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Conflit de la tomate marocaine : « Nous respectons à la lettre la réglementation et les normes environnementales et sociales »

Des mois après la colère des producteurs de tomates français à l’encontre de la tomate origine Maroc, le principal exportateur de tomates cerise Azura prend la parole. Droits de douane, quotas, prix, salaires, R&D : le groupe franco-marocain a tenu à exprimer ses vérités, en « toute humilité ».

« La tomate marocaine a subi une campagne de dénigrement terrible de la part des producteurs français. » Lors d’une conférence de presse inédite en petit comité à Paris le 17 juillet, le spécialiste de la tomate cerise Azura, par la voix de sa directrice générale adjointe Abir Lemseffer, est revenu sur ce conflit entre les producteurs de tomates français et l’origine Maroc.

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Alors que Abir Lemseffer parle de « compétition commerciale », les producteurs français -mais aussi espagnols- accusent régulièrement les producteurs de tomates marocains de concurrence déloyale : disponibilité toute l’année grâce au climat du Royaume Chérifien, main-d’œuvre bon marché permettant un produit à un prix imbattable dans les rayons. Le sujet revient sur la table très régulièrement.

 

Droits de douane : le Maroc dépasse systématiquement les quotas

Depuis l’accord d’association UE-Maroc en 2000, les tomates marocaines sont soumises à des quotas ventilés par mois. Les volumes de tomates marocaines exportées par l’Europe ont progressivement augmenté, « dans une logique commerciale, en partenariat avec l’Europe », insiste Abir Lemseffer. « Jamais le Maroc n’a voulu envahir les marchés européens ».

A date, le Maroc exporte 550 000 tonnes de tomates (tous types) vers l’UE, les quotas étant systématiquement dépassés.

Azura verse chaque année 8 M€ de droits de douane à la France au titre de ses exportations de tomates vers l’UE

Azura précise que pour sa part, il verse 8 millions de droits de douane par an à l’UE. C’est à la France que sont versés ces droits de douane, puisque depuis 2006 c’est à Perpignan (Pyrénées-Orientales), où le groupe à sa station logistique, que sont dédouanés les camions de tomates d’Azura, et non plus à Algésiras au sud de l’Espagne. Un gain logistique et de temps (engorgement à Algésiras) mais aussi une « déclaration d’amour » à la France de la part d’Azura qui rappelle dans chacune de ses communications être un groupe franco-marocain.

Selon l’accord UE/Maroc qui date de 2012, les exportations marocaines de tomates sont soumises, pour l’ensemble des marchés européens, à : 

- un contingent tarifaire à droit nul de 285 000 tonnes réparties mensuellement du 1er octobre au 31 mai. 

- une réduction de tarif de droits de douane ad valorem de 60 % de juin à septembre, sans limitation ; 

- Et depuis 2000, à un prix d’entrée conventionnel de 0,461 €/kg du 1er octobre au 31 mai. 

A noter que depuis 2014, la méthode de calcul du prix d’entrée se fait sur la base de la valeur forfaitaire à l’importation (VFI), « qui ne prend pas en compte l’évolution variétale des importations de tomates marocaines », selon l’AOPn Tomates et concombres de France. Or l’offre marocaine comporte désormais une part très importante de tomates cerise [lire ci-dessous], qui ont une forte valeur ajoutée.

 

Au Maroc, croissance de la catégorie tomate cerise 

« Les tomates cerise ont pris beaucoup d’importance ces dernières années par rapport aux tomates dites classiques, confirme Abir Lemseffer. Elles sont une réponse à la demande des marchés pour du snacking sain. Chez Azura, on s’adapte, main dans la main avec nos clients de la distribution en Europe. Aujourd’hui, nous sommes spécialisés en tomates cerise (allongées et mélangées), cela fait 10 ans que nous ne cultivons quasiment que ce segment. S’il y a un sujet de diversification à venir, ça sera toujours sur ce segment de snacking sain : mini concombre, mini poivron, etc. »

Azura se dit leader sur le segment de la tomate cerise allongée, une variété que le groupe a travaillé et bichonné dans son service R&D. Le groupe exporte 60 000 tonnes par an de tomates cerise sur la France.

L'AOPn Tomates et Concombres de France précise à FLD qu'elle estime le marché de la tomate cerise en France à 115 000 tonnes en 2023.

La tomate cerise est un segment qui a beaucoup progressé dans la consommation française.

Selon les statistiques Agreste, la production française de tomates (plein air pour le frais et sous serre) a totalisé 531 654 tonnes en 2022 et 479 233 tonnes en 2023, tandis que la consommation des Français est estimé à 10,5 kg par habitant en 2021-2022 pour le frais (source : Memento France 2023 d'Agreste).

