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Du sorgho pâturé pour faire face aux coups de chaud

Face aux sécheresses estivales qui limitent la production de fourrages, le sorgho est une alternative intéressante pour prolonger le pâturage des chèvres sans altérer l’identité du picodon et malgré une production laitière légèrement inférieure à celle obtenue avec la luzerne.

Les épisodes de sécheresse et de canicule estivales réduisent la production de fourrage destiné à l’alimentation des chèvres et à la constitution de stocks pour l’hiver. Ceci est d’autant plus problématique dans les élevages AOP qui doivent respecter des cahiers des charges stricts valorisant l’autonomie fourragère sur la zone AOP et l’alimentation en vert ou le pâturage pour les animaux laitiers.

L’utilisation de nouvelles espèces plus résistantes aux aléas climatiques telles que le sorgho, le teff grass ou le moha constitue un levier d’adaptation en voie de développement en région Auvergne-Rhône-Alpes, alors que leur utilisation peut être interdite ou non autorisée explicitement dans plusieurs cahiers des charges en AOP-IGP. Le projet Pepit Festig piloté par le Centre de ressources pour l’agriculture de qualité et de montagne (Ceraq) vise à apporter des éléments de réponses et de réflexions auprès des filières sous indication géographique confrontées à ces nouvelles espèces fourragères estivales.

Pâturer du sorgho en zone picodon

Le sorgho était traditionnellement cultivé dans la zone picodon et une enquête de 2023 a fait ressortir des témoignages comme « Mon grand-père en cultivait déjà ». Sa culture, aujourd’hui peu développée sur le territoire, ne semble pas problématique pour la filière dans la mesure où elle contribue au respect de deux fondamentaux de l’AOP Picodon : une alimentation provenant à 100 % de la zone d’appellation et la diversité de l’alimentation, illustrée par l’obligation de proposer une ration fourragère annuelle composée de plus de douze espèces.

En Ardèche, la ferme du Pradel s’intéresse à la culture du sorgho depuis quelques années, notamment sous la forme d’une double culture, c’est-à-dire un méteil semé à l’automne puis pâturé au printemps suivant et détruit courant mai après plusieurs valorisations pour implanter ensuite un sorgho multicoupes qui sera également pâturé plusieurs fois en été et l’automne. Le climat sec des dernières années a montré tout l’intérêt qu’offre la culture du sorgho pour permettre aux chèvres de sortir au pâturage sur cette période estivale. L’année 2024 a permis de comparer la production du lait de chèvre pâturant du sorgho ou de la luzerne et d’étudier l’impact sur le lait et les fromages lactiques.

Moins de lait qu’avec la luzerne

L’essai s’est déroulé du 2 au 17 juillet, en comparant un lot témoin qui pâturait de la luzerne et un lot expérimental du sorgho, avec des horaires de pâturage adaptés aux conditions estivales, c’est-à-dire une sortie de 8h30 à 12 heures, puis de 17h30 à 20h30, soit six heures trente par jour. Pendant les fortes chaleurs, les chèvres étaient en bâtiment et avaient accès à du foin de luzerne de bonne qualité. Au final, dans ces conditions les chèvres ont ingéré environ 75 % de leur ration fourragère en sorgho. En complément, les chèvres ont reçu 800 grammes de concentrés par jour.

Les chèvres pâturant du sorgho ont produit un peu moins de lait par rapport aux chèvres consommant de la luzerne. Mais on note une amélioration du taux butyreux liée notamment à la quantité de lait diminuée et une légère baisse du taux protéique, ainsi qu’une baisse de la teneur en urée. Ces résultats peuvent s’expliquer en partie du fait de leur ration moins riche en protéines comparativement à la luzerne offerte au lot témoin.

Le même goût de picodon

En fromagerie, avec une matière grasse plus élevée, le lot sorgho a permis de maintenir un ratio taux butyreux/taux protéique (TB/TP) supérieur à 1, à l’inverse de la luzerne où l’on observe une inversion de taux. Sachant que les valeurs optimales souhaitées en lait de chèvre sont comprises entre 1,10 et 1,20. Ce meilleur ratio amène à un rendement fromager du lot sorgho légèrement plus élevé au démoulage. Néanmoins l’affinage a atténué ces différences, si bien qu’en sortie de hâloir (à 12 jours d’affinage), les rendements ont été équivalents entre les lots, proches de 11,2 kilos de fromage pour 100 kilos de lait. Au total, le lot luzerne a permis de faire plus de fromages grâce à une production de lait plus importante.

