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« Une moyenne à 800 000 cellules avec 40 % de chèvres en lactation longue »

À l’EARL Chevr’Auvers dans la Sarthe, un soin tout particulier est porté à la qualité du lait de chèvre. Nicole Pradel et Gregory Gilbert arrivent ainsi à maintenir les cellules à 800 000 par millilitre de lait en moyenne malgré 40 % de chèvres en lactation longue.

À 800 000 cellules en moyenne en 2022, l’EARL Chevr’Auvers est loin de la moyenne des élevages de chèvre français à deux millions de cellules par millilitre de lait. Il faut dire que, depuis leur installation en 2018 sur une ferme achetée aux enchères dans la Sarthe, Nicole Pradel et Gregory Gilbert portent un soin particulier aux numérations cellulaires et à l’hygiène mammaire des chèvres. Tout commence par une bonne base génétique avec des chevrettes issues de Chevrettes de France. Depuis, la pression de sélection est entretenue avec un tiers du troupeau, soit environ 100 chèvres inséminées chaque année.

Ensuite, les résultats du contrôle laitier sont bien utiles pour connaître le niveau de cellules de chaque chèvre. Quand il reçoit les résultats de numérations cellulaires des chèvres, Gregory Gilbert repère celles à plus de six millions de cellules et leur fait passer le test au Teepol. « Ce n’est pas l’idéal mais je débranche la chèvre en cours de traite pour prendre un peu de lait, explique l’éleveur de 38 ans. Ensuite, je mets autant de produit que de lait et j’observe la consistance du mélange en la faisant tourner et en versant le lait par terre. Si le mélange devient gélatineux, cela veut dire qu’il y a plus de six millions de cellules par millilitre. Je marque sa mamelle avec un coup de bombe rouge et je la trais au pot-trayeur pour que le lait ne passe pas dans le circuit conventionnel. » La chèvre est alors écartée pour être soit tarie, soit passer à la réforme. Gregory Gilbert se sert aussi du test au Teepol dès qu’il a un doute sur une chèvre. Par exemple quand une chèvre ne monte pas dans l’ordre habituel mais plutôt à la fin. La bouteille de Teepol coûte une trentaine d’euros et l’éleveur a toujours la même depuis quatre ans. « J’aime bien ce test car on a le résultat instantanément. Il n’y a pas besoin d’attendre les résultats d’analyse. Il faut juste prendre le temps de prélever un peu de lait et cela dure trente secondes par chèvre. »

Un contrôle de la machine à traire avant les mises bas

Gregory et Nicole n’hésitent pas à réformer les chèvres à haut niveau de cellules, « même des chèvres à quatre kilos de lait mais qui contaminerait tout le tank. Nous sommes sévères mais nous avons de la relève pour les remplacer. » Chaque année, sur un troupeau de 320 chèvres, entre 10 et 15 chèvres sont réformées sur ce critère des cellules. Par cette pratique, l’éleveur sélectionne les chèvres avec le moins de cellules. « Ce n’est pas énorme mais ce sont des chèvres qui ne sont plus rentables, qui font perdre de la valeur au lait et qui représentent un risque de contaminer les autres. »

La qualité du lait passe aussi par un bon entretien de la machine à traire. Ici, l’affiche Optitraite est bien visible et Gregory prévoit ce contrôle avant les mises bas, histoire de redémarrer la saison avec une machine à traire vérifiée, bien réglée et en ordre de marche. « Une machine à traire, c’est comme une voiture ou un tracteur, cela s’entretient. Chez moi, la salle de traite est un outil qui tourne au minimum trois heures par jour, soit plus que le tracteur. » Ici, la machine tourne en effet 900 heures par an alors que le tracteur ne dépasse pas les 600 heures. En suivant les préconisations des fabricants, les manchons en caoutchouc sont changés tous les deux ans. Les autres tuyaux sont changés tous les quatre ans de même que les tuyaux longs. Ces caoutchoucs au contact du lait subissent les mêmes contraintes de température, les mêmes produits et les mêmes utilisations que le reste de la machine à traire. Les contrôles Optitraite annuels n’ont pour l’instant pas montré de gros changements dans les réglages. Et Gregory jette un œil régulièrement sur le manomètre et le niveau de vide.

