International - Pays-Bas
Cure de jouvence pour The Greenery
La coopérative néerlandaise revoit son modèle de fonctionnement et consolide ses relations avec les producteurs face à un marché de plus en plus troublé : forces de vente, logistique... tout le monde est concerné.
L’année 2011 a été difficile pour The Greenery le premier opérateur de f&l aux Pays-Bas, avec la crise de l’E. Coli qui a impacté les ventes de tomates et concombres, deux produits phares. Cette année comporte aussi sa dose de risques avec une météo exécrable qui a touché les vergers de fruits, spécialement en cerises (seulement 50 % des prévisions ont été assurés) ou en poire Conférence, frappée par le gel au moment de la floraison. La coopérative revoit de fond en comble son mode de fonctionnement, avec comme objectif, une meilleure productivité et en filigrane, une meilleure rentabilité.
Regroupement des forces
C’est en 2011 que The Greenery a commencé sa mue. Cela s’est traduit principalement par une refonte de la division commerciale du groupe. Ainsi, les forces de vente ont été réparties en six unités (baptisées “business units”) ayant la pleine responsabilité commerciale d’une gamme de produits ainsi que du prix payé aux producteurs : petits fruits rouges, champignons, fruits, produits de serre, légumes de champs, importation. L’objectif, renforcer le poids commercial global pour permettre aussi d’insuffler plus de cohérence entre les différentes branches de la société. Mais, cela répondait aussi à une double demande des producteurs et des clients de The Greenery (la grande distribution). Les premiers, en effet, désiraient opérer au plus près des demandes du marché, les seconds voulaient renforcer leurs liens avec le sourcing. A travers cette nouvelle architecture, The Greenery entend profiter de l’expertise des producteurs et serristes qui l’approvisionnent. A travers une veille constante des tendances du marché et un travail en commun, des plans de campagne spécifiques ont pu être édifiés pour chaque ligne de produits. Qu’en est-il un an plus tard ? A Breda, où se trouve la base logistique de The Greenery, siège de la “business unit” dédiée aux fruits rouges. La fraise est un poids lourd dans le portefeuille de The Greenery : 17 000 t cultivées par soixante-dix producteurs, à 55 % sous serres (en progression) et 45 % en plein champ. Gerard Van Loon, responsable de la “business unit” détaille les avantages de la formule : « Auparavant, le sourcing à l’international était à part et nous n’avions pas de lien direct avec nos collègues. Depuis 2011, il a été intégré dans les “business units” et nous connaissons notre première saison sous cette forme avec des échanges plus resserrés. »
Une des forces de cette “businesse unit” porte sur le développement variétal. Un agronome spécialiste des fraises en fait partie. « Nous avons travaillé à développer de nouvelles variétés de petits fruits rouges, en fraise spécialement, continue Gerard Van Loon. A mon arrivée au sein de The Greenery, j’ai été frappé par le fait que la production de fraises était monovariétale : Elsanta partout, tout le temps. Nous nous sommes donc attachés à diversifier le portfolio de variétés en nous rapprochant des obtenteurs les plus importants dans le domaine. C’est ainsi que nous travaillons avec Plant Science Inc, en Californie. » Une démarche similaire est développée avec l’italien Sant Orsola sur la variété de framboise Lagorai exclusivement pour le marché néerlandais. Autre fruit faisant l’objet d’une attention particulière : la prune : « C’est un peu le fruit oublié, regrette Gerard Van Loon. Nous travaillons depuis quelque temps avec l’université Wageningen pour améliorer cela. » Ce travail qui s’étend sur sept ans, comprend une sélection initiale de vingt variétés réduite aux cinq meilleures. Un des premiers résultats est la variété Lazoet, une prune bleue dont 25 000 arbres ont été plantés aux Pays-Bas. « Nous pouvons ainsi apporter des conseils aux producteurs, par exemple privilégier, en fraises, le plein champ par rapport à la serre sur certaines variétés. De même, nous renforçons nos relations avec les détaillants en offrant de nouveaux produits, pour lesquels nous avons développé les programmes de ventes sur prévisions de récolte. En fait, tout cela s’inscrit dans un plan plus global qui inclut les forces commerciales », conclut Gerard Van Loon.
