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Compote : quel avenir pour les vergers dédiés ?

Alors qu’en ce début de campagne, les industriels peinent à s’approvisionner et les prix explosent, FLD a fait le point sur les contraintes et les chantiers du secteur avec l’Afidem le 18 octobre.

La France est le plus gros marché en Europe pour la compote, et de loin. La Fiac Fruits, le syndicat des industriels des fruits élaborés, estime ainsi la consommation de compotes en France à 8,9 kg par an par foyer acheteur. Ce sont 437 200 tonnes qui sont produites par an.

Adrien Mary, président de l’Afidem, relate : « Le marché de la compote en France s’est beaucoup développé depuis 30 ans avec des compagnies historiques dès les années 60. Dans les années 90, Andros lance la compote au rayon frais, premier boost. Ensuite, deuxième essor au début des années 2000 avec Materne et les compotes en gourde. Et Charles & Alice a inventé le sans sucres ajoutés, autre stimulation du marché. »

 

Une forte demande des industriels pour la pomme

La pomme est l’ingrédient majoritaire des compotes, la base de presque toutes les recettes, car elle assure un équilibre des goûts et des textures. Ainsi, sur le segment des sans sucres ajoutés, seules 10 % des références ne contiennent pas de pomme et sur les compotes sucrées, 30 %. Les besoins des industriels en pomme sont donc élevés. L’Afidem, l’interprofession des fruits à destinations multiples, les évalue à 290 000 tonnes (pour la compote ; hors jus et autres produits transformés). 

La demande des industriels pour l’origine France est particulièrement forte. Aujourd’hui, 70 à 90 % des pommes utilisées dans les compotes sont d’origine France*. Les industriels se fournissent en pommes auprès de vergers double fin : ce sont les écarts de tri qui partent vers l’industrie. « C’est une spécificité française qui représente pour les producteurs un débouché supplémentaire, intermédiaire en termes de valorisation entre le frais et le jus », souligne Isabelle Jusserand, directrice de l’Afidem. La part de pommes dédiées à l’industrie fluctue autour de 20 % chaque année.

* Lorsque l’origine France est insuffisante, les industriels importent d’Europe (Espagne, Italie...)

 

Des difficultés en ce début de campagne

Face à des besoins croissants et un verger français de pomme structurellement en repli depuis 10 ans, avec des fluctuations dans les volumes de production, comment les industriels peuvent-ils assurer leur approvisionnement ? 

Cette année, dans un contexte de récoltes européennes prévues très basses, la France, elle, a annoncé 1,5 million de tonnes, un niveau qu'elle n'avait plus atteint depuis 2019. Mais les volumes ne font pas tout. La récolte française en ce début de campagne est excellente en termes de calibre et de coloration, donc orientée vers le frais

 « C’est une bonne nouvelle pour les producteurs, mais pour les industriels, c’est compliqué de s’approvisionner en pommes françaises », regrettent Isabelle Jusserand et Adrien Mary. C’est aussi très onéreux, avec des oscillations de prix très importante. Selon les cotations RNM pour la pomme industrie, les prix de début de campagne sont en forte hausse : +100 % comparé à septembre 2022.

Lire aussi : Récolte de pomme 2023 : y aura-il des fruits pour les industriels de la compote ?

 

Régularité des disponibilités et évolution variétale : les limites de la double fin

Autres contraintes à gérer : la régularité de l’approvisionnement mois après mois, et l’évolution variétale du verger. En effet, face à un cœur de cible vieillissant, le frais évolue vers des variétés plus “jeunes”, plus croquantes, acidulées, qui intéressent moins la transformation. A l’inverse, la Golden, une pomme douce avec une texture intéressante, est en perte de vitesse chez les opérateurs du frais.

Quant au premier point, il s’agit d’une conséquence de cette spécificité française de vergers double fin : la disponibilité en pomme d’industrie est très aléatoire mois après mois car elle dépend du rythme de déstockage des chambres froides -qui est fonction de la demande en frais (dont export)- et de la qualité des fruits -le tri se faisant au déstockage. Or une usine doit tourner en continu toute l’année, contrairement aux usines de transformation de légumes qui passent d’une espèce légumière à une autre au fil des saisons. 

La régularité de l’approvisionnement est un chantier prioritaire pour l’Afidem qui va être lancé. Il s’agira de connaître l’historique de la demande industrielle et le rythme de déstockage de l’amont, par variété, au cours d’une campagne, mois par mois, bassin par bassin, afin d’identifier les zones de déséquilibre.

Ce début de campagne est orienté vers le frais, mais la suite de la campagne n’est pas encore écrit. Pour mémoire et pour comparaison, lors de la campagne précédente 2022-2023, en cœur de saison le niveau de l’offre de pommes pour la compote était élevé en raison des écarts de tri -des températures élevées à la récolte avaient fait évoluer plus rapidement les fruits- alors qu’en fin de saison les stocks étaient vides, les disponibilités étaient faibles.

