Carbone : comment les filières françaises fruits et légumes s’emparent du sujet ?
Plusieurs filières fruits et légumes ont lancé des travaux pour calculer leur empreinte environnementale et mettent en œuvre des actions pour s’améliorer. Celles-ci sont techniquement, financièrement et socialement lourdes et les opérateurs espèrent une valorisation en rayon à venir.
Plusieurs filières fruits et légumes ont lancé des travaux pour calculer leur empreinte environnementale et mettent en œuvre des actions pour s’améliorer. Celles-ci sont techniquement, financièrement et socialement lourdes et les opérateurs espèrent une valorisation en rayon à venir.
En France, poussées par la stratégie bas carbone du gouvernement et l’appel à projets Green Go de l’Ademe, des filières se sont emparées du sujet : les pommes en frais et en transformé (ANPP, Afidem, Blue Whale, Pink Lady), les pêches et abricots (AOP pêches et abricots de France), Demain la Terre, les tomates et concombres…
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Alors que nous sommes tous concernés, notamment les consommateurs, le carbone « c’est un enjeu à porter par les collectifs, estime Xavier Le Clanche, responsable technique à Vergers écoresponsables. La filière pomme ne représente que 1 % des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture française mais on a aussi notre part à faire dans la partie atténuation du changement climatique car chaque tonne compte ». Et de rappeler : « Pour l’agriculture, la stratégie bas carbone vise à passer de 83 millions de tonnes eqCO2[équivalent carbone] émis à un petit peu moins de 50 millions de tonnes eqCO2, mais en même temps on a une opportunité qui est le stockage du carbone ».
Pourquoi parle-t-on d’équivalent carbone ? Les gaz à effet de serre sont le dioxyde de carbone, le protoxyde d’azote, le méthane, la vapeur d’eau… L’agriculture au final n’émet que peu de carbone, principal gaz responsable de l’effet de serre, comparé aux autres filières, mais plus des autres gaz. C’est pourquoi on parle en « équivalent carbone » (eqCO2). En 2017, la répartition des émissions atmosphériques de gaz à effet de serre dans le monde s’établissait à : dioxyde de carbone (CO2) 81 %, méthane (CH4) 11 %, protoxyde d’azote (N2O) 5 % et hydrofluorocarbures 2 % (source Parlement UE).
Un surcoût à valoriser en rayon ?
Le projet Green Go a calculé le stockage et les émissions de carbone de la filière française de la pomme de la production à la consommation, ainsi que l’impact chiffré de certains leviers pour faire baisser ces émissions [lire pages suivantes]. « Mais si on applique tout cela, tous les leviers évoqués, combien cela coûte ? », avait demandé Christelle Bertin, directrice marketing à Blue Whale, lors de la présentation au Sival 2023 des principaux résultats du projet, faisant écho à l’interrogation de nombreuses personnes dans la salle. Le calcul n’a pas été fait et les participants ont estimé qu’il serait intéressant de chiffrer le surcoût.
À l’image de la filière pomme, celle des pêches et abricots a aussi lancé des travaux. Des actions pour réduire ses émissions de CO2 et mieux en stocker en verger ont, pour certaines, été confirmées et intégrées au cahier des charges Vergers écoresponsables. Même si les freins – économiques, techniques, sociaux – sont nombreux et lourds, Muriel Millan, responsable technique de l’AOP pêches et abricots de France, estime que le jeu en vaut la chandelle. « Le carbone est un sujet qui touche tout le monde, avec de plus en plus de producteurs sensibilisés et probablement une carte à jouer en termes de valorisation. Il n’y a pas encore une demande forte du consommateur français – qui est plus tourné vers la qualité, le prix – même s’il est de plus en plus sensible à la thématique du carbone. En revanche, les enseignes sont demandeuses, car c’est un moyen de répondre aux attentes croissantes des consommateurs, de se distinguer les unes des autres et de répondre à l’obligation qu’elles ont elles-mêmes de réduire leur empreinte carbone. »
Thierry Mellenotte, directeur général de l’association Pink Lady Europe, plussoie : « Cette question carbone qui intéresse déjà les distributeurs sera sûrement demain au cœur des préoccupations des consommateurs ».
Faut-il légiférer ?
L’AOPn tomates et concombres de France a aussi lancé des travaux (projet PERTOMCO - Performance environnementale de la tomate et du concombre sous abris - avec l’Ademe) et les analyses de cycle de vie (ACV) sont en cours. Une fois ces travaux appréhendés par la filière, est-il envisageable qu’une tomate française avec un meilleur bilan carbone soit valorisée le long de la filière ? Pour Yann Le Cunff, responsable de projets AOPn tomates et concombres de France, cela n’est pas impossible mais résultera de la stratégie des entreprises.
De plus, « la législation évolue car certains labels utilisent la compensation carbone pour communiquer sur une “neutralité carbone” ou “zéro carbone”. La dimension carbone sera dans tous les cas intégrée dans l’affichage environnemental des produits, qui aura pour vocation d’afficher une meilleure transparence de l’impact environnemental des produits envers le consommateur ».
Il serait aussi intéressant de chiffrer les surcoûts engendrés par la mise en place de solutions pour faire baisser les émissions carbone
Afficher son empreinte carbone : transparence pour les bars à salades Picadeli
En plus du label officiel, Picadeli affiche depuis avril 2023 son Climate Footprint qu’il a développé pour donner l’empreinte environnementale de chaque ingrédient qu’il propose dans ses bars à salades. Un argument marketing autant qu’un outil pour identifier les points d’amélioration sur lesquels il doit agir et pour aider les consommateurs soucieux de leur impact à mieux arbitrer leurs choix alimentaires. Picadeli positionne un repas avec une de ses salades à 0,83 kg eqCO2 là où un menu burger explose jusqu’à 2,4 kg eqCO2. L’entreprise a déjà fait des progrès puisqu’elle évoque un poids de 0,98 kg eqCO2 par repas en 2019, et de 0,90 kg en 2021, et son objectif est de descendre à 0,5 kg eqCO2 d’ici 2030 pour répondre aux objectifs des accords de Paris.