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Diversification : la chia, une culture sobre à haute rentabilité

Originaire d’Amérique du Sud, la chia se développe en France grâce à de nouvelles variétés. Son itinéraire technique économe et sa valorisation sont des atouts de poids.

Le chia appartient à la famille des labiacées et n’a pas d’autre représentant dans les assolements.
Le chia appartient à la famille des labiacées et n’a pas d’autre représentant dans les assolements.
© J.- F. Monod

Voici une espèce à ajouter aux assolements, dotée d’une indéniable rentabilité. La chia (prononcer « tchia »), originaire des Andes, fait son trou en France. Deux sélectionneurs français basés dans le Sud-Ouest ont chacun développé une variété adaptée à nos latitudes et les surfaces cultivées progressent. Ces variétés ont contourné l’obstacle du photopériodisme très marqué, qui ne permettait pas à la plante de réaliser son cycle lorsqu’elle était semée en Europe du fait de rapports jour/nuit différents de son écosystème d’origine. Leader du marché, Agrofün propose la variété Oruro. Une autre variété, Monca, a été développée depuis trois ans par Jean-Francois Monod, un agriculteur installé à Castelnaudary, dans l’Aude. Monca a été obtenue à partir de collections variétales ramenées d’Amérique du Sud.

Une conduite culturale très simplifiée

Pour développer cette culture, Jean-François Monod et son frère Stéphane ont créé la société Grain, laquelle propose des contrats de production aux agriculteurs et cherche aujourd’hui de nouveaux candidats. « La production 2021 est déjà vendue. C’est clairement la production qui limite le marché », affirme Jean-François Monod. Une large partie de la collecte est destinée au groupe Nutrition & Santé, connu pour sa marque Gerblé, implanté à dix kilomètres de l’exploitation. « Nous avons de plus en plus de besoins », confirme Antoine Saules, responsable de production d’Agrofün, qui coordonne la Filière chia de France.

Originaire d'Amérique du Sud, la chia est désormais consommée et cultivée en France.

 

Côté champ, la chia a de quoi séduire. Appartenant à la famille des lamiacées (sauges), qui n’a pas d’autre représentant dans les assolements français, elle est idéal pour casser le cycle des adventices difficiles. Sa conduite culturale est très simplifiée et ne nécessite pas d’investir dans du matériel spécifique et coûteux. Les semis s’effectuent au semoir monograine classique. Le programme phyto? Il est inexistant : aucun herbicide n’est autorisé sur chia et la plante n’est sensible à aucune maladie ni ravageur. Cette espèce émet des essences répulsives qui éloignent les insectes.

Qu’elle soit ou non labellisée bio, la production est donc garantie sans pesticide. La seule différence éventuelle entre le bio et le conventionnel porte sur le poste fertilisation : si une légumineuse ne précède pas la culture, il faudra prévoir un apport azoté de l’ordre de 60 kg/ha, par exemple sous forme d’un engrais ternaire 60-60-60. Autre avantage de la chia : ses faibles besoins en eau, cinq fois moins élevés que ceux d’un maïs. L’irrigation permet toutefois de sécuriser le rendement de la culture, en particulier en début de cycle.

Trois fois la marge du tournesol

La principale contrainte de la culture est la maîtrise du salissement, indispensable pour assurer la propreté de la récolte : plusieurs binages sont nécessaires avant que le feuillage ne recouvre les rangs. « Cette année, le triage a été compliqué par la présence de graines de chénopodes. Il faut éviter ça », témoigne Jean-François Monod. Vendu entre 3500 et 4500 euros la tonne, la chia offre aussi un vrai intérêt économique. « La marge brute de la chia équivaut à trois fois celle du tournesol », déclare Jean-François Monod. « Le chiffre d’affaires dépasse rapidement les 2000 euros l’hectare », confirme Antoine Saules.

Pour des agriculteurs en conventionnel ou en bio, c’est la possibilité de diversifier son assolement et ses revenus. Soucieux de construire une filière locale, les Monod ont d’abord privilégié la contractualisation avec des agriculteurs proches de leur exploitation. Devant le succès de la culture, ils ont élargi leur champ d’action. Leur collecte est passée de 3 tonnes en 2019 à 20 tonnes en 2020, puis 150 tonnes en 2021. Elle devrait dépasser les 250 tonnes dès l’an prochain.

« Soixante-dix pour cent de la production restent situés en Occitanie, mais travailler avec des agriculteurs d’autres régions nous permet de limiter le risque climatique, explique Stéphane Monod. Nous développons la culture dans les Hauts-de-France, au sud de Paris, dans le Berry, le Quercy, la Bretagne.» Cette diversité de terroir se reflète dans les rendements qui s’étalent de 300 à 800 kg/ha selon les zones et la météo, pour un rendement moyen de 500 kg/ha. Pour faire face à la demande, les deux frères ont noué un partenariat avec la coopérative Gersycoop, basée dans le Gers. Cette dernière assure un rôle d’interlocuteur central et Jean-François Monod assure le suivi des parcelles et le conseil aux agriculteurs.

Du côté d’Agrofün, les contrats de production, en partenariat avec des coopératives, sont également de mise pour garantir la meilleure rémunération. Objectif : assurer le développement de la filière et garantir la qualité finale de la récolte. Car il ne s’agit pas de décevoir les exigences des industriels, des distributeurs et des consommateurs.

Une graine qui surfe sur les protéines végétales sans gluten

 

Riche en protéines, le chia est l'aliment végan et sans gluten par excellence.

La graine de chia est l’aliment végan et sans gluten par excellence. Elle est vendue en sachets, comme du riz ou des lentilles. Les industriels de l’agroalimentaire apprécient le goût neutre de cette graine, qui facilite son incorporation à leurs recettes de biscuits, yaourts, barres de céréales, muesli… Ses propriétés de mucilage (qui fait émulsion dans l’eau) lui permettent même de remplacer les œufs en pâtisserie.

La graine connaît un franc succès auprès des jeunes consommateurs, qui mettent à profit sa richesse en protéines pour réduire leur consommation de viande. La consommation de chia progresse ainsi de 50 % par an en Europe, où elle a atteint 20 000 tonnes en 2020, pour une production française qui n’excède pas 500 tonnes. L’essentiel des volumes consommés est importé d’Amérique du Sud, seule région où, jusqu’à il y a peu, la plante prospérait, avant que la sélection variétale ouvre de nouvelles possibilités en France.

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