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Échange parcellaire : comment le mettre en place en toute sécurité

Regrouper ses parcelles est un moyen efficace de réduire ses charges et d’éviter les pertes de temps. Mais convaincre ses voisins et choisir le bon type d’échange ne sont pas toujours faciles. Se faire accompagner est une des solutions pour aboutir plus rapidement et faire les choses dans les règles.

Vue aérienne de parcelles dans le sud de la Seine-et-Marne en avril 2022.
Les échanges parcellaires peuvent prendre la forme d'un transfert de propriété, de façon bilatérale ou multilatérale.
© G. Omnès

Procéder à un échange parcellaire est une pratique courante. En regroupant ses parcelles, l’exploitant peut espérer un gain de temps et d’énergie. Échange en jouissance, de fermiers ou en propriété, bilatéraux ou multilatéraux : ce n’est pas toujours simple de s’y retrouver. « La demande émane toujours d’agriculteurs volontaires, entre trois et six, qui se tournent vers nous pour bénéficier de nos outils et de l’aide d’un acteur neutre », explique Chahrazed Keddar, conseillère en aménagement du territoire à la chambre d’agriculture des Ardennes.

Elaborer des scénarios d'échange

Le travail se fait en groupe, avec une première étape qui repose sur l’utilisation d’un outil cartographique développé par les chambres d’agriculture, qui permet de faire un état des lieux du parcellaire de chacun et de réaliser différents scénarios d’échanges. « Chaque agriculteur localise son parcellaire, une couleur pour chacun, et indique les îlots qu’il souhaite échanger. Ensuite le groupe va imaginer des pistes d’échanges », explique la conseillère. Une fois celles-ci validées, elle va accompagner le groupe dans la partie formelle des échanges.

Choisir le bon type d’échange

Le plus simple est de procéder à l’échange en jouissance, aussi appelé échange de culture. Il n’opère pas de changement de locataire et de propriétaire : les fermiers s’échangent uniquement la jouissance des deux parcelles. Chacun reste titulaire de son bail et doit répondre aux éventuels manquements de l’autre exploitant. Il est prévu par le Code rural dans la limite d’une certaine surface fixée par arrêté préfectoral dans chaque département et sa durée est liée à celle du bail en cours (la plus restrictive des deux baux). En termes de formalité, la conseillère recommande de « mettre au courant le plus tôt possible le propriétaire », qui doit être informé par une lettre recommandée (avec accusé de réception), précisant les références cadastrales, la durée de l’échange, le repreneur… En cas de désaccord, le propriétaire a deux mois pour saisir le tribunal paritaire des baux ruraux. L’échange peut être consenti oralement, mais la rédaction d’un contrat bilatéral s’avère utile pour fixer les modalités. « C’est une façon de tester un échange, résume Chahrazed Keddar. Si ça marche, il vaut mieux l’officialiser ensuite. »

Seconde possibilité, l’échange de fermiers. Sandrine Bossu, chargée de mission foncier et urbanisme à la chambre d’agriculture des Ardennes, révèle que « ces échanges sont plus rares, car les propriétaires n’aiment pas changer de fermiers ». La consultation du propriétaire est obligatoire, puisque la procédure consiste en la résiliation amiable des baux en cours (sur la totalité des biens loués ou sur une partie) et en la conclusion d’un nouveau bail qui détermine la durée de l’échange.

Enfin, on peut opter pour l’échange en propriété, que préconise Chahrazed Keddar car il est le « plus sûr juridiquement et le plus durable ». Il induit un changement de propriétaire et de fermier. Le périmètre de l’échange est encadré par le Code rural : les parcelles doivent être situées dans le même canton ou dans une commune limitrophe du canton concerné. Si ce n’est pas le cas, l’échange doit porter sur des parcelles contiguës. Le locataire a le choix entre obtenir le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange par le bailleur, ou obtenir la résiliation totale ou partielle du bail. En cas de différence de valeur entre les surfaces échangées, une soulte compensatoire est possible.

