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Adapter la protection des blés contre des maladies qui résistent de mieux en mieux

Il va falloir patienter un peu pour voir de réelles innovations chez les fongicides céréales. En attendant, la septoriose évolue avec une résistance aux fongicides qui s’accroît. Mais la partie n’est pas perdue.

L'utilisation de certains fongicides et l'adoption d'une stratégie adaptée freinent la montée des souches de septoriose résistantes aux triazoles.
© Gutner archives

La résistance de la septoriose aux fongicides progresse plus que jamais. Les souches du champignon pathogène sont suivies dans les essais du réseau Performance (Arvalis, distributeurs, chambres d’agriculture, firmes…) et analysées par les services de l’unité Bioger (1) de l’Inra, à Grignon, avec plus de cent échantillons en 2018.

Celles qui se montrent les plus résistantes aux triazoles augmentent fortement. Il s’agit des souches dites MDR (Multidrug resistant) dont la résistance à la plupart des triazoles est élevée et des souches du groupe des TriMR évoluées qui présentent une résistance à un ou quelques triazoles. Entre 2017 et 2018, ces souches sont passées de 13 à 16 % de la population pour les MDR et de 34 à 48 % pour les TriMR évoluées. « Cela fait près de deux souches sur trois moyennement ou fortement résistantes aux triazoles », résume Arvalis dans son document Choisir céréales à paille.

Quel est l’impact de ces évolutions sur les traitements fongicides ? « Dans les parcelles présentant des fréquences élevées de TriMR évoluées et/ou de MDR, l’efficacité de tous les triazoles est affectée et reste inférieure à 50 % », peut-on lire sur la note commune de l’Inra, de l’Anses et d’Arvalis faisant le point sur les résistances. Des essais montrent néanmoins que les efficacités des triazoles sont très variables selon les localités. D’autre part, les triazoles ne sont pas utilisés en solo, notamment sur le deuxième traitement fongicide (T2) entre les stades dernière feuille et épiaison qui est le pivot de la protection du blé.

Les triazoles ne protègent plus le mode d’action des SDHI

« Sur le terrain, l’incidence de ces résistances n’est pas si visible que cela, car les triazoles sont toujours accompagnés par des molécules de la famille des SDHI (carboxamides) pas concernées par ces résistances », remarque Jean-Yves Maufras, du service protection intégrée chez Arvalis. Il émet toutefois une mise en garde : « cette faible efficacité des triazoles ne protège plus le mode d’action des SDHI de l’émergence éventuelle de souches résistantes à cette famille de fongicide. »

En Europe, au moins quinze génotypes de souches de septoriose présentent une mutation modifiant la cible où agissent les SDHI sur le pathogène. « Ces génotypes sont associés à des niveaux de résistance faibles à forts selon les molécules, précise la note Inra-Arvalis. Ils sont détectés principalement en Irlande, en Angleterre et aux Pays-Bas. » Ils existent aussi en France mais dans de très faibles proportions : en 2018, 5 % des populations ont été analysées avec de faibles fréquences de souches résistantes au boscalid et au bixafen, deux molécules de la famille des SDHI, selon Arvalis. Pour le moment, il n’y a pas d’incidence sur l’efficacité des SDHI.

En reprenant des études en cours d’Anne-Sophie Walker, de l’Inra Bioger, Jean-Yves Maufras note cependant une suspicion de double résistance aux triazoles et aux carboxamides sur des souches de septoriose. Des analyses de l’Inra doivent confirmer cette identification. La capacité d’évolution de la septoriose conforte Arvalis sur la préconisation de n’utiliser qu’un seul produit à base de SDHI dans un programme fongicide de façon à réduire le risque de sélection de souches résistantes.