 

Quel modèle économique pour les vergers dédiés ?

On arrive donc aux limites de la double fin. « Il s’agit désormais pour les industriels non seulement de sécuriser leurs approvisionnements en pommes dans un marché de la compote structurellement en hausse, mais aussi de gérer la disponibilité mois après mois et de faire face au renouveau variétal du frais », insiste Isabelle Jusserand.

La disponibilité en pomme d’industrie dépend du rythme de déstockage des chambres froides qui est fonction de la demande du frais et de la qualité des fruits.

Dans ce contexte, les vergers dédiés à l’industrie se développent. Il est aujourd’hui difficile d’avoir une image précise du paysage français. Materne a indiqué être à 25 % de vergers dédiés. Mais cette part n’est pas représentative de ce que peuvent faire les autres opérateurs industriels.

« D’autant qu’il y a un bon équilibre à trouver entre les coûts du producteur et le consentement à payer de l’industriel, dans un contexte de coûts de production en hausse », souligne Isabelle Jusserand.

Pour baisser les coûts dans un verger dédié, puisque l’esthétique et le calibre des fruits n’importent pas, peut-on envisager de mécaniser les récoltes ? « Cela se fait, dans les jus. Mais cela implique de transformer immédiatement pour éviter les contaminations sanitaires, la patuline notamment. Or les usines doivent tourner toute l’année. Et on ne peut pas étaler les récoltes », répond Isabelle Jusserand.

Une solution serait de recourir à l’application d’hormone : des tests à petite échelle ont été faits pour un stockage de la pomme sur l'arbre en testant différents produits anti-chute, dans le cadre du projet FilFruitsTransfo. Mais il reste à voir la compotabilité des fruits traités. Et quelle est la possibilité de passage de machines de récolte lourdes sur des sols détrempées d’hiver ?

 

Trouver le modèle des vergers dédiés pour l’équilibre du marché

Autres chantiers techniques étudiés dans le projet FilFruitsTransfo 2021-2022, cofinancé de moitié par le Grand Plan d’Investissement piloté par FranceAgriMer : le catalogue variétal, la configuration du verger (face au gel, à la grêle…), la possibilité de moins traiter car l’aspect des fruits pour la compote compte moins… 

Dans tous ces tests, l’équilibre économique était au centre des questionnements. A date, le modèle n’a pas été trouvé. « Mais dans le contexte actuel de souveraineté alimentaire, c’est le moment de retravailler sur ces chantiers, estime Isabelle Jusserand. Il s’agira de séparer ce qui relève des stratégies d’entreprises des projets à mener collectivement pour peut-être redéposer un dossier. »

« Les vergers dédiés ne représenteront peut-être pas grand-chose en termes de volumes. Ils sont plutôt utilisés en tampon, surtout en début de campagne, précise Adrien Mary, président de l’Afidem. On aura toujours besoin pour les vergers actuels du débouché qu’est l’industrie pour valoriser les écarts de tri. »

 

Les autres chantiers de l’Afidem : l’abricot doit rester accessible

Le chantier prioritaire de la régularité de l’approvisionnement concerne la pomme. Le cassis, autre fruit phare de l’Afidem, est, lui, à 95 % dédié à la transformation avec des récoltes mécanisées

L’abricot présente des enjeux similaires à ceux de la pomme en termes d’orientation variétale : le Bergeron, variété phare de la transformation, est en perte de vitesse en frais. Il s’agit aussi pour l’industriel de gérer la succession des espèces (prune, reine-claude, mirabelle, abricot, pêche) sur les lignes industriels en une plage de temps courte. Enfin, l’abricot fait face à un phénomène croissant : des fruits qualité confiture vendus en frais, plus accessible pour le consommateur que la catégorie 1 et plus rémunérateur pour le producteur que le débouché industriel. 

« Compote et confiture doivent rester des produits accessibles aux consommateurs », martèle Adrien Mary, président de l’Afidem. Sachant que « les hausses de prix convenus ont fait contracter les volumes vendus », glisse la directrice Isabelle Jusserand. Le bon équilibre des coûts et des prix tout le long de la filière reste et restera donc le sujet de base.

 

L’Interprofession des fruits à destinations multiples transformés

L’Afidem est l’organisation interprofessionnelle représentative des filières des fruits à destinations multiples transformés, créée en 1985. Elle est composée de deux collèges, producteurs et transformateurs, et de six membres : ANPP (pomme et poire), AOP Pêches et Abricots de France (abricot), ANCG (cassis), Vegafruits (reine-claude et mirabelle), Fiac (compotes, confitures, fruits au sirop et préparations de fruits) et FFS – fédération française des spiritueux (liqueurs de fruits).

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