Les picodons ont été dégustés à dix-huit jours d’affinage, lors d’un test triangulaire par des consommateurs dits « naïfs », et les deux lots ne sont pas apparus comme étant différents. Ils ont également été évalués au même stade d’affinage par le panel expert formé au laboratoire de l’Institut de l’élevage à Villers-Bocage (Calvados). Sur l’ensemble des notations sur l’aspect, l’odeur, la texture et le goût, les fromages des deux lots ne sont pas ressortis différents. Ainsi, l’identité organoleptique du picodon n’est pas modifiée par l’introduction du sorgho dans la ration des chèvres.

Au final, le sorgho permet d’allonger la période pâturage estival et peut donc venir compléter une ration pour des animaux productifs ou constituer la base de la ration pour des animaux avec de plus faibles besoins.

Chiffres clés

Sorgho vs luzerne

Le lot sorgho de 24 chèvres comparé aux 24 chèvres du lot luzerne à 160 jours de lactation :

- 0,7 kg de lait par chèvre (3,7 vs 4,4 kg)
+ 4 g/kg de taux butyreux (33 vs 29 g/kg)
- 1 g/kg de taux protéique (31,5 vs 32,5 g/kg)
- 140 mg/l d’urée (440 vs 580 mg/l)
- Meilleur ratio TB/TP (1,05 vs 0,89)
+ 0,5 kg fromage au démoulage pour 100 kg de lait (21,1 kg de fromage pour 100 kg de lait contre 20,6 pour la luzerne)

La bonne hauteur de pâturage

La parcelle de sorgho du Pradel (variété Octane type BMR -Brown Mid Rib-) a été semée mi-mai, sur un précédent de luzerne. Le printemps plutôt doux et pluvieux a permis une valorisation assez précoce du sorgho, soit 45 jours après son implantation. Les chèvres ont pu pâturer la parcelle à trois reprises de juillet à octobre. On ne peut la faire pâturer qu’à partir de 60 cm de hauteur pour éviter tout risque de toxicité sur les animaux (présence de durrhine). Mais, plus il est haut, moins il est intéressant en termes de valeurs alimentaires, déjà car le ratio feuille/tige est moins bon, sachant que les chèvres consomment en premier les feuilles qui sont plus riches puis les tiges et surtout elles sont plus craintives à avancer dans la parcelle lorsqu’il dépasse les 1m50. Ainsi, plus il est pâturé bas (autour de 80 cm à 1 m), meilleure sera sa valorisation au pâturage par les chèvres, avec plus de feuilles consommées et moins de gaspillage avec des restes de tiges hautes qui pénalisent la repousse suivante.

Au Pradel cette année, le sorgho a été valorisé sur sa première pousse, à une hauteur de 1,20 mètre en moyenne sur la durée de cet essai pour un rendement de 4,6 tonnes de matière sèche (TMS) par ha dont plus de la moitié représentée par les feuilles. La seconde et troisième pousses ont été valorisées plutôt à 80-90 cm de hauteur, et permettent de monter le rendement global de la parcelle sur l’année à 10,4 TMS/ha. Le sorgho contenant 10 % de matières azotées totales (MAT) pour la plante entière et 15 % pour les feuilles. Par comparaison, la luzerne a été valorisée au pâturage sur sa troisième pousse en ce début d’été, ce qui n’était plus possible au Pradel ces dernières années avec les printemps secs. Elle a été pâturée à une hauteur de 70 cm en moyenne pour un rendement de 3,8 TMS/ha, et reste indétrônable en termes de qualité avec 18 % de MAT.

Coté web

Différentes variétés testées

Les différents essais au Pradel de la fourche à la fourchette et les tests de différentes variétés de sorgho sont à retrouver sur idele.fr/.../retour-sur-la-journee-portes-ouvertes-du-pradel-2024.

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