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Gaec Mazel-Fabre, dans l’Aveyron : « priorité au lait dans nos choix de sélection »

Lauréat des Sabots d’or 2019 en Limousine, Gérard et Fabien Fabre construisent leur génétique avec deux outils qu’ils jugent porteurs de progrès : l’insémination artificielle et les index.

L’impression de deux mondes différents — la production et la reproduction — et, que pour pouvoir rentrer dans ce dernier, il faudrait montrer patte blanche. « Nous nous sommes mis à la vente de reproducteurs cette année [un lot de génisses d’un an], mais il n’est pas certain que nous recommencions », explique Fabien Fabre, éleveur de Limousines dans l’Aveyron avec son père Gérard pour quelques mois encore. Ils produisent du veau d’Aveyron et du Ségala label rouge avec un cheptel de 70 mères. Ils ont obtenu les Sabots d’or de la race à deux reprises, en 2013 et 2019. Et le jeune éleveur de poursuivre son réquisitoire : « Ce premier essai m’a refroidi. Il y a beaucoup trop de politique dans la sélection. Tout est fait pour l’acheteur, pas pour le vendeur. On ne vend pas les génisses au prix qu’elles valent. » Déçu également de s’être vu refuser des veaux pour la station : « Je suis allé les voir à la rentrée en station, prêt à accepter le verdict. La majorité des veaux étaient bien meilleurs que les miens mais beaucoup aussi n’étaient pas meilleurs et loin de là. »

« Rebaisser le gabarit pour aller chercher du lait »

L’insémination (87 % des naissances) et des index fiables, tel est le credo de ces éleveurs. « J’ai démarré l’IA en 1985 parce que les prix des bons taureaux n’étaient pas abordables et, avec l’IA, on a la fiabilité des index », explique Gérard Fabre. Un taureau de monte naturelle assure les retours. L’éleveur a longtemps recherché de la croissance, du gabarit et des bassins plats. Des critères éliminatoires pour les génisses n’extériorisant pas ces aptitudes. « Nous avons beaucoup utilisé Bavardage par exemple qui a fait de très grosses vaches mais pas très fertiles, détaille Fabien Fabre. Elles sont jolies pour les concours mais il faut leur mettre 17-18 kg de MS devant le cornadis pour qu’elles soient en état. Depuis trois ans, nous avons revu les objectifs de sélection. Nous visons en priorité le lait avec des taureaux plus petits. Mais, vu les acquis, cela ne nous embête pas de rebaisser un peu le gabarit pour aller chercher le lait. » « De toute manière les vaches qui dépassent 550 kg de carcasse deviennent de plus en plus difficiles à vendre », ajoute son père.

Trois à quatre taureaux par an pour les vaches

Dans le plan d’accouplement réalisé avec l’inséminateur, avec lequel ils travaillent en totale confiance, ils n’utilisent pas plus de trois à quatre taureaux pour les vaches (parmi les plus récents IO, Edakkya, Givay, Frascati, Jenesano…) et un ou deux pour les génisses (Grenache, Erebos), pour ne pas se disperser. « Nous n’allons pas poursuivre avec IO, pourtant très bon en lait, car il fait naître des veaux de 50 à 53 kg. Ca s’est bien passé parce que nos vaches vêlent facilement mais c’est trop risqué. » Cameos a beaucoup été utilisé pour amener du lait mais ne l’est plus car trop faible en fertilité. « Depuis deux ans, nous faisons attention à la fertilité. C’est un critère rédhibitoire dans le choix des taureaux », précise le jeune éleveur. L’élevage commence également à intégrer de la génétique sans cornes. « Nous y allons progressivement pour ne pas dégrader notre potentiel génétique. » Le bilan génétique traduit les choix de ces dernières années. « Les taureaux utilisés ont vraiment marqué en lait, observe Magali Carrière, technicienne troupeau. L’index lait va continuer à progresser. Au vu des génisses qui arrivent, on se dirige vers un index Alait de 105 pour l’ascendance maternelle. »

« Un veau de 45-48 kg, c’est un veau normal »

