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Les lactations longues, de levier occasionnel à vraie stratégie

Le recours aux lactations longues s’amplifie dans tous les bassins de production français. L’Institut de l’élevage a compilé différentes études, sur plus de vingt ans, et en tire de grandes tendances.

Le recours aux lactations longues ne cesse de progresser dans tous les types d’élevage. Selon l’Idele, en 1995, 3 à 4 % des chèvres démarraient une lactation longue, contre près de 10 % en 2020.
Le recours aux lactations longues ne cesse de progresser dans tous les types d’élevage. Selon l’Idele, en 1995, 3 à 4 % des chèvres démarraient une lactation longue, contre près de 10 % en 2020.
© V. Hervé-Quartier

« On ne distingue pas une, mais des lactations longues. Leur point commun : une période de traite supérieure à 485 jours », expose Renée de Crémoux, vétérinaire à l’Institut de l’Élevage. Les lactations longues dans les élevages caprins sont la résultante de diverses trajectoires.

On différencie ainsi celles qui sont subies, consécutives à un accident de reproduction par exemple, de celles qui font l’objet d’un choix stratégique. Dans tous les cas, la conséquence est de produire du lait toute l’année, d’écrêter le pic de travail au moment des mises bas, et d’avoir moins de chevreaux.

Des stratégies diverses et complémentaires

Ces différentes stratégies coexistent bien souvent au sein d’un même élevage. Les lactations longues opportunistes sont très souvent liées à un rattrapage de décalage dans les mises bas, et servent aussi à « sauver » les meilleures productrices. Elles permettent de conserver plus longtemps des chèvres en fin de carrière, ou a contrario de recaler des primipares sur le rythme des adultes et ainsi leur laisser le temps de se développer avant une nouvelle mise bas. Pour les plus stratégiques, les lactations longues assurent une meilleure répartition de la production. Dans ce cas les chèvres sont spécifiquement sélectionnées sur leurs performances.

Le recours aux lactations longues ne cesse de progresser dans tous les types d’élevage. Selon l’Idele, en 1995, 3 à 4 % des chèvres démarraient une lactation longue, contre près de 10 % en 2020. « Leur nombre est plus important dans les grands troupeaux recourant à des mises bas désaisonnées », affirme Renée de Crémoux. L’augmentation du taux de chèvres en lactations longues est aussi plus rapide dans ces grands élevages et s’accélère particulièrement dans ceux l’utilisant déjà sur plus de 20 % de leur troupeau.

Pour les chèvres, quelles carrières ?

Les parcours des chèvres concernées sont aussi très divers. Selon la compilation de données entre 1995 et 2015, il semble que 16,4 % du cheptel national a connu au moins une lactation longue dans sa carrière. Plus de 80 % des chèvres concernées n’ont connu qu’une seule lactation longue, intervenant en début de carrière (primipares) pour 29 %, en fin pour 21 %, en milieu pour 18 %.

Les élevages les plus utilisateurs de lactations longues les provoquent plutôt sur les primipares, et souvent plus de deux fois dans la vie de la chèvre. En termes de production, la tendance est aussi en augmentation, qu’il s’agisse de la durée ou du volume de lactation. Entre 1995 et 2015, on observe une moyenne de 717 jours de traite. Les lactations très longues, dépassant les 1 000 jours, augmentent aussi, avec des volumes pouvant dépasser les 2 000 litres. Les lactations longues en fin de carrière arrivent premières sur le podium de la durée.

« Des études sont encore en cours sur le sujet des volumes produits. Notre objectif est de réussir à simuler une courbe de collecte en fonction du nombre et du type de lactations longues ».

Des points de vigilance incontournables

Le recours stratégique et récurrent aux lactations longues nécessite des bâtiments adaptés permettant d’isoler les lots de chèvres. La réduction des mises bas, peut appauvrir la descendance des chèvres performantes. En parallèle, trop sélectionner des chèvres pour leur aptitude aux longues lactations, ne doit pas engendrer la concentration d’animaux avec des problèmes de reproduction. Enfin, selon Renée de Crémoux, le recours trop fréquent aux lactations longues subies ne doit pas masquer des problèmes de conduite d’élevage, qu’il faudrait corriger de manière structurelle.

Résultats économiques similaires

Le Saperfel, contrôle laitier des Deux-Sèvres, a réalisé une étude économique comparée entre des élevages du département pratiquant plus de 20 % de lactations longues et des élevages à moins de 10 %. Les deux conduites présentent une efficacité économique similaire. Le choix stratégique de recours aux lactations longues résiderait donc davantage sur des considérations techniques et d’organisation du travail, que sur une optimisation des résultats économiques.

21 €/1 000 L de différence de charges

En termes de coût de production, la première catégorie dépasse, de peu, la seconde : 818 €/1000 L pour les plus de 20 % de lactations longues, contre 797 € pour les moins de 10 %. En effet chez les élevages à fort taux de lactations longues on note un surcoût concernant le poste alimentaire, lié aux achats de concentré, et le poste bâtiment et installations. Une légère compensation apparaît sur les charges liées aux frais d’élevage et au travail.

Concernant les produits, en tenant compte des aides, les plus de 20 % de lactations longues atteignent 829 €/1000 L, tandis que les moins de 10 % sont à 824 €. Là encore la différence n’est pas significative. Entre les moins et les plus utilisateurs, on obtient une augmentation de 4 % de produit lait et une réduction de 47 % de produit lié à la reproduction : vente de chevreaux de boucherie et surtout de chevrettes de reproduction.

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