Tomate : la segmentation de l'offre, une force à préserver
Particularité majeure de la tomate, la segmentation est une force côté production comme côté commercialisation. Assurer son bon équilibre est un challenge qui repose sur une pluralité d’éléments.
Particularité majeure de la tomate, la segmentation est une force côté production comme côté commercialisation. Assurer son bon équilibre est un challenge qui repose sur une pluralité d’éléments.
Il y a officiellement treize catégories de tomate selon la segmentation en application depuis 2016. Mais sur les étals et les rayons, il y en a en réalité beaucoup plus. L’offre se segmente non seulement selon les formes et couleurs, mais aussi selon les critères d’origine (française ou étrangère, régionale), les labels de qualité, les engagements environnementaux, le conditionnement, la marque ou MDD sans oublier le niveau de prix.
Autant dire qu’au rayon légumes, la tomate présente sans conteste l’offre la plus diversifiée. La taille des linéaires n’étant pas infinie, la segmentation est appelée à se stabiliser mais c’est l’un des facteurs qui participe au développement des ventes. « Nous avons su s’adapter aux nouvelles attentes », estime Flora Boulinguez, directrice marketing & communication de Prince de Bretagne. « Nous sommes sur une logique de trouver une segmentation pour répondre aux attentes des consommateurs », abonde Philippe Fort, directeur commercial de Rougeline.
Assurer la cohérence de l’emblavement
Mais côté production, comment gérer cette segmentation ? « La clé de la réussite est la stabilité dans le temps, considère Yannick Rannou, directeur commercial de Prince de Bretagne. Nous avons quelques exploitations en monovariétal mais la plupart des coopérateurs sont des structures à l’échelle familiale qui ont toujours été sur plusieurs segmentations. » Il relève que l’adaptation de l’outil aux produits est très importante pour rester compétitif. Modifier rapidement l’emblavement pour intégrer un créneau qui paraîtrait très porteur peut casser une dynamique. « Le marché ne se retourne pas d’une année sur l’autre, signale-t-il. Il y a un juste compromis à trouver entre la segmentation qui permet de répartir les risques tout en évitant le risque de désoptimisation des outils de production ».
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Même souci d’équilibre exprimé par Pierre-Yves Jestin, président de Savéol. « Il faut garder une gamme et maintenir une certaine forme d’équilibre pour éviter d’être en surproduction sur une catégorie de produit ce qui fait baisser les prix. » Faire évoluer l’emblavement pour optimiser l’offre en qualité, quantité et prix est le défi pour tous. « Nous faisons en sorte que chacun puisse produire ce qu’il souhaite en ménageant des règles d’équité. Nous ne pouvons pas mettre tous les œufs dans le même panier. Certaines variétés réclament plus ou moins de main-d’œuvre et peuvent plus ou moins se mécaniser », illustre Pierre-Yves Jestin.
Ronan Collet, président de Solarenn, estime également qu’un producteur doit pouvoir jouer sur plusieurs tableaux : « Si nous avons deux ou trois types, nous sommes plus performants techniquement sur les rendements et la façon de gérer sa culture. C’est plus prudent économiquement et rassurant pour tout le monde. »
Or la tentation peut être forte de se réorienter rapidement vers ce qui paraît plus porteur. « Si chacun produit ce qu’il a envie de produire, ça ne peut pas fonctionner », prévient Ronan Collet.
L’attraction de la tomate côtelée colorée
Dans la situation actuelle du marché, continuer de capitaliser sur la tomate côtelée paraît tentant. Mais a-t-elle encore du potentiel sous le pied ? « Nous n'avons jamais eu autant de surface en tomate côtelée et pourtant ça fonctionne, rassure le président de Solarenn. Ce que nous voyons poindre c’est que nous aurons encore plus de surfaces de tomates côtelées l’an prochain. Ça s’est démocratisé. Ce sont des tomates qualitatives et gustatives qui ont réussi à convaincre le consommateur à force d’être présentes en rayon. » Les variétés ont accompagné la croissance en étant plus productives avec une meilleure conservation tout en gardant le côté gustatif.
La qualité de l’offre est pour Philippe Fort la source du succès : davantage de choix et de la qualité gustative. « Nos producteurs ont un savoir-faire qu’ils ont mis quelque temps à maîtriser. C’est une culture difficile avec des variations de rendement selon les conditions. Les outils modernes permettent de créer le bon climat dans la serre », développe le directeur marketing. Ce segment est également peu concurrencé par les importations, ce qui assure pour l’instant une valorisation satisfaisante compte tenu des coûts. Mais il insiste sur la nécessité de ne pas sacrifier le goût à la recherche d’un supplément de productivité, risque qui pèse sur les marchés qui cherchent à grossir.
Et chaque segment est une partie d’une offre globale. « La réussite d’une campagne, c’est grâce à l’ensemble de la segmentation, rappelle Yannick Rannou. C’est le mix des différents segments qui a amené de la dynamique sur tout cet été. »
La valorisation tient donc à une répartition cohérente de la production en fonction des possibilités du marché (référencement, consentement à payer des consommateurs) et des outils de production (équipements, variétés…). Gérer la croissance sans saturer les rayons et entraîner des baisses de prix stressantes suppose donc une coordination forte entre tous les acteurs des structures de production, recherche et commercialisation.
La création variétale assure la pérennité des segments
Les maladies peuvent perturber l’offre. Les réponses variétales se sont mises en place face au ToBRFV. L’adoption de variétés résistantes se combine avec les critères de productivité et de goût pour maintenir les équilibres du marché en types, rentabilité et prix. Un défi de plus à relever. « Le ToBRFV impacte le choix variétal. C’est un sacré challenge de garder les gammes et le goût, témoigne Ronan Collet, président de Solarenn. D’autant que les variétés résistantes sont un peu moins productives. Mais la sélection variétale avance. » Le CTIFL a conduit sous serre chauffée un essai comparant 18 variétés de tomates cerises multicolores résistantes au ToBRFV. Les résultats présentés en juin 2025 montrent des écarts importants sur certains indicateurs. Les rendements varient de 9,2 à 20,2 kilos par mètre carré et le poids moyen des fruits de 7 à 11,5 grammes. Le taux de déchets et de fruits fendus en poids est en revanche « globalement faible » à trois exceptions près.
Gérer les changements de variétés
« En deux ou trois ans nous avons renouvelé 100 % de nos variétés. 80 à 90 % de nos surfaces sont en variétés résistantes. Cela augmente les coûts de production mais nous n'avons pas le choix. Nous ne pouvons pas prendre de risques », rapporte Ronan Collet.
« Nous n’avons pas encore de variétés résistantes sur toutes les couleurs, expose Philippe Fort, directeur commercial de Rougeline. Quand nous n'avons pas de variété satisfaisante nous mettons en place une grosse prophylaxie. Nous sommes très vigilants. »