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40 ans d’appellation pour le picodon

Le site du Pradel a servi d’écrin pour fêter les 40 ans d’appellation du picodon. L’occasion de revenir sur les hommes, les animaux et les territoires qui font le charme de ce fromage de chèvre.

Noces d’émeraude pour le petit fromage de chèvre de la Drôme et d’Ardèche, le syndicat du picodon AOP a profité de son assemblée générale le 4 mai au Pradel (Ardèche) pour fêter ses 40 ans. Le syndicat a demandé à son ancienne animatrice Paule Ballet de retracer, avec de nombreux grands témoins, l’histoire de l’appellation.

« Dans les années 1970, des responsables professionnels clairvoyants et tenaces, André Tardieu pour la Drôme et Sylvain Rey pour l’Ardèche, s’intéressent à la notion de l’appellation pour leurs zones et leurs produits », rappelle Paule Ballet. La première réunion ayant pour thème « appellation d’origine picodon » se tient le 12 juin 1975. Ensuite, un syndicat naît le 6 novembre de la même année, puis la confrérie en parallèle. Les produits, les hommes et le terroir sont comparés à un arbre de vie pour qui le tronc serait formé par l’Inao.

Valérie Keller, de l’Institut national de l’origine et de la qualité, revient ainsi sur les grandes évolutions du cahier des charges. « Au départ, en 1983, l’appellation était définie par décret et s’appelait picodon de l’Ardèche ou picodon de la Drôme. Le décret fixait certaines conditions de production, mais d’autres étaient renvoyées vers des usages locaux, sans apporter de précision. » Le décret de 1996 précise les races de chèvres autorisées, le chargement maximum ou l’origine des fourrages à 80 % de l’aire. L’ensilage et la claustration des chèvres sont interdits.

En 2000, l’appellation est unifiée sous le nom de picodon. Cette relocalisation du nom contraint les entreprises de France à ne plus appeler leurs fromages picodon en dehors de ceux respectant le cahier des charges. Le plan de contrôle est mis en place en 2007. Ce document décrit le schéma de vie du produit et précise les modalités de délivrance de l’habilitation des opérateurs. Il décrit l’organisation générale des contrôles, dont les autocontrôles réalisés par les opérateurs.

En 2016, le nouveau cahier des charges de l’AOC/AOP impose que 100 % des fourrages et des céréales brutes soient issus de l’aire géographique. Le fromage qui pouvait auparavant être fabriqué avec du lait thermisé devient obligatoirement au lait cru. C’est aussi à cette période que la charte graphique de l’étiquette est imposée à tous.

Une souchothèque des flores et ferments

Ancien président de l’appellation de 2002 à 2014, Christian Moyersoen signale « la chance d’avoir en France une structure qui associe des professionnels, des juristes et des techniciens. L’Inao a une forme d’intelligence collective qui a pu faire avancer les nombreux débats qui ont eu lieu au moment de modifier les cahiers des charges. » L’ancien affineur et fromager apprécie aussi le travail réalisé avec les autres appellations fromagères au sein du Cnaol, que ce soit sur l’appellation fermier chez l’affineur, les injonctions sanitaires (coliformes, Stec) ou la mise en évidence des bienfaits du lait cru.

Picodon maintiendrons !

Sylvie Morge, technicienne fromagère au Pradel depuis 1990, illustre le maître mot de la confrérie du picodon « picodon maintiendrons ! » à travers l’appui technique proposé aux producteurs. « Les fromages sont fabriqués au lait cru, explique-t-elle, suivant des méthodes ancestrales et des savoir-faire transmis entre générations. Le repiquage de lactosérum avec les flores propres à chaque exploitation permet de maintenir la tradition du picodon tout en conservant la diversité. Une souchothèque a ainsi été constituée après prélèvement de lait, de lactosérum, de flore d’ambiance de fromagerie et de fromages à différents stades d’affinage. » Deux cent quarante bactéries sont ainsi conservées et montrent la diversité gustative des fromages.

Picobox, chansons, films, route et fête

Jean-Claude Balmelle, premier président du PEP caprin en 1994, a salué les expérimentations réalisées à la station caprine du Pradel, puis validées au sein d’un réseau de ferme de référence et, enfin, vulgarisées grâce aux techniciens caprins. Le Pradel a ainsi décrit le pâturage comme une technique moderne, et il a donné une méthode simple (la méthode Olivier) pour aider à la gestion des crises sanitaires chez les producteurs.

