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Adapter la taille du troupeau

Échaudé par la dernière crise caprine, le Gaec du Bleuet tend à diminuer la taille du troupeau et la part d’aliment acheté.

Vincent Pierre élève des chèvres depuis 1996, d’abord en individuel puis avec son père et son frère à Saint-Martin-l’Ars dans la Vienne. « Quand mon frère s’est installé en 2003, nous avions 400 chèvres ». En 2009, ils se lancent dans le projet de monter à 1 200 chèvres. 500 000 euros sont alors investis pour les bâtiments, les animaux et la salle de traite. Hélas, en 2012, en pleine crise caprine, son frère quitte la structure et Vincent revient progressivement à un troupeau de 700 à 800 chèvres.

C’est à ce moment qu’il embauche Benoît Branthome qui deviendra son associé en février 2018. Au moment de l’installation de Benoît, la question se pose d’investir dans un bâtiment supplémentaire et surtout une nouvelle salle de traite qui aurait permis de réduire les 2 h 30 d’astreinte. Un nouveau roto extérieur de 60 places avec gestion des deuxièmes tours aurait permis d’accélérer la cadence. Lorsqu’il étudie la possibilité de passer à 1 000 chèvres, leur laiterie Terra Lacta leur donne très rapidement une réponse favorable.

Un gain en autonomie alimentaire

Mais, plutôt que de monter à 1 000 chèvres, Vincent et Benoît vont plutôt faire le choix inverse et réduire la taille du troupeau. « On avait déjà été piqué et on ne voulait pas se remettre de gros emprunts sur le dos », se justifie Vincent Pierre, 46 ans, en évoquant un investissement de 200 000 euros rien que pour la salle de traite.

L’idée est plutôt de réduire la taille du troupeau pour gagner en autonomie et maintenir une marge similaire. « Nous laissions chaque année 120 000 euros au marchand d’aliment, soit près d’un tiers de notre chiffre d’affaires lié au lait de chèvre, explique Benoît Branthome, 29 ans. L’objectif est maintenant de réduire de moitié, voire plus, cette part d’aliment acheté ». Le Gaec du Bleuet se fixe ainsi un objectif de 90 % d’autonomie en utilisant beaucoup moins de granulés. En parallèle, le troupeau passe de 800 chèvres en 2018 à 650 en 2020, tout en restant autour de 520 000 litres produits par an.

De l’enrubannage au stade optimal

De 1,2 kilo de concentrés distribué en 2018, le Gaec est passé à 900 g en 2019. Pour compenser, les deux éleveurs comptent sur l’enrubannage qu’ils peuvent réaliser au stade optimal de valeur alimentaire du fourrage. « Nous réalisons un stock de ray-grass italien en avril pour chercher des unités fourragères avant l’épiaison et nous le complétons par du trèfle violet qui apporte de l’azote », résume Vincent Pierre.

Sur les 222 hectares de l’exploitation, dont 60 ha de prairies et le reste en blé, orge et maïs, la surface de prairie a augmenté avec l’implantation d’une quinzaine d’hectares de trèfle violet. Enrubanné, le trèfle est distribué en mélange avec du foin de ray-grass anglais ou italien. « Nous préférons mélanger les balles d’enrubannés et cultiver séparément légumineuse et ray-grass en pur, motive Benoît. C’est plus simple à gérer pour le désherbage ou pour récolter au stade optimal ».

Analyses des fourrages et pesées des bottes

Pour connaître la valeur alimentaire du fourrage, les deux associés réalisent près d’une analyse par coupe et par parcelle. Ils se sont aussi équipés pour peser les bottes. S’ils prennent soin de noter toutes ces informations, ils sont à la recherche d’une application pour smartphone qui pourrait les aider à gérer leur stock fourrager.

Se nourrissant des échanges entre éleveurs, Vincent et Benoît ont apprécié la visite d’un élevage dans l’Indre qui ne donne que 300 grammes d’aliment, notamment en travaillant avec un planning fourrager très complet. Cette année, les éleveurs ont essayé d’implanter du trèfle après l’orge mais, comme en 2018, il n’y a pas eu d’eau et rien n’est sorti. Les semis ont également été compliqués à l’automne avec, cette fois, un excès d’eau. « Nous semons d’habitude de 90 à 100 hectares de céréales à paille mais cette année, il n’y a eu que 30 hectares de semés, détaille Vincent en montrant ses champs gorgés d’eau. Heureusement, nous avons de la paille d’avance. »

Investir dans la main-d’œuvre plutôt que dans l’agrandissement

Pour les éleveurs qui veulent aussi se garder du temps libre, il y a indéniablement moins de travail avec 600 chèvres qu’avec 800. Depuis août, ils ont embauché une salariée à mi-temps. L’embauche de Mélanie a été en partie rendue possible par les économies réalisées sur les aliments. La jeune femme assure la traite du soir et le travail d’astreinte d’un week-end sur trois. Il faut deux heures en moyenne pour traire seule 650 chèvres avec l’actuel roto de 48 places Alfa Laval Albouy.

Avec moins d’animaux, les deux éleveurs espèrent être plus pointus dans la gestion du troupeau. Ils viennent de se remettre au contrôle laitier « pour avoir une sélection plus pointue si on veut garder notre litrage ». Autre avantage de la réduction de troupeau, les animaux ont davantage d’espace et il y a moins de concurrence à l’auge, tant sur l’enrubannage que sur les concentrés. La place disponible sert aussi à l’élevage de 250 à 300 chevrettes par an dont une partie est vendue pleines à d’autres éleveurs.

« Il faut se rappeler des épisodes compliqués des années précédentes et ne pas chercher à avoir du lait à tout prix », conclut Vincent Pierre. Les emprunts contractés en 2009 pour la salle de traite et les animaux sont maintenant remboursés. « Il nous reste les bâtiments à rembourser jusqu’en 2024 mais on est globalement plus souple qu’en 2012 ». Cette souplesse leur permet de réfléchir à implanter un nouveau bâtiment photovoltaïque pour ramener les fourrages en partie stockés à l’extérieur de la ferme. Mais les éleveurs préfèrent maintenant surtout investir dans de la main-d’œuvre pour s’alléger la peine plutôt que de courir un agrandissement risqué. « 600 chèvres à deux, c’est déjà assez grand. On peut vivre de notre métier sans y laisser notre peau et on peut s’améliorer sans investissement. »

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