Engraissement de jeunes bovins : des signaux de fragilité sur 2 025
L’engraissement de jeunes bovins entre, après une phase dynamique de trois ans, dans une période particulièrement incertaine. La conjoncture lui reste favorable mais des signaux de fragilité sont perçus depuis le premier semestre 2025.
L’engraissement de jeunes bovins entre, après une phase dynamique de trois ans, dans une période particulièrement incertaine. La conjoncture lui reste favorable mais des signaux de fragilité sont perçus depuis le premier semestre 2025.
De 2022 à 2024, l’engraissement de jeunes bovins a connu un certain regain, essentiellement du fait de la production de jeunes bovins allaitants qui est passée de 247 à 259 milliers de tec sur cette période. « Leur effectif a augmenté, et dans le même temps, ils ont pris 5 kg de carcasse, passant en moyenne de 438 à 443 kgC », a présenté Eva Groshens de l’Institut de l’Élevage lors de la journée grand angle viande bovine en novembre.
Cette évolution était passée principalement par la dynamique des ateliers d’engraissement spécialisés. Une légère hausse des effectifs avait aussi été constatée dans les élevages naisseurs engraisseurs avec achat de broutards.
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Mais depuis début 2025, le suivi des effectifs des mâles présents en élevage met en évidence une évolution inverse. « On a toujours des effectifs renforcés dans les ateliers spécialisés et dans les ateliers naisseurs engraisseurs avec achat. Mais dans les ateliers naisseurs engraisseurs sans achat de broutards, au 1er août 2025, il y avait 7 000 animaux en place de moins qu’il y a un an », signale l’économiste.
Moins de broutards sur le marché et plus de ventes en maigre
Les naissances ont été moins nombreuses l’hiver dernier à cause des épizooties. Les chiffres disponibles les plus récents estiment à 10 % la baisse du nombre de broutards de 6-12 mois présents en élevage au 1er octobre 2025 par rapport à 2024. Et la tendance se poursuivra avec le nombre de veaux nés d'une mère allaitante sur les huit premiers de 2025 en retrait de 4,9 % par rapport à la même période de 2024.
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« S’y ajoutent vraisemblablement, avec un prix du broutard exceptionnellement attractif, davantage de ventes en maigre de la part des naisseurs engraisseurs que les années précédentes », relève Eva Groshens. « C’est pourquoi le niveau du différentiel de prix entre le gras et le maigre sera déterminant pour la suite ».
Des risques accrus et des problématiques de trésorerie pour l'engraissement de jeunes bovins
« Si on tient compte du décalage dans le temps correspondant à la durée d’engraissement des jeunes bovins, on constate que le différentiel de prix entre le maigre et le gras est resté assez stable depuis un an », enchaîne Joël Martin, conseiller viande bovine de la chambre d’agriculture des Ardennes. Ce différentiel est certes moins important qu’en 2022, mais il reste quand même nettement supérieur à celui de la période 2 015 – 2 021. Toute la question est donc de savoir s’il reste une marge de progression sur le prix des jeunes bovins pour répercuter à l’avenir la hausse du prix du broutard qui s’est poursuivie ces derniers mois.
Les réseaux d’élevage Inosys ont fait leurs calculs avec la conjoncture de l’automne 2025 et pour plusieurs bassins d’élevage. « Avec des coûts alimentaires maîtrisés et de bonnes performances techniques, sur des broutards charolais en région Grand Est, la marge prévisionnelle atteint un niveau qui permet à la fois de rembourser l’investissement dans le bâtiment et de rémunérer le travail », résume Joël Martin. D’autres études donnent des résultats comparables en Pays de la Loire et Bretagne. En zone Sud Aquitaine en blonde d’Aquitaine, les conclusions sont plus nuancées, avec une rentabilité plus difficile à atteindre.
Une rentabilité de l'engraissement des jeunes bovins préservée en conjoncture 2025
L’IPAMPA viande bovine est stable sur la fin d’année 2025 par rapport à la même période de 2024, grâce au recul sur un an du prix des carburants et des aliments achetés.
Mais tout ceci est très récent. Les prix des jeunes bovins sont supérieurs aux coûts de production depuis février 2025. « On vient juste de passer le cap, ce qui donne seulement un peu d’oxygène aux éleveurs », a commenté Maryvonne Lagaronne, présidente de la commission de filière bovins viande d’Idele.
Et les besoins en trésorerie pour les engraisseurs de jeunes bovins ont changé d’échelle depuis 2023. Le plus gros enjeu est le niveau de l’accompagnement financier qu’ils vont trouver. « Aujourd’hui, des garanties financières leur sont demandées, et certains essuient des refus. J’espère que les banques toutes confondues seront facilitatrices pour avancer sur ces dossiers », a lancé Maryvonne Lagaronne. Les dispositifs de contractualisation des jeunes bovins sont à l'épreuve. En même temps, toute pathologie et mortalité des jeunes bovins est vécue par les éleveurs de façon encore plus sensible. Et le poids de vente des animaux n'est plus vraiment un sujet.
À chaque élevage son projet d’engraissement. « Il faut prendre le temps de poser les chiffres sur la table et faire des choix en fonction des spécificités de son système d’élevage », a rappelé Laurence Echevarria de l’Institut de l’Élevage. pour vérifier l’intérêt économique de l’atelier d’engraissement de jeunes bovins. On peut aussi réfléchir en parallèle à l’engraissement de génisses et éventuellement de bœufs.
Le prix du gras suit plutôt bien le prix du maigre
Une étude du dispositif Inosys Réseaux d’élevage en conjoncture « automne 2025 » sur des cas type charolais en région Grand Est montre la relation entre prix du maigre, prix du gras, coût alimentaire et marge prévisionnelle de l’atelier d’engraissement de jeunes bovins.
Les hypothèses sont un taux mortalité de 3 % et une croissance moyenne de 1 550 g/jour.
Dans le contexte 2025-2026, le coût alimentaire moyen est estimé à 485 euros par jeune bovin. Y sont ajoutés les frais d'élevage et vétérinaires, les charges d’eau, électricité, assurance, distribution de la ration et paillage. Les frais financiers sont situés à 62 euros par jeune bovin. Le total atteint 656 euros par jeune bovin.
Pour un broutard charolais de 340 kg acheté cette année 2 100 euros, le prix de vente du jeune bovin de 450 kgC à atteindre est de :
6,29 euros/kgC pour couvrir le coût de la ration et les frais (ligne bleue)
6,62 euros/kgC pour couvrir le coût de la ration et les frais, et rémunérer la main-d’œuvre (à raison de 5 heures de travail par jeune bovin à hauteur de 2 smic/UMO)
6,93 euros/kgC pour couvrir le coût de la ration et les frais, rémunérer la main-d’œuvre et rembourser 150 euros d’annuités par jeune bovin, équivalent à un investissement de 1 600 euros par place sur 15 ans au taux de 3,5 %.