 

Barquette à 0,99 € : « on a lutté pour maintenir ce prix abordable »

Avec sa fameuse barquette de 250 g de tomates cerise allongées vendue en France à 0,99 €, le groupe Azura a été particulièrement l’objet de la colère des producteurs français.

Azura se positionne sur un produit « de très bonne qualité » dans le « respect des normes environnementales et sociales » et surtout abordable. « Le pouvoir d’achat est aujourd’hui la problématique incontournable, c’est le critère n°1 du consommateur », rappelle Azura.

Abir Lemseffer confie : « On [Azura] a lutté pour maintenir ce prix de 0,99 € la barquette de 250 g. On s’est imposé des politiques de réduction des coûts, notamment les coûts énergétiques dans la station de conditionnement. Et on a renoncé à une partie de notre marge. »

« Les salaires de nos ouvriers agricoles sont 4 à 5 % au-dessus de du salaire minimal décent. Ce qui correspond à la moitié d’un Smic français, dans un pays où le niveau de vie n’est pas le même »

Et les salaires des ouvriers agricoles ? Azura affirme n’y avoir pas touché. Au contraire, au Maroc le Smag, le salaire minimal agricole garanti, a subi quatre hausses successives ces dernières années. En outre, Azura assure suivre l’indice de salaire décent mis en place par l’ IDH (initiative privée-publique néerlandaise visant à une meilleure équité salariale dans le monde) : le minimal living wage. « Pour l’ensemble de nos ouvriers agricoles, leurs salaires sont 4 à 5 % au-dessus de ce minimal living wage. Ça correspond à la moitié d’un Smic français, dans un pays où le niveau de vie n’est pas le même », précise Abir Lemseffer.

Azura emploie 18 000 personnes au Maroc et en France (200 à Perpignan) et se revendique le 1er employeur dans le sud du Maroc.

 

« Nous respectons à la lettre la réglementation et les normes environnementales et sociales »

« Personnellement j’ai été assez choquée par cette campagne de dénigrement qui contenait beaucoup de mensonges. Nous avons été attaqués sur l’origine que soi-disant nous ne mentionnerions pas mais aussi sur les normes environnementales et sociales, confie Abir Lemseffer. Les producteurs français sont allés dans les rayons de la grande distribution pour stigmatiser l’origine marocaine en collant sur nos barquettes des étiquettes en français et en arabe “origine Maroc”, estimant que nous le mentionnons en trop petits caractères. » [la rédaction a à l’époque bien constaté le stickage de l’origine Maroc en français mais n’a pas vu les étiquettes en arabe].

« C’est compliqué de s’aligner sur les normes européennes mais c’est une bonne chose car ça a tiré le Maroc vers le haut »

« On respecte les règles à la lettre », insiste Abir Lemseffer. En guise de gage de respect des critères sociaux et environnementaux, elle rappelle que pour vendre à la grande distribution suédoise et britannique, Azura est « scruté », avec des auditeurs chaque année, notamment sur les conditions de travail des salariés agricoles.

« C’est compliqué de s’aligner sur les normes sanitaires européennes mais c’est une bonne chose, car ça a tiré le Maroc vers le haut », revendique la directrice générale adjointe.

A relire : Tomates bio espagnoles : pourquoi Ségolène Royal se trompe de combat

 

Ce qui intéresse le consommateur de tomate, c’est le prix mais aussi le goût

Après le prix, le deuxième critère du consommateur pour la tomate, c’est le goût« Si ce n’est pas bon, c’est sûr que le consommateur ne rachète pas. Azura a tout misé sur ce vrai élément de différenciation : R&D et semences, le soleil du Maroc… », revendique Abir Lemseffer.

C’est ce même soleil qui permet aux producteurs marocains de ne pas chauffer leurs serres.

Les fermes de production d’Azura s’étendent sur 800 ha à Agadir (côte atlantique sud du Maroc) et 400 ha à Dakhla (dans le territoire disputé du Sahara occidental).

Azura réalise 500 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, la tomate représentant le segment plus important (180 000 tonnes de tomates cerise). Côté marché, en valeur, l’Allemagne (35 %) et la France (30 %) sont les plus gros clients, suivies par la Suède (15 %) et le Royaume-Uni (10 à 15 %), un peu le Benelux. L’Europe de l’Est est un débouché que le groupe veut développer. Le marché local (Maroc) est « naissant ».

« La colère agricole du début d’année a concerné l’ensemble des pays d’Europe, mais il n’y a qu’en France que nous avons été attaqués de cette façon », regrette Abir Lemseffer.

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