Révision en profondeur de la logistique
Les aspects liés au transport et au travail en entrepôts sont considérés comme stratégiques chez The Greenery. Comme le souligne Marc Davidson, directeur de projets Logistique, « En termes de logistique, ces dernières années il y a eu un basculement des grandes enseignes vers plus de services. Aujourd’hui, les standards demandés par des enseignes aussi importantes que Jumbo aux Pays-Bas ou Tesco au Royaume-Uni ont un impact sur l’activité commerciale. D’une situation où le transport et la logistique n’étaient qu’un élément dans le processus d’achat, nous sommes passés à de véritables programmes de partenariat avec les distributeurs, en grande partie sous la pression des consommateurs, de plus en plus exigeants en matière de bonne gestion environnementale. Il a donc été nécessaire de replacer la logistique, comme offre de service, au cœur de la stratégie globale de The Greenery. » Depuis deux ans, The Greenery revoit fortement son schéma de plates-formes. L’année dernière, le site de Maasland, dans la banlieue de Rotterdam, a été fermé et ses activités ont été récupérées, avec succès semble-t-il, sur celui de Bleiswijk. En 2012, il en est de même pour la plate-forme de Venlo au Nord-Est du pays avec les flux traités répartis sur Barendrecht et sur Bleiswijk. Cependant, The Greenery ne disparaît pas totalement de la région : un partenariat avec un transporteur/logisticien sur place lui assure toujours une présence, proche de la frontière avec l’Allemagne, un des marchés clés de The Greenery. Pour Marc Davidson, accomplir cet ajustement était nécessaire : « il était difficile d’atteindre des résultats probants en termes de coûts, de temps et d’empreinte carbone avec plusieurs entrepôts répartis sur tout le territoire, et la multiplication des mouvements entre eux. »
Au niveau interne, la mise en place de procédures LEAN (littéralement : “maigre”, “dégraissée”) entre dans cette nouvelle vision. Ce type de gestion recherche la performance (en matière de productivité, de qualité, de délais et, enfin, de coûts) par l’amélioration continue et l’élimination des gaspillages (attentes, transport et manutention inutiles, tâches superflues, stocks, mouvements vains). « Il s’agit en fait de standardiser les phases de travail avec des mesures de bon sens comme le nouveau plan au sol qui permet de mieux appréhender les zones d’activité dans l’entrepôt et de limiter les erreurs, explique Marc Davidson. Des groupes de réflexion ont été mis en place associant employés et cadres pour faire le point régulièrement et engager les améliorations possibles. Par exemple, l’arrivée tardive des produits au site de Bleiswijk entraînait beaucoup de pression. Nous avons vu avec les producteurs comment adapter leur heure d’arrivée sur le site afin d’optimiser la productivité de la mise sous emballage sur place à partir de notre pool de cinquante machines. La standardisation passe aussi par l’installation d’un système informatique efficace. Pour cela, nous avons implanté un logiciel SAP qui permet de faciliter et d’optimiser le dialogue entre les différentes parties prenantes (producteurs, The Greenery, distributeurs). La “business unit champignons” a été la première à en être équipée il y a deux ans et nous travaillons sur la troisième version du logiciel en intégrant son expérience. Un portail web a également été créé pour les producteurs afin d’améliorer les échanges d’informations, pour qu’ils puissent prendre la bonne décision au bon moment. »
Rôle renforcé du producteur
L’autre aspect de la redéfinition de la chaîne d’approvisionnement de The Greenery donne une place plus importante aux producteurs. « Cela permet de mieux équilibrer les charges. En faisant ainsi, The Greenery ne facture plus aux producteurs les coûts logistiques », argumente Marc Davidson. A ce titre, ce qui est mené chez Westende Fruitteelt est emblématique. Située à Fijnaart, cette exploitation comprend 120 ha de vergers, sur lesquels sont cultivées plusieurs variétés de poires, dont la Conférence, mais aussi la Dazzling Gold qu’elle est la seule à produire aux Pays-Bas et la Sweet Sensation, qui fut pour la première fois plantée ici. En tout, elle produit quelque 6 000 t de poires par an. Caractérisé par un grand volume de production et par l’adoption d’une culture respectueuse de l’environnement, Westende Fruitteelt est aujourd’hui le lieu où toutes les Sweet Sensation produites dans le pays sont triées, calibrées et emballées. Ce qui représente un volume de 17 000 t provenant de vingt-cinq producteurs.
Afin de relever ce défi, Westende Fruittelt a construit, au second semestre 2011, une nouvelle station de 1 320 m2 dotée d’une machine de calibrage de 70 m de long. « Cet investissement apporte clairement une valeur ajoutée à l’entreprise, explique Dick den Dunne, responsable technique. Nous sommes à même de traiter jusqu’à 55 t de poires par jour. Cet aménagement nous permet d’optimiser le temps entre la récolte, le passage en frigo, l’emballage et le transport vers le client final. Nous avons fait construire quatorze nouvelles chambres froides de plus de 100 m2, qui s’ajoutent aux quinze existantes. C’est à la demande de The Greenery que Westende Fruitteelt a pris en charge le traitement des Sweet Sensation pour le groupe. » L’aspect environnemental a été pris en compte tout comme le bien-être et les conditions de travail des employés (quarante-cinq à l’année et 300 de plus au moment de la récolte). C’est ainsi que la station a été munie de larges baies vitrées apportant une lumière naturelle, ce qui ne se rencontre pas si souvent.