Des bonnes pratiques pour conserver les chèvres saines

Les bonnes pratiques se poursuivent aussi à la traite. L’EARL Chevr’Auvers maintient un ordre de traite tout au long de l’année. Les primipares sont suivies du lot d’insémination artificielle puis les saillies naturelles et enfin les lactations longues. Les lots évoluent peu et les primipares restent ensemble. Les lots ne sont modifiés qu’au moment de la reproduction et du tarissement.
Les 16 postes avec décrochage automatique par coupure de vide et dépose automatique limitent aussi les mauvaises pratiques : « Je n’aurais pas de dépose, je serais largement en surtraite. C’est un gros atout pour les cellules et l’état sanitaire des mamelles. J’ai acheté ma machine d’occasion mais je conseille vraiment d’avoir un peu moins de postes et la décro que pas de décro et beaucoup de postes. » C’est aussi une question de confort « pour pouvoir se faire remplacer et pouvoir travailler seul sans être complément épuisé à la fin de la journée ».
Les éleveurs ne se lavent pas systématiquement les mains pour la traite. « Mais dès que nous pensons qu’elles peuvent être contaminées, on se lave les mains », explique Gregory. Avec le décrochage automatique, les Gilbert ne s’amusent pas non plus à rebrancher la chèvre une seconde fois (repasse) pour ne pas risquer de rouvrir le sphincter de la mamelle qui met beaucoup de temps à se fermer. S’ils peuvent palper la mamelle et inspecter les trayons, le couple s’abstient de masser la mamelle en appuyant puisque cela ne sert à rien, ni en termes de quantité, ni de vitesse de traite. « La traite, c’est que la traite. Nous ne faisons pas les inséminations sur le quai de traite. La traite doit être un endroit où la chèvre est contente de venir. Il y a des granulés, c’est un moment calme et sans musique. »

« La qualité du lait me paye le contrôle laitier »

Cet effort permanent a progressivement permis de baisser le nombre de cellules. De 1,2 million de cellules la première année d’installation en 2018-2019, le Gaec est passé à un million la deuxième année puis à 800 000 la troisième année. Et cet effort est payant puisque l’EARL obtient le bonus de qualité maximale de 10 euros les mille litres. « Sur la laiterie, l’éleveur moyen a 18 euros de pénalité par rapport à son prix de base, explique Jérôme Dubé d’Agrial. Et les plus impactés sont à 32 euros de pénalités. »
« Cette qualité du lait me paye le contrôle laitier », calcule Gregory. « Mais en comptant au-delà de la simple prime, les gains se font aussi sur le lait non perdu par des chèvres saines et par le lait qu’aurait pu produire une chèvre partie trop tôt en réforme », conclut Florie Bergeon, la technicienne de Seenovia.

Visite réalisée lors de la 3e journée caprine des Pays de la Loire organisée par le Brilac.

Le test au Teepol pour détecter les infections mammaires

L'éleveur montre le test Teepol pour détecter les mammites

Le test au Teepol est une façon rapide, simple et économique de détecter les infections mammaires dans un trayon. Ce test, également appelé leucocytest ou test de mammite de Californie (CMT – California Mastitis Test), donne une indication sur la quantité de cellules somatiques présentes dans le lait. Le réactif est composé d’un détergent et d’un indicateur de pH. Lorsqu’il est mélangé avec le lait, il réagit avec l’ADN des cellules pour former un gel visqueux. Plus il y a de cellules somatiques dans le lait, plus le mélange sera épais et visqueux, comme un blanc d’œuf.

Chiffre clés 2022

320 chèvres
40 % en lactation longue
15 hectares : 9 ha de luzerne, 5 ha de prairies et des achats de luzerne sur pied
900 litres par chèvre
41 g/l de TB et 35,5 g/l de TP
879 euros les mille litres de lait en moyenne dont 10 euros de bonus qualité

Coût de production de l’atelier caprin (en €/1000 l), en 2022

La rémunération du travail permise par l’atelier caprin était de 290 euros les mille litres multipliés par 148 000 litres par UMO, soit 43 000 euros par UMO, soit 2,1 Smic par UMO.

La ration au pic de lactation

Camembert représentant la ration au pic de lactation

La ration représente 75 % des charges opérationnelles. La ration est basée sur des fourrages de qualité, un correcteur azoté, un aliment complet supplémenté en matière grasse et une céréale.

Source : Seenovia

Avis d’expert : Florie Bergeon, Seenovia

Florie Bergeon, Seenovia

« Des bonnes pratiques et du calme pour repérer les premiers dysfonctionnements »

« L’EARL Chevr’Auvers fait partie de notre suivi Cap’Qualité et des éleveurs qui ont de bons résultats en cellules. Nicole et Gregory ne pensaient rien faire de spécial mais si, ils ont une vigilance portée sur les numérations cellulaires au contrôle et dans toute la gestion de troupeau. La qualité du lait est vraiment intégrée dans leur routine de travail tout comme l’entretien de leur machine à traire. Par exemple, les éleveurs traient dans le calme, sans musique. L’attention qu’ils portent à cette astreinte est importante car la traite est le seul moment où l’on peut observer les mamelles des chèvres qui font votre lait. Pour cela, on fait appel à tous nos sens. Le toucher pour sentir si la mamelle est chaude ou s’il y a des nodules ; la vue pour repérer les blessures, les mamelles déséquilibrées ou inflammées ou pour observer la couleur et la consistance du lait ; l’ouïe pour entendre la chute des faisceaux trayeurs. »

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