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Développer la capacité des bovins à produire dans des conditions de chaleur

Dans le contexte actuel de réchauffement climatique, l’un des enjeux pour les filières d’élevage est l’adaptation des animaux à la chaleur, vrai facteur de sous-production. La sélection génétique, une solution ?

Les bovins sont particulièrement sensibles au stress thermique du fait des fermentations ruminales. Les fortes chaleurs entraînent des modifications physiologiques, affectent leur bien-être et impactent leurs performances (croissance, alimentation, fertilité, reproduction, qualité de la viande…), induisant ainsi des conséquences économiques sur l’exploitation.

Des études montrent par ailleurs qu’un stress thermique fragilise la résistance des animaux face aux risques de maladies et de parasites. « Les veaux nés de femelles ayant subi des périodes de stress thermique pendant la préparation à la mise bas sont également plus vulnérables et moins productifs. De manière générale, l’augmentation de la productivité des bovins s’accompagne d’une sensibilité accrue au stress thermique. En effet : plus l’animal produit, plus il ingère de ration et plus il fabrique de chaleur corporelle en la digérant et en la métabolisant », souligne Miranda Millérioux, vétérinaire consultante qui a réalisé un travail bibliographique sur cette thématique au sein de la commission vaches allaitantes de la SNGTV (Société nationale des groupements techniques vétérinaires).

Aussi, dans un contexte où les exploitations agricoles subissent de plus en plus de fortes chaleurs, il peut être intéressant de sélectionner des animaux plus aptes à résister, d’autant plus que la lutte contre le stress thermique est coûteuse et partielle. La sélection génétique est une piste importante à considérer pour disposer d’animaux plus robustes, tout en conservant la productivité.

Différentes options de sélection des bovins

Il existe une vraie marge de progression dans la sélection génétique d’animaux plus résilients à la chaleur. « Toutefois, on observe un plafond de verre au-delà duquel on obtiendra des animaux moins productifs. Différentes options peuvent être utilisées en sélection génétique. La définition des objectifs est essentielle : souhaite-t-on sélectionner des animaux qui produisent très bien uniquement en conditions de chaleur (thermo-tolérants) ou des animaux productifs quelles que soient les conditions climatiques, chaudes ou froides (thermo-robustes). Sur notre territoire, la seconde option semble plus intéressante », explique la spécialiste.

L’hybridation d’une population thermo-robuste plus rustique (par exemple avec des races zébuines) avec nos populations de bovins thermo-sensibles plus productives représente une méthode simple et peu coûteuse mais elle a l’inconvénient d’introduire des caractères non désirables. Pour contourner le problème, il est possible de trouver un caractère d’intérêt porté par un seul gène (génétique qualitative) et d’essayer ensuite de l’introduire.

Aujourd’hui, dans certains pays chauds comme l’Australie ou les États-Unis, des recherches sont menées sur le gène slick hair qui se traduit par un pelage court, lisse et brillant. Il permet une meilleure résistance au stress thermique. « Deux techniques existent pour transférer un gène. La première est l’édition génique, une version plus moderne des OGM (organisme génétiquement modifié), qui est chère et n’est pas encore réalisée techniquement. La seconde est l’introgression qui consiste à hybrider simplement puis à croiser sur plusieurs générations les hybrides avec la population productive pour récupérer à la fois le gène d’intérêt et les 'bons caractères'. C’est une technique simple mais les gènes candidats sont rares. »

Pas de solutions miracle pour des bovins résilients aux fortes chaleurs

Autre possibilité, la sélection de sous-population productive au sein de la population thermo-robuste plus rustique. Cette méthode fonctionne bien mais demande énormément de temps (au moins 30 générations).

Enfin, il est possible de sélectionner une sous-population thermo-robuste au sein de la population thermo-sensible plus productive, grâce à la génétique quantitative. Cela consiste à aller mesurer des paramètres dont l’évolution est chiffrable. Deux procédés peuvent être utilisés, un dit classique basé uniquement sur des caractères phénotypiques (par exemples, mesure de la température corporelle ou du GMQ - inconvénient : monitoring difficile) ou un second obtenu grâce aux nouvelles méthodes omiques (par exemple, la sélection génomique génomique c’est-à-dire de portions de gènes, inconvénient : création d’une population de référence coûteuse, réduction de la diversité génétique d’une population).