Un bornage par un géomètre est nécessaire en cas de découpe de parcelle, ainsi que la formalisation d’un acte authentique par un notaire et l’enregistrement aux hypothèques.

Ce type d’échange relève des échanges et cessions amiables d’immeubles ruraux (ECIR). Il est soumis à l’avis de la commission départementale d’aménagement foncier (CDAF), qui permettra (en cas d’avis positif) une prise en charge des frais (géomètre, notaire…) variable selon les départements (jusqu’à 80 % HT dans les Ardennes).

Être vigilant sur les obligations liées à la parcelle reprise

Chaque exploitant doit modifier sa déclaration MSA. D’autre part, si l’échange n’est pas à surface égale, il faut potentiellement faire une demande d’autorisation d’exploiter selon les seuils appliqués dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles. Cela ne concerne pas l’échange en jouissance, car l’autorisation reste liée au titulaire du bail.

Il faudra bien sûr modifier son dossier PAC, mais au préalable, il est nécessaire de collecter un certain nombre d’informations concernant les parcelles reprises. Il faut notamment se renseigner sur la culture déclarée lors la précédente campagne pour savoir s’il n’y a pas d’obligation de rotation culturale, d’implantation d’une culture secondaire ou de maintien d’une prairie permanente. Il peut éventuellement y avoir un engagement contractuel tel qu’une MAEC ou des parcelles en bio avec des risques de pénalités ou de rupture de contrat. On se renseignera aussi si ces parcelles sont situées à proximité d’un cours d’eau nécessitant une bande tampon, ou la présence de haies protégées ou si elles ne sont pas incluses dans un plan d’épandage.

En termes de droits à paiement de base (DPB), il n’y a pas d’incidence si les parcelles échangées sont de même surface. Dans le cas contraire des transferts sont à prévoir, proportionnels à la différence de surface, selon des modalités propres à chaque situation.

Une fois que tous ces points sont réglés, chacun va pouvoir profiter des bénéfices de l’échange. Mais pour arriver à cela, celles qui accompagnent les échanges parcellaires insistent sur l’importance du facteur humain. Sandrine Bossu révèle que « parfois un seul agriculteur peut refuser un échange et bloquer tout un secteur »« Nous avons un rôle de facilitateur pour aider à convaincre certains exploitants ou propriétaires qui sont très réticents à participer à la réflexion du groupe ». « La sensibilité est très forte sur le foncier. J’ai vu des exploitants qui refusaient un échange avec d’autres, considérant que ceux-ci fertilisaient mal leurs parcelles, confie Axelle de Lavenne, chargée de mission urbanisme et aménagement à la chambre d’agriculture du Calvados. Il y a aussi des propriétaires, âgés ou vivants loin, qui ne comprennent pas toujours les enjeux. Les échanges les plus simples sont finalement ceux qui impliquent deux propriétaires exploitants. » Mais la portée de l’échange sera d’autant plus grande qu’elle implique de nombreuses parties.

Un site internet pour échanger des parcelles partout en France

Un agriculteur qui a des parcelles très éloignées ne sait pas forcément vers qui se tourner pour échanger. Une solution peut consister à s’inscrire sur le site echangeparcelle.fr, un outil gratuit créé en 2016 par un agriculteur marnais, Mickael Jacquemin. Celui-ci explique que « l’agriculteur géolocalise son siège et les parcelles qu’il souhaite échanger en précisant ses attentes ». En réponse, il reçoit des propositions de parcelles, fruit du travail d’un algorithme, avec les coordonnées de leurs exploitants. Ensuite, « ils se débrouillent entre eux pour finaliser l’échange en le formalisant ou non ». Mickael Jacquemin révèle que sur son site, 80 % des parcelles échangées sont des grandes cultures, 15 % des prairies et 5 % des vignes et résume : « Nous sommes un peu le 'Meetic' des parcelles agricoles. »

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