Pommes et poires : le long parcours de la création variétale
Redynamiser la consommation de pommes ou de poires implique obligatoirement une adaptation aux attentes du marché. La création variétale est incontournable pour y parvenir. Un long chemin raconté par les professionnels de la station de recherche et développement spécialisée en pommes et poires IFO.


Intervenant le 7 août dernier à Angers lors d’une table ronde de Prognosfruit, Luc Vanoirbeek, président du groupe fruits et légumes de la Copa-Cogeca, a insisté sur « l’enjeu de la consommation des jeunes » et l’importance de développer « les variétés que le marché attend ». Ces problématiques sont justement le cœur de métier et le quotidien des équipes d’IFO, dont les participants au congrès ont pu le lendemain découvrir les méthodes et l’outil de travail, sur la commune de Seiches-sur-le-Loir (Maine-et-Loire). IFO, intégré au groupe Dalival, est l’un des principaux instituts privés au monde spécialisés dans la recherche et le développement de variétés de fruits de pommiers et de poiriers, et de porte-greffes. Il dispose d’une ferme de 20 hectares dans le Val de Loire, sous un climat tempéré où toutes les variétés peuvent être produites, des plus précoces aux plus tardives.
Cette ferme compte plus de 40 000 arbres en observation. Elle est totalement irriguée et protégée contre le gel, plantée et contrôlée comme un verger industriel, conduit selon la production fruitière intégrée (PFI). IFO compte une équipe de dix personnes, qui mènent des projets internes mais aussi neuf programmes extérieurs en partenariat, avec plus de 70 partenaires dans le monde. Ces dernières années, IFO a contribué à la création de variétés – protégées ou non – telles que Kissabel, Zingy, Tonik, Canopy, Stellar dans le cadre d’un programme partenaire, participé au projet brésilien Samboa…
Des objectifs de croisements revus tous les trois ans
Comment et à quel rythme naissent ces variétés ? La création d’une nouvelle variété de pomme est un processus de longue durée, qui prend quinze à vingt-deux ans entre l’hybridation et le lancement commercial. En amont du travail de minutie et de patience des hybrideurs, des directions sont données. Tous les trois ans, les équipes Dalival, qui gèrent en plus de cette activité R&D des vergers et des pépinières, et IFO se réunissent pour définir les objectifs des croisements à venir. Sept objectifs sont retenus pour trois années sur des critères comme la couleur, le taux de sucre, la résistance à la tavelure…
En avril de chaque année, avant la floraison, IFO détermine les parents à hybrider. Par exemple, pour obtenir une variété verte résistante à la tavelure, les parents choisis seront une variété verte d’une part et une variété résistante d’autre part. Avec son doigt ou à l’aide d’un pinceau, l’hybrideur pollinise la fleur du premier parent avec le pollen du second parent. Les fruits sont ensuite récoltés en automne, les pépins prélevés et mis en stratification. Ils sont semés sous serre en février de l’année 2.
En mars, les jeunes plantules sont arrosées avec une solution contenant de la tavelure. Les hybrides sensibles peuvent ainsi être écartés de la sélection. Mais pas en totalité. « Nous nous donnons 25 % de latitude pour éviter ce rétrécissement », explique Frédéric Bernard, directeur d’IFO. Certains croisements sont par ailleurs soumis au marquage moléculaire.
En août, les hybrides sont écussonnés en pépinière. Seize mois plus tard, en décembre de l’année 3, les plants sont arrachés de la pépinière et plantés en verger expérimental. Chaque année, 2 800 arbres sont ainsi plantés. Au global, le programme d’hybridation d’IFO porte sur 40 à 50 croisements par an. 25 000 fleurs sont pollinisées et 30 000 pépins récoltés. Vingt croisements sont semés à l’IFO, soit 18 000 sous serre et 5 000 en abri brise-vent.
Une expertise ancienne
L’évaluation variétale et la sélection vont se dérouler des années 4 à 15. Différents caractères sont évalués de façon rigoureuse : le goût et la texture du fruit, sa couleur, l’architecture, la vigueur et le rendement de l’arbre. La résistance aux maladies est également observée. Quand un hybride, unique à ce stade, semble prometteur, des rameaux sont prélevés pour multiplier quatre arbres. D’autres observations s’ajoutent alors : la date de floraison, la régularité de production…
Les fruits sont récoltés et stockés en frigo et en ULO [Ultra Low Oxygen] pour évaluer leurs capacités de conservation. Des rameaux des meilleurs hybrides sont de nouveau prélevés pour multiplier dix à vingt arbres. À ce stade, IFO présente à des partenaires potentiels (arboriculteurs, metteurs en marché) près de 200 variétés.
Sur 1 000 hybrides plantés, seules deux variétés à la fin
Des arbres d’essai sont en parallèle envoyés dans différents pays et stations partenaires pour vérifier l’adaptation de ces variétés sous différentes conditions pédoclimatiques.
L’arrivée d’une nouvelle variété au stade commercial découle donc de nombreuses et longues étapes. « Sur 1 000 hybrides plantés, nous arrivons à deux variétés au dernier niveau de sélection », indique Frédéric Bernard.
Né en 2004, IFO s’appuie sur l’expertise accumulée durant quarante années en hybridation et en expérimentation d’hybrides et de mutants par les Pépinières du Valois et Davodeau-Ligonnière, dont la fusion a donné naissance à Dalival.
La recherche variétale se nourrit aussi des fruits du verger conservatoire maison. « L’expérience est très importante. Nous savons quels critères apporte chaque parent. Et nous réintroduisons des espèces plus sauvages pour éviter d’être dans un entonnoir génétique », conclut Frédéric Bernard.
Des porte-greffes plus performants
Lancer une nouvelle génération de porte-greffes prend entre 30 et 50 ans ! Dalival IFO est un acteur majeur dans la recherche et le développement commercial de cet élément crucial pour la performance du verger. Au sein de la ferme IFO en Anjou, la phase d’évaluation d’un porte-greffe dure dix ans. Six arbres au minimum sont plantés pour chaque essai et les essais en verger sont réalisés avec différentes variétés. Les mêmes essais sont répétés dans des conditions différentes à travers le monde. Si IFO n’a pas de programme d’hybridation sur le porte-greffe, l’institut est partenaire d’acteurs internationaux majeurs, dont le Niab, qui a sorti le M9.
Dalival IFO a lancé ces dernières années deux nouveaux porte-greffes issus de programmes partenariaux. Le Geneva 11 affiche un niveau de performance en verger 5 à 10 % plus vigoureux qu’un M9, 20 % de productivité supérieure et un ensemble de tolérance à certaines maladies. « Nous le voyons comme un remplaçant potentiel du M9 en Europe », avance Bruno Essner, directeur général délégué de Dalival.
Le M200, récompensé d’un Sival d’or au concours Sival Innovation 2025, est encore plus vigoureux que G11 et affiche un niveau de production supérieur de 20 à 35 % au M9. Il est particulièrement adapté au verger en multi-axe, à la replantation et à la production en bio.