L’utilisation du chlorothalonil freine le développement des résistances

Outre le fait d’atteindre un compromis entre bonne efficacité et économie de coût, un programme fongicide peut être bâti dans l’idée de juguler la montée des résistances. L’utilisation de chlorothalonil en association ou mélange avec d’autres spécialités fongicides constitue une bonne barrière contre les souches résistantes. « La molécule est efficace sur tous les types de souches et son usage participe donc au ralentissement de la progression des résistances, souligne Jean-Yves Maufras. Quant au soufre, de plus en plus intégré dans les programmes en sa qualité de produit de biocontrôle, il n’a pas d’incidence sur l’évolution des populations. Il est conseillé en premier traitement (T1) associé à un produit conventionnel."

Pour Jean-Yves Maufras, ce T1 a de moins en moins de poids sur le gain de rendement obtenu. « Nous sommes à 3 q/ha environ, ce qui est limite en termes de rentabilité. Plus que jamais, le T1 se doit d’être raisonné aux conditions du moment. On peut l’alléger en se passant de triazole et en recourant à du chlorothalonil seul ou associé à du soufre par exemple, à condition qu’il n’y ait pas d’infestation en rouille. On peut s’en passer éventuellement d’autant plus que son absence annule la pression de sélection sur les souches résistantes de septoriose. » Quant au deuxième traitement T2, il reste le pivot de la protection fongicide contre rouilles et septoriose. Il faudra privilégier l’association triazole + SDHI, avec l’ajout possible de chlorothalonil.

Statu quo chez les rouilles

La septoriose n’est pas la seule maladie foliaire à considérer sur les blés. Les rouilles exercent une pression importante sur la céréale, mais très variable selon les années. Ainsi, la rouille jaune s’est faite plutôt discrète ces deux dernières campagnes. Du côté de l’évolution du pathogène, il n’y a pas de bouleversement notoire depuis l’irruption de la race Warrior 1 en 2011, en Europe. « Sur l’Hexagone en 2017, la rouille jaune était composée à 55 % de la race Warrior -, à 25 % de la race Warrior 1 et à 21 % de la race Triticale 2015 qui attaque les triticale et blé dur, informe Marc Lecomte, spécialiste rouille jaune à l’Inra Bioger. Les races Warrior 1 et Warrior - présentent beaucoup de virulence, mais il existe un nombre important de variétés de blé qui y sont tolérantes. » L’Inra Bioger surveille l’arrivée de nouvelles races de rouille jaune, dont une apparue dans le Nord de l’Europe, Kranich, venant tout droit des régions himalayennes (tout comme Warrior 1 d’ailleurs). Cette race a été très marginale en 2017 en France. En 2018, la rouille jaune était très peu présente.

Du côté de la rouille brune, le réseau de suivi des populations coordonné par l’Inra Bioger détecte chaque année une trentaine de races en France. Certaines de ces races portent des virulences permettant de contourner des gènes de résistance très utilisés dans des variétés de blé. C’était le cas avec une nouvelle race apparue en 2015 et qui s’est largement développée depuis. Elle a été trouvée sur des variétés comme Nemo, Matheo, Oregrain, Rubisko, Terroir… Beaucoup de variétés de blé tendre gardent néanmoins un bon comportement de tolérance vis-à-vis de la rouille brune.

Si les races de rouille jaune et de rouille brune ont des capacités à contourner les gènes de résistance de certaines variétés, aucune résistance à des fongicides n’a été détectée chez ces pathogènes. Triazoles, strobilurines et SDHI restent performants sur les rouilles. À condition de bien positionner les interventions.

(1) Biologie et gestion des risques en agriculture.
Près de deux souches sur trois de septoriose sont moyennement ou fortement résistantes aux triazoles.

Le match soufre contre septoriose officialisé

Molécule de biocontrôle, le soufre s’attaque officiellement à la septoriose depuis l’homologation en bonne et due forme de produits d’Action Pin et de Phyteurop contre cette maladie sur blé. Précédemment, la molécule n’était autorisée que contre l’oïdium. Pour 2020, De Sangosse prévoit le lancement d’un produit qui associera le soufre au phosphonate contre la septoriose. « Positionné en premier traitement (T1), ce produit est équivalent en efficacité à un fongicide conventionnel », remarque Jean-Yves Maufras, Arvalis.

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