La capacité des vaches à faire naître un veau est un critère suivi de près également, plutôt par le biais de l’aptitude au vêlage (l’Index AVel est autour de 100 pour les dernières générations) que par la facilité de naissance (Ifnais qui exprime le poids des veaux à la naissance). « Nous cherchons à avoir de bons bassins pour que les vaches vêlent facilement, explique Fabien Fabre. Même si les veaux sont un peu lourds, ça se passe bien. En race Limousine, un veau de 45-48 kg, c’est un veau normal. Au vêlage, nous observons le comportement des vaches : puissance pour expulser et capacité à s’occuper du veau. De plus, nous savons que nos index Ifnais sont fiables parce que tous les veaux sont pesés à la naissance et que le troupeau est fortement connecté grâce à l’IA. » Et son père de s’étonner des poids de naissance souvent affichés : « Des taureaux d’1,4 tonne qui font 42 kg à la naissance ou des veaux qui entrent en station avec un poids de naissance de 35 kg, ce n’est pas possible. Pour faire de la sélection, il faut mentir sur le poids de naissance. »

De 45 à 70 vaches en deux ans

L’ascendance maternelle du troupeau affiche un ISEVR moyen de 105 et un IVMAT de 107. Ce dernier est supérieur à 110 pour les trois dernières générations de mères. La progression devrait aller d’autant plus vite que beaucoup de vaches de moindre valeur génétique sont en cours de réforme. Le cheptel a beaucoup augmenté en l’espace de deux ans (de 45 à 70 vaches) parallèlement à la suppression d’un troupeau de brebis laitières. Et, cela uniquement par croît interne. Les réformes étaient donc limitées au strict nécessaire. Dans les résultats, l’effet élevage est prépondérant : les veaux nés en 2019 sont à + 50 kg en PAT 210 jours par rapport à la moyenne raciale. La conduite alimentaire soutenue en système veau d’Aveyron et du Ségala et les habitudes acquises dans la conduite d’un troupeau laitier se conjuguent pour exprimer au maximum les acquis génétiques.

« Faire le poids voulu dans le temps le plus court possible »

Les vêlages s’orientent vers deux périodes pour mieux répondre à la demande du marché et éviter les maladies néonatales en hiver : une cinquantaine de fin août à début décembre, une vingtaine de fin février à début mai. L’objectif est également de faire vêler deux tiers des génisses à deux ans et un tiers à deux ans et demi. Ce qui sera compatible avec les deux périodes de vêlage décalées de six mois. Le deuxième hiver, elles sont alimentées avec de l’ensilage de maïs (2-3 kg MS), de l’enrubanné récolté très tôt et du foin. Elles sont mises à la reproduction quand elles pèsent 450 kg à partir du 20 novembre sur chaleurs naturelles. Les veaux sont vendus au plus près du poids maximum permis par le cahier des charges label rouge (270 kg carcasse), comme le demande l’acheteur (Bousquet Viande à Rodez). Ils atteignent ce poids en moyenne à 7 mois et 15 jours. « Nous cherchons à faire le poids voulu dans le temps le plus court possible, explique Fabien Fabre.

Pas de veaux de plus de 270 kg de carcasse

« Certains partent à 420 kg vif en à peine six mois. » À partir de 320-350 kg, ils sont pesés toutes les semaines afin de ne pas dépasser le seuil fatidique. Les vaches de réformes, engraissées à la paille et à l’aliment 18 % MAT, sont pesées toutes les semaines également : « Quand elles prennent moins de 1,5 kg de GMQ, j’attends trois semaines pour confirmer, puis je les vends. À moins de 1,4 kg de croît, elles perdent de l’argent car elles consomment beaucoup d’aliments (14-15 kg/jour au maximum). » Les vaches étant en état, les réformes sont prêtes en deux à trois mois. Le jeune éleveur envisage de valoriser en vente directe les veaux femelles, qui ne sont pas toutes labellisées. Ce qu’autorise désormais l’interprofession du veau d’Aveyron et du Ségala.

Chiffres clés

SAU : 75 ha dont 10 ha de céréales et 8 ha de maïs
Cheptel : 70 Limousines
IVV : 381 jours
Taux de mortalité : 3 %
Taux de productivité globale : 91 %

Avis d’expert - Magali Carrière, technicienne troupeau

« Des données justes pour des indexations fiables »

« Les éleveurs font preuve d’une bonne maîtrise sur tous les aspects techniques. L’IVV en particulier ressort très bien pour un élevage en système veau d’Aveyron et du Ségala. Ils sont très rigoureux dans leurs choix génétiques. Le cheptel a beaucoup progressé. La difficulté va être de maintenir les performances sur tous ces critères. Plus les indexations seront fiables, plus ils auront des chances d’y parvenir. Ce qui est le cas dans cet élevage. Les poids de naissance sont exacts, les veaux sont pesés régulièrement… Lorsque les données sont justes, les indexations sont fiables. C’est alors un très bon outil. »

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