Enfin, à cela s’ajoute une sélection à notre insu sur les nouvelles générations dont les parents ont subi un stress thermique. Ces animaux sont moins productifs mais y sont plus résistants. À titre d’exemple, aux États-Unis, la perte financière pour la première génération de génisses laitières nées de mères ayant subi un stress thermique en fin de gestation est estimée à 595 millions d’euros par an… Dans les années à venir, il sera important de travailler sur la résistance au stress thermique des vaches allaitantes. Cela passera non seulement par la génétique avec des animaux plus résistants mais également par une réflexion sur les conditions d’élevage et l’adaptation de l’alimentation afin de favoriser le bien-être des animaux durant les fortes chaleurs.

Définition

Le stress thermique résulte de la combinaison de températures ambiantes élevées, d’une forte humidité et d’une faible circulation de l’air et, éventuellement, d’un rayonnement solaire direct. Le THI (ou indice température-humidité) est l’indicateur de stress thermique le plus couramment utilisé et déterminé par la combinaison de la température et de l’humidité.

Un projet CAICalor

La France, pour sa part, est depuis septembre 2020 engagée dans le projet CAICalor (Caractérisation de l’Adaptation aux Impacts du stress Calorique chez les bovins), afin d’étudier l’adaptation au changement climatique des vaches laitières en production et des reproducteurs d’élite laitiers et allaitants, sur les plans phénotypique et génétique.

Ce programme, financé par Apis-Gene, est porté par l'Institut de l'élevage et associe Allice et Inrae. Les objectifs sont d’évaluer les conséquences des vagues de chaleur sur différents caractères de production et de reproduction, afin d’identifier les adaptations nécessaires pour les programmes de sélection, d’acquérir une meilleure compréhension du déterminisme génétique de la thermo-tolérance chez les bovins, d’estimer l’impact du stress thermique subi par les parents sur la programmation fœtale et les performances des descendants.

 

Lire aussi : [Canicule] Comment adapter l’alimentation des bovins viande ?

 

Et du côté des organismes de sélection

A l’heure actuelle, les organismes de sélection des différentes races allaitantes se sont peu emparés du sujet. « On travaille beaucoup sur la précocité et la facilité à l’engraissement. La productivité est également un critère important car une vache qui vieillit bien et fait un veau par an prouve qu’elle est adaptée à son milieu. A mon sens, c’est donc un critère important à prendre en compte lors de la sélection des animaux avec l’augmentation des jours avec un stress thermique. Il est également important de disposer d’animaux avec de bons aplombs car c’est un animal qui se déplacera mieux et résistera mieux à tout. Les animaux de petits gabarits sont également moins sensibles aux fortes chaleurs. Le réchauffement climatique est un sujet que l’on a bien en tête, auquel on va être amener à travailler dans un futur proche », souligne Cyril Leymarie, responsable technique à l’Upra Aubrac.

Chez France Limousin Sélection, des réflexions sont en cours. « En allaitant, il est plus compliqué d’évaluer l’impact du stress thermique lors de canicules sur les performances des animaux (pas de pesées quotidiennes), contrairement à l’élevage laitier. Toutefois, dans le cadre d’un programme (Comète), nous avons relevé au jour le jour les niveaux d’ingestion et la rumination des animaux. On souhaiterait valoriser ses données en les mettant en relation avec la température pour relever d’éventuelles fluctuations », note Julien Mante, directeur technique de France Limousin Sélection. En race Blonde d’Aquitaine et Charolaise, les organismes de sélection estiment que ces deux races sont déjà bien adaptées à des conditions de fortes chaleurs.

Réduire les effets du stress thermique

A court et moyen termes, certaines mesures d’adaptation des pratiques et de l’environnement peuvent être mises en place pendant les périodes sensibles. « L’ombre au pâturage, un accès abondant à de l’eau tempérée ou l’augmentation de la vitesse de l’air dans les bâtiments sont des exemples d’adaptation du milieu de vie. Côté alimentation, il faut veiller à distribuer une ration qui n’a pas 'chauffé' aux heures fraîches de la journée, idéalement à fractionner les repas et raisonner les aliments acidogènes, et enfin à ajuster les apports en macroéléments (sodium, potassium, phophore, magnésium, …), oligoéléments et vitamines », observe Miranda Millérioux. Ces méthodes demandent de l’investissement et du temps de travail et n’enlèvent jamais totalement le stress thermique ni ses conséquences. Une véritable réflexion est à mener sur plusieurs années.

Une attention particulière est également à porter aux femelles rentrées en bâtiment pour les mises bas durant la période estivale. Les animaux sont alors logés dans des stabulations conçues pour l’hivernage, c’est-à-dire garder la chaleur et éviter les courants d’air. Ils se retrouvent ainsi dans des conditions non adaptées, ce qui peut générer des complications lors de la mise bas et ce, d’autant plus s’il fait chaud et humide.

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