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Vente directe : bien calculer son prix au kilo

Tous les coûts de transformation et la rémunération du travail doivent être bien pris en compte pour calculer le prix de vente de la viande en caissettes. Un exemple en bio.

Quand on se lance dans la vente directe de viande bovine, il est une question à laquelle il n’est pas si facile de répondre : à quel prix faut-il la vendre ? Pour, d’une part, couvrir tous les frais de transport, abattage, découpe, conditionnement, commercialisation et, d’autre part, rémunérer correctement le travail de l’éleveur. Un prix juste qu’il est primordial de déterminer avant de l’annoncer car ensuite il est très difficile de l’augmenter si on s’est trompé. S’il est trop haut, les clients ne seront pas au rendez-vous. Une étude des réseaux Inosys de Rhône-Alpes et Paca, présentée lors du dernier salon Tech & Bio, a montré que les éleveurs bio qui pratiquent la vente directe ne gagnent pas plus que ceux qui vendent en filière longue (1,4 Smic/UMO dans les deux cas).

« Les systèmes bio en vente directe sont des systèmes avec des coûts de production élevés pour lesquels le prix de vente doit être fixé avec précaution », concluait l’étude. Se baser sur les prix pratiqués par la concurrence n’est pas toujours suffisant car les coûts de revient sont très variables selon les conditions dans lesquelles on exerce la vente directe. Lors de cette présentation, Stéphane Brisson, de la chambre d’agriculture de la Loire, a décortiqué comment se constitue le prix de la viande bio pour une vache Charolaise engraissée pendant 150 jours à l’herbe et affichant un poids vif de 770 kg, du départ de la ferme jusqu’à l’assiette du client. « Il faut bien faire attention à toutes les étapes pour ne pas se faire surprendre, ne pas hésiter à demander des devis et faire un essai sur une bête que l’on vend aux amis, voisins… », insiste-