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Artichaut : pourquoi les producteurs bretons ont jeté une grosse partie de leur production ?

La saison a mal très mal démarré pour les producteurs d’artichauts bretons. Ils ont dû jeter une grosse partie de leur production, conséquence notamment d’un calendrier bousculé par le climat, d’un désintérêt des consommateurs et de la grande distribution… Explications et embryons de solutions pour les années à venir.

Christian Bernard, producteur et président de la section artichaut Prince de Bretagne dans un champs d'artichauts.
« La tête d’artichaut est achetée 20 ou 25 centimes au producteur », indique Christian Bernard, producteur à Taulé (Finistère) et président de la section artichaut Prince de Bretagne.
© Claire Tillier - FLD

« L’an dernier, on a déjà eu une crise à cause de la sécheresse : on n’a pas eu de production. Cette année, on se lève le matin, on coupe l’artichaut pour le jeter… On jette tous les jours entre 30 et 50 % de la production », indique, dépité, le 13 juin, Christian Bernard, producteur à Taulé (Finistère) et président de la section artichaut Prince de Bretagne. Les producteurs bretons ont d’ailleurs mené des actions de déversement sur les routes bretonnes d’une partie de leur production d’artichauts invendus, dans les Côtes d’Armor le 9 juin, par exemple.

Même si un certain volume a été donné pour la méthanisation, en alimentation animale (bovins) et aux associations caritatives, « on parle de centaines de tonnes, précise Pierre Gélébart, chef produit artichaut pour Prince de Bretagne. On a vite saturé les associations caritatives ! ».

Mais que s’est-il donc passé cette année ? L’autre région de l’artichaut en France, c’est le Roussillon qui arrive sur les étals habituellement avant les artichauts bretons. Cette année, à cause des différents aléas climatiques, les artichauts du Roussillon ont eu du retard en production, ceux de Bretagne ont eu de l’avance. Il y a eu donc un télescopage. « On s'est retrouvés concurrents, explique Christophe Moal, producteur à Pleumeur-Gautier (Côtes d’Amor) et responsable de la section artichaut des Maraîchers d’Armor de Paimpol. Les artichauts du Roussillon étaient en fin de campagne, avec de petits calibres qui sont visiblement davantage demandés aujourd’hui, et ils ont fait des promos, donc les artichauts bretons sont arrivés sur le marché à un moment où il y avait déjà de l’artichaut et où les prix étaient très bas ». Peu d’intérêt donc pour la grande distribution de référencer les artichauts bretons.

« La tête d’artichaut est achetée 20 ou 25 centimes au producteur, je ne comprends pas pourquoi on arrive à les trouver à 3 € dans les rayons à Paris. Il faut qu’on m’explique ! », s’interroge en outre le producteur finistérien Christian Bernard. A noter que l’an dernier, les Parisiens ont pu voir des prix pour l’artichaut français à plus de 4,50 euros la pièce alors que de l’artichaut espagnol, vendu près de deux fois moins cher, était dans les mêmes rayons au même moment.

 

« Nous travaillons à l’ouverture d’une nouvelle usine de transformation de l’artichaut »

Avant la transformation permettait d’écouler quelques volumes. Ce n’est plus vraiment le cas depuis la fermeture en mars 2022 de la dernière usine française de transformation de l’artichaut, l’usine Eureden à Morlaix qui traitait environ 4 000 tonnes d’artichauts bretons. « On a toujours travaillé côté à côte sans jamais vraiment travailler ensemble », analyse et regrette Christian Bernard.

Aujourd’hui une petite partie de la production bretonne part pour l’appertisation en Espagne, mais « ce n’est pas rémunérateur, précise Pierre Gélébart, et ils ne prennent que des petits calibres ».

Les producteurs travaillent néanmoins à une réouverture en France d’une usine de transformation. « On essaie de recréer un outil de production avec plusieurs partenaires tels que Picard [qui emploie aujourd’hui pour le surgelé de l’artichaut égyptien], mais d’autres aussi », indique Christian Bernard.

« Il y a un vrai malaise au niveau de la consommation, insiste Christophe Moal, on devrait pouvoir écouler nos artichauts ! ». En France, 53 % des consommateurs d’artichauts ont plus de 60 ans et cela ne cesse d’augmenter et ils ne sont que 7 % chez les moins de 40 ans à en consommer et ce taux baisse ! « Le CTIFL a fait des tests auprès de collégiens et certains d’entre eux ne savaient même pas comment manger l’artichaut », raconte Christian Bernard.

 

Des artichauts distribués aux étudiants à la rentrée

Le temps de préparation de l’artichaut et le temps d’effeuillage sont les principaux éléments de reproche pour la préparation de ce légume. Les producteurs bretons vont donc travailler avec des influenceurs pour montrer les différents modes de préparation possibles de l’artichaut (plancha, micro-ondes…). Et pour intéresser les jeunes, les artichauts seront aussi distribués aux étudiants rennais à la rentrée universitaire avec des fiches recettes incluant notamment la cuisson au micro-ondes.

Côté communication, une campagne d’affichage en Bretagne et dans le métro parisien, relayée auprès des acheteurs de la GMS, est aussi prévue.  

Enfin, l’Articook, cette boîte micro-ondable de couleur verte en forme d’artichaut que Prince de Bretagne avait lancée en objet promotionnel il y a quelques années (re-baptisée depuis Végécook) est vendue chez certains primeurs (par le biais d’un partenariat avec Saveurs Commerce) au prix conseillé de 5,95 € avec des fiches mentionnant le temps de cuisson de différents légumes. Elle est aussi en cours de référencement avec une enseigne de grande distribution.

 

Un programme de sélection avec l’OBS

Pour enrayer le désamour des (jeunes) Français pour l’artichaut, l’Organisation bretonne de sélection (OBS) travaille actuellement sur la sélection variétale sur le Camus, pour mettre au point des artichauts plus ronds, plus fermés et sans épines, ces dernières étant reprochées à l’artichaut par les consommateurs. Les tests gustatifs réalisés par Vegenov sur cet artichaut Camus nouvelle version ayant été concluants, « en 2024, nous devrions en planter une vingtaine d’hectares », indique Thibaut Nordey, directeur de la station d’expérimentation Terre d’essais. L’OBS travaille aussi sur des variétés plus résistantes au mildiou.

En attendant, les volumes et les calibres des artichauts bretons devaient baisser dès le début de la semaine prochaine (semaine 25). « Il nous reste 5 mois de saison ! », lance Christophe Moal, espérant que le reste de la saison rattrape un peu le début. C’est le moment de mettre l’artichaut breton en rayon et de le consommer !

Une demande d’IGP pour l’artichaut de Bretagne

Alors qu’il n’y a pas eu cette année d’artichauts du Roussillon IGP faute d’engagement des producteurs déçus du manque de valorisation du produit, Prince de Bretagne travaille actuellement sur une demande d’IGP pour l’artichaut de Bretagne. « Nous ne sommes vraiment qu’au début du dossier, c’est généralement très long », précise Pierre Gélébart. Un premier cahier des charges a néanmoins été envoyé pour avis à l’INAO. Prince de Bretagne aimerait que cette IGP concerne les quatre variétés d’artichauts que la marque produit : Camus, Cardinal, Petit Violet et Castel.

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