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« Produire les meilleurs fourrages pour nos chèvres »

Dans les Deux-Sèvres, Alain et Léo Drochon forment un binôme efficace sur l’exploitation familiale. Ils s’adaptent aux terres difficiles de l’exploitation en modérant le chargement et en étant précis sur la récolte des fourrages.

Entouré d’affleurements de granit rose, le Gaec de la Gannerie n’est pourtant pas en Bretagne, mais bien dans les Deux-Sèvres, à Argentonnay. Les arrière-grands-parents d’Alain Drochon y ont créé la ferme familiale en 1928. Lui s’est installé, avec ses deux frères, en 1987 à la suite de ses parents. Et en 2021, son fils Léo l’a rejoint, représentant ainsi la cinquième génération d’éleveurs sur cette exploitation de polyculture élevage ! Après une première expérience en tant que salarié en vaches laitières et en Cuma, Léo a pris la suite de ses oncles, partis à la retraite l’un en 2008 et le second en 2020.

« Notre système serait trop fragile si nous ne nous arrêtions jamais ! »

Père et fils travaillent en parfaite entente pour cultiver 131 hectares et élever 275 chèvres alpines et 65 Salers. « C’est une chance de travailler ensemble. Nous apprenons énormément l’un de l’autre et cela motive d’avoir un jeune avec soi ! », affirme Alain Drochon, tout sourire. À 59 ans, il envisage sereinement la retraite, dans quelques années, et Léo réfléchit à son organisation future.

Faire appel au service de remplacement

Passés de trois à deux associés avec une charge de travail inchangée, Alain et Léo s’organisent à deux. « L’hiver est bien chargé. Mais dès que les vaches et leurs veaux sont à l’herbe, nous passons à un week-end sur deux d’astreinte. Nous n’hésitons pas à utiliser le service de remplacement si besoin. L’objectif est de ne pas y laisser notre santé et de dégager du temps pour nos familles et loisirs. Notre système serait trop fragile si nous ne nous arrêtions jamais ! »

La priorité des associés du Gaec de la Gannerie est d’avoir des chèvres en bonne santé, avec un bon démarrage de lactation et une bonne persistance laitière. « Pour atteindre nos objectifs, la qualité des fourrages est notre plus grand levier d’action », affirme Alain.

600 à 650 millimètres de pluie par an

Et ce n’est pas simple sur ces terres classées en zone défavorisée. « Nous avons des sols très superficiels, peu portants et de nombreuses roches affleurantes, avec une pluviométrie annuelle moyenne de 600 à 650 millimètres. Notre avantage, c’est que le parcellaire est groupé autour des deux sites de l’exploitation, distants de 800 mètres seulement », résument Alain et Léo. « Nous nous adaptons à ces contraintes avec un chargement modéré et effectuons les premières coupes dès que possible. Les meilleurs fourrages vont aux chèvres et les vaches allaitantes valorisent les prairies naturelles. »

Sur les 131 hectares de SAU, 60 ha sont en prairies naturelles, 50 ha en prairies temporaires et 20-25 ha d’orge autoconsommé sont cultivés, dont environ 30 % distribués aux chèvres.

Tous les fourrages sont analysés

La ration au pic de lactation est composée de 2,5 kg d’enrubannage distribué le matin, et 1,5 kg de foin le soir, 250 g de maïs, 400-450 g d’orge et un aliment acheté à 28 % de MAT. En 2021, la production est à 1 020 kg de lait par chèvre. « Mais la moyenne est plutôt à 950, précise Alain. Nous avons eu des fourrages de qualité et de bonnes chevrettes l’année dernière, ce qui explique ces bons volumes et les taux : 38,6 g de MG/kg et 33,2 g de MP/kg. » Léo bénéficie de l’aide à l’installation de Terra Lacta, comprenant une prime de 30 euros pour 1 000 l pendant les cinq premières années d’installation, proportionnelle à ses parts dans le Gaec.

Les fourrages et l’orge sont produits sur l’exploitation, et le maïs est acheté. « Nous avons des prairies temporaires que nous conservons deux ans, en rotation avec l’orge. Elles sont composées de ray-grass italien et de trèfle incarnat. La première coupe de la première année est enrubannée et réservée aux chèvres. Avec un rendement de 10-12 t brutes/ha, à 40-50 % de matière sèche, la bonne qualité de ce fourrage permet d’ajuster les concentrés à la baisse. Je distribue les bottes en fonction du stade de lactation. Le meilleur à partir d’un peu avant les mises bas, pour, au tarissement, distribuer un fourrage toujours appétant mais moins riche. »

