Installés à l’entrée du village de Peypin-d’Aigues (Vaucluse) dans le parc régional du Luberon, Sophie et Thierry Perez ont créé la ferme du Maupas en 2000. Non issus du milieu agricole, ils rachètent la maison des grands-parents de Sophie et s’y installent lorsque l’entreprise employant Thierry ferme son site de Cavaillon. Changement de vie pour le jeune couple et leurs enfants. Ils décident rapidement de monter un élevage caprin, seuls et en autofinancement.
« Nous sommes partis de très loin, se souviennent Sophie et Thierry. Avec un parcours à l’installation, les futurs éleveurs prennent le temps de bien préparer leur projet et cela évite de se créer des handicaps. Notre installation s’est faite très rapidement, trop peut-être ! Alors nous avons fait et refait plusieurs fois au cours de notre carrière de chevriers. » La maison et les terres avaient déjà été achetées sur fonds propres. La fromagerie et la chèvrerie sont autoconstruites : un premier tunnel de 12 mètres, progressivement agrandit jusqu’à 24 mètres. Les 18 premières chèvres ne sont pas très productives et les premiers temps sont difficiles. Dans la région, le foncier est cher, difficile d’accès, et la concurrence sur les marchés est forte : Sophie et Thierry ont dû se faire une place.
Gamme de produits et rendement fromager
Aujourd’hui, Sophie et Thierry valorisent le litre de lait produit autour de 3,6 euros, un niveau supérieur à la moyenne du département. Pour arriver à ces résultats, ils ont beaucoup travaillé sur la gamme de produits et le rendement fromager. « Ce sont des progrès sur le long terme, mais très visibles, cela vient conforter à la fois nos choix d’élevage et nos techniques de transformation », avancent les éleveurs.
« Nous fabriquons des fromages lactiques et des tomes, des yaourts, des crèmes dessert et des flans. Les yaourts par exemple valorisent très bien le lait, certains clients n’achètent que cela. » À leurs débuts, Sophie et Thierry faisaient jusqu’à neuf marchés par semaine. Depuis deux ans, ils ne sont présents que sur un seul marché de producteurs, de mai à novembre, un allègement important de la charge de travail, notamment des temps de déplacement. En contrepartie, ils ont développé la vente à la ferme et leur réseau de revendeurs locaux : épicerie, boulangerie, traiteur. Aujourd’hui, la production est vendue à parts égales entre ces deux circuits.
Un suivi rigoureux du troupeau
Pour s’adapter à la clientèle, les chèvres sont taries de janvier à mars. « À cette période, il y a très peu de touristes. Alors que décembre est un mois très important pour nous commercialement. »
« Avec 36 élevages caprins dans le Vaucluse, nous sommes un petit département d’élevage, mais nous avons tous les services », apprécient-ils. Si Sophie et Thierry n’ont pas suivi de parcours d’installation classique, ils ont tout de suite adhéré au contrôle laitier officiel afin d’améliorer les performances de leur troupeau et bénéficier d’un accompagnement technique. « Nous avons assez vite renouvelé le troupeau initial et acheté rapidement un premier lot de chevrettes en pépinière et un bouc d’IA. » Les mères à chevrettes sont choisies avec la conseillère caprins sur des critères de qualité (principalement le taux protéique) et quantité de lait, et les boucs sont toujours issus d’élevages sélectionneurs et pratiquant l’IA.
Les 18 hectares de terres, moitié prairies, moitié bois, sont entièrement clôturés. Depuis 2013, l’élevage bénéficie de l’eau du canal de Provence. « Un changement important pour nous, expliquent Sophie et Thierry. Nous sommes très dépendants du climat pour la pousse de l’herbe. Avec l’irrigation, les chèvres peuvent pâturer l’été et nous pouvons aussi faire de l’affouragement en vert le soir après la traite. »
Sur les parcelles, la rotation se fait entre des mélanges de luzerne-sainfoin-fétuque et avoine-vesce.
Réduire la pénibilité du travail
Le couple a récemment acquis une parcelle d’un hectare sur laquelle ils font des essais de récolte en vert. L’objectif est de s’équiper d’une remorque autochargeuse pour faciliter le travail et diminuer les achats de fourrages (760 kg de foin acheté en 2020).
Les parcelles étant trop petites pour la culture de céréales, l’orge est achetée à l’extérieur. Les chèvres en reçoivent 180 kilos par an, distribué matin et soir à la traite.
« Avec une surface limitée, la rotation sur les parcelles ne permet pas de supprimer le risque parasitaire. Nous réalisons des coproscopies deux fois par an et traitons si besoin, de préférence hors lactation. Nous constatons une infestation en parasites internes plus importante depuis deux-trois ans, avec des hivers moins froids qui ne permettent pas de casser le cycle des parasites et nous devons vermifuger plus fréquemment. »
Les chevreaux sont vendus à un engraisseur. Entre l’absence d’abattoir proche et les contraintes d’organisation pour engraisser à la ferme et commercialiser la viande, Sophie et Thierry n’ont pas choisi cette voie.
Dans le Vaucluse, avec l’augmentation de la population de loups présents sur le territoire, le nombre d’attaques explose depuis deux ans. « Cela remet en cause les systèmes pâturant, avance Thierry. Nous sommes moins tranquilles depuis que nous avons aperçu un loup dans un parc l’été dernier. C’est différent de savoir que le loup est présent dans la région et de le voir derrière sa maison ! J’ai refait les parcs et les chèvres ne ressortent plus après la traite du soir comme c’était le cas avant, regrettent les éleveurs. À la place, nous apportons du fourrage en vert. »
En 22 ans, Sophie et Thierry ont fait évoluer leur exploitation et atteignent un niveau de résultat satisfaisant, toujours en gardant leur philosophie d’un système simple et de l’autofinancement. « Depuis une dizaine d’années, nous essayons d’alléger le travail physique en investissant : tapis d’alimentation, changement du quai de traite, valet de ferme pour distribuer le foin et curer, lave-batterie dans la fromagerie, bloc moule… il faut savoir s’économiser ! »
Virginie Hervé-Quartier