’élevage, des digestats, et de l’urine humaine mais avec de nombreux freins à lever.

<em class="placeholder">Epandage de fumier de bovin dans un champ.</em>
Les effluents d'élevage couvrent 31 % des besoins en azote total par rapport aux consommations actuelles d’engrais minéraux azotés.
© JC. Gutner

La France consomme en moyenne 2 millions de tonnes (Mt) d’engrais azotés de synthèse et produit 800 kilotonnes (Kt) d’azote minéral, selon FranceAgriMer. Les besoins en azote des exploitations françaises ne sont donc couverts qu’à environ 35 % par la production nationale, d’où une dépendance forte vis-à-vis des importations et donc des fluctuations des marchés internationaux. L’entrée en vigueur des taxes sur les engrais azotés russes au 1er juillet, le contexte inflationniste du prix de l’énergie, en particulier celui du gaz, incitent à trouver des solutions pour réduire les importations et les utilisations d’engrais de synthèse.

Dans son étude Ressources en biomasse : quel potentiel de substitution des engrais de synthèse ?, paru en juin 2025, FranceAgriMer a évalué le potentiel de substitution des engrais minéraux par des engrais organiques, en se concentrant sur les effluents d’élevage, les digestats, et l’urine humaine. Le pouvoir fertilisant de ces trois familles de produits a été comparé avec la consommation d’engrais minéraux en France (assimilée ici aux besoins).

80 % des effluents d’élevage sont épandus aujourd’hui

108 millions de tonnes (Mt) de fumier et lisier sont produits et collectés aujourd’hui en France et 80 % sont épandus. Ils apportent 597 500 tonnes d’azote total (organique + ammoniacal), ce qui couvre, en moyenne, 31 % des besoins en azote par rapport aux consommations actuelles d’engrais minéraux azotés. Mais l’azote efficace (part de l’azote total apporté effectivement absorbée par la culture) des effluents est très variable, de 20-30 % pour les fumiers à 60-80 % pour les lisiers.

L’étude n’intègre pas la volatilisation de l’azote (20 à 80 % selon les conditions météorologiques), tout comme les contraintes logistiques (distance entre l’offre et la demande) et pratiques (matériel d’épandage…). FranceAgriMer a fait le choix de rester sur un épandage de 80 % de la production d’effluents, car​ la décapitalisation du cheptel bovin pourrait réduire la disponibilité des effluents d’élevage, entraînant une baisse des apports en azote d’ici 2035, à 550 000 tonnes d’azote (-7,74 %). ​

Les digestats de méthanisation représentent une offre limitée

Les digestats de méthanisation apportent 95 500 tonnes d’azote (volatisation non prise en compte), soit 4,8 % des besoins en azote, si 100 % de la production française, estimée à 19 Mt de matière brute, est épandue. Le tonnage est évalué à partir des plans d’approvisionnement disponibles. L’efficacité fertilisante du digestat est intéressante, de 50 à 80 % selon la part liquide/solide, supérieure à celle d’un fumier de bovin par exemple. L’étude se base sur un potentiel maximum d’utilisation sans séparation de phase.

L’utilisation à grande échelle des 19 Mt nécessite une logistique adaptée et ceci d’autant plus que les méthaniseurs se sont historiquement développés dans les zones d’élevage. La quantité de digestat épandu varie fortement entre les régions : 44 % en Bretagne, 71 % en Île-de-France. De plus, l’épandage est soumis à une réglementation stricte et nécessite du matériel spécifique.

L’urine humaine couvrirait 12 % des besoins en azote total

La population française des 15-75 ans excrète environ 24 millions de m3 d’urine par an (1,3 litre/personne/jour), qui pourrait permettre de fertiliser 2,4 millions d’hectares (9 % de la SAU). L’étude révèle que l’urine humaine pourrait couvrir 12 % des besoins en azote (235 000 t d’urine pour 2 millions de tonnes d’azote minéral), avec un coefficient d’azote efficace (85 %), bien plus élevé que celui du fumier ou du lisier et même du digestat.

Des considérations géographiques sont à prendre en compte en raison de l’hétérogénéité de répartition de la population française et des zones cultivées. Mais surtout, l’utilisation de l’urine humaine en agriculture rencontre des obstacles réglementaires, logistiques (stockage, acheminement vers les exploitations) et sociétaux majeurs. ​

Les effluents d’élevage, les digestats et l’urine répondent ensemble à 24 % des besoins en azote efficace

L’utilisation combinée d’effluents d’élevage, de digestats, d’urine humaine représenterait selon les estimations de FranceAgriMer, 948 352 tonnes d’azote total, auquel s’ajoutent 58 869 tonnes d’azote issues des pailles de céréales exportées pour raisons agronomiques. Pour pouvoir établir une comparaison entre engrais minéral et organique, l’étude a ramené la tonne d’azote totale à la tonne d’azote efficace. Ainsi, l’ensemble couvrirait 477 739 tonnes d’azote efficace, soit 24 % des besoins de l’agriculture française. Le gisement en biomasse organique est donc insuffisant. « Une combinaison d’engrais organiques et minéraux reste nécessaire », conclut FranceAgriMer, qui rejoint en cela l’Unifa (Union des industries de la fertilisation) qui prône le développement d’une « fertilisation associée », reposant sur l’association des différentes matières et technologies fertilisantes, minérales, organiques et biostimulants. ​

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