Prairies productives et appétentes

Les prairies temporaires « longue durée » sont un mélange de fétuque, dactyle, ray gras anglais, trèfle blanc et lotier, composition qui évolue au fil des ans. « Nous cherchons à avoir des prairies productives, appétentes, avec bonne valeur alimentaire, expliquent Alain et Léo. Nous réalisons des analyses de fourrage tous les ans. C’est indispensable pour caler les rations des chèvres, sinon on avance dans le brouillard et on se fait parfois de belles illusions ! Elles sont prises en charge par l’entreprise à laquelle nous achetons l’aliment. »

« J’aime bien le côté production de fourrages de notre métier, avance Alain. On essaie de faire mieux tous les ans et de tester des associations. C’est une nécessité pour produire les meilleurs fourrages pour les chèvres et s’adapter au changement climatique. Et l’offre de semences s’étoffe d’année en année. L’année dernière, nous avons fait un semi-direct de protéagineux (pois, vesce, moha, teff grass) derrière l’orge, avant l’implantation de prairies. Avec une valeur de 10 % de MAT et 0,8 UF, les 18 ha implantés ont été récoltés en septembre en enrubanné et distribués aux vaches. Nous avons aussi testé l’association sorgho- maïs perlé, mais nous avons trop peu d’eau ici pour ce type de culture. »

Le Gaec de la Gannerie adhère à deux Cuma et Alain et Léo font appel à une ETA pour certains travaux et dès que c’est nécessaire. « Nous avons la chance d’être dans une région dynamique et bien entourés, apprécient-ils. Cela permet d’avoir des services de qualité, mais aussi de ne pas être isolés, d’échanger régulièrement avec d’autres éleveurs. C’est aussi pour cela que nous participons depuis une dizaine d’années au réseau des fermes de référence. Nous pouvons ainsi nous évaluer, identifier les points forts et faibles de l’exploitation progresser. C’est important de connaître ses chiffres, et cela motive. »

Distribuer à la main réduit le stress des chèvres

Les bâtiments sont simples et les chèvres réparties en six lots, correspondant à la capacité de la salle de traite, 2x24 places, 24 postes, double équipement et décrochage automatique. « Au départ, nous étions en fermage, rappelle Alain. Cela a limité nos capacités d’investissement lors de l’agrandissement de la chèvrerie. Aujourd’hui, nous sommes propriétaires des surfaces sur lesquelles les bâtiments sont implantés, et en fermage sur les terres. » Fourrages et concentrés sont distribués à la main. « On passe plus de temps à sortir le matériel qu’à distribuer, argue Alain. Et pour le paillage, nous avons testé une pailleuse, mais la poussière générée est importante et stresse les chèvres. »

La prévention et l’observation des animaux sont primordiales. « Nos chèvres sont en bonne santé. C’est la condition pour produire du lait. Nous vaccinons contre la pasteurelle et allons reprendre la vaccination contre les mammites cette année. Nous n’utilisons pas d’antiparasitaires ni d’anticoccidiens. »

Chiffres clés

2 UMO
275 chèvres Alpines
131 ha de SAU, dont 60 ha de prairies naturelles
65 vaches allaitantes, Salers
427 g de concentrés distribués par litre de lait produit

Outil carte/Argentonnay dans les Deux-Sèvres

Angélique Roué, conseillère caprins à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres

« Faire le lait avec les fourrage plutôt qu’avec les concentrés »

 

 
Angélique Roué, conseillère caprins à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres
Angélique Roué, conseillère caprins à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres © DR

 

« Alain et Léo Drochon sont techniquement très performants notamment parce qu’ils sont très précis et font des choix cohérents, que ce soit sur la production des fourrages ou les soins aux animaux. Et les résultats le montrent : la cohérence charges-produits est bonne, avec un ratio EBE/produit à 39 %.

Les associés du Gaec de La Gannerie ne surinvestissent pas et les charges de mécanisation sont faibles. Leur coût alimentaire est également bien maîtrisé, y compris en incluant mécanisation et approvisionnement des surfaces. Ils font le lait avec le fourrage plutôt que le concentré et au final, avec seulement 427 g de concentré distribué par litre de lait produit (moyenne des réseaux d’élevage à 600 g/l produit), obtiennent une bonne production par chèvre. 62 % de la matière sèche de la ration sont apportées par le fourrage, grâce notamment au mode de distribution des fourrages et des concentrés qui favorise l’ingestion du foin et de l’enrubannage.

L’observation et les soins apportés aux animaux permettent aussi d’avoir une faible mortalité et un taux de renouvellement assez faible, à 22 %.

La charge de travail est élevée, mais les associés du Gaec de la Gannerie savent se faire remplacer en cas de besoin et pour prendre du recul. »

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