La communication du picodon a toujours été originale. Les communicants Thierry Lermet et Cécile Tabarin listent les réalisations pour faire parler du fromage : l’étiquette unifiée, la route du picodon, la chanson Pic et pic et picodon, les livres de recettes, la picobox pour conserver les fromages, le site internet picodon-aop.fr, les recettes en vidéo, les réseaux sociaux, les films, la fête de Saoû ou les panneaux chez les producteurs.

Les témoignages d’anciens affineurs, fromagers fermiers ou livreurs de lait ont complété ce panorama émouvant à l’image d’Hervé Barnier évoquant comment les visiteurs de sa ferme sont devenus des ambassadeurs du picodon.

De nouveaux défis pour l’avenir

Pour la nouvelle génération qui reprend les rênes de l’appellation, les défis ne manquent pas : changement climatique, attentes sociétales, inflation, renouvellement des producteurs… Nicolas Revol qui reprend la présidence du syndicat le rappelle : « Le premier défi, c’est de maintenir le nombre d’agriculteurs et des surfaces agricoles dans notre AOP. Le second, c’est de continuer à démontrer la pertinence de notre cahier des charges comme modèle de production durable, facilitant le maintien de la biodiversité et l’adaptation au changement climatique. Et le troisième enjeu, c’est d’assurer l’avenir du métier par la transmission et la reconnaissance de nos savoir-faire dans la fabrication de notre fromage. »

Et Karine Mourier-Duvigneaud, la présidente sortante, de conclure en soufflant les bougies : « Le picodon n’a pas une ride, que du Geotrichum et du bleu ! »

Chiffres clés 2022

561 tonnes de picodons produits, dont :

121 tonnes par les fromagers fermiers
323 tonnes par les entreprises
117 tonnes par les affineurs

57 éleveurs fermiers

67 éleveurs laitiers

5 entreprises

3 affineurs

13 fermiers livrant aux affineurs

2,41 €/pièce en moyenne en Auvergne-Rhône-Alpes (+9 %/2021)

9,4 millions de picodons vendus, dont 300 000 affinés selon la méthode Dieulefit

Aujourd’hui, le picodon continue de communiquer

Pas de crise de la quarantaine pour le picodon. La production se porte plutôt bien avec 561 tonnes de picodons produites en 2022, 3 tonnes de plus qu’en 2021 et près de 80 tonnes de plus que dix ans auparavant. L’appellation continue de communiquer via la présence dans les foires et salons, le site Internet avec sa carte interactive, la présence dans les médias ou les T-shirts « adoration picodon » en partenariat avec Chèvres and Co.

La Drôme et l’Ardèche étant des territoires touristiques, le syndicat a mis à jour et réimprimé des cartes dépliantes « destination picodon ». Elles seront, par exemple, distribuées lors de la fête du picodon à Saoû les 15 et 16 juillet prochains.

La chasse au « type picodon »

Avec les AOP des pays de Savoie, le picodon procède régulièrement à des relevés en magasin pour noter les prix (2,41 euros pièce en moyenne en 2022) et la présence dans les points de vente (79 % en moyenne). Le syndicat scrute aussi les fromages qui voudraient s’afficher comme picodon ou même comme « type picodon » sans respecter le cahier des charges. Les cas sont heureusement rares, tant dans les magasins que dans les médias.

Un nouveau plan de filière régional bientôt signé

Le plan de filière caprin-ovin 2022-2027 de la Région Auvergne-Rhône-Alpes sera mieux doté que le précèdent pour les caprins. Des aides pour l’accompagnement technique et les actions de conseil sont disponibles, que ce soit pour optimiser la conduite du troupeau ou rendre l’élevage plus durable. Des subventions sont aussi prévues pour aider aux petits investissements de moins de 10 000 euros. Cela peut concerner l’engraissement de chevreaux, la ventilation, les économies d’énergie ou l’amélioration des conditions de travail à la traite ou en fromagerie. « Retournez-vous vers les organismes qui vous accompagnent », conseillait Laurent Balmelle, fromager fermier et président de Caprin Auvergne-Rhône-Alpes et du comité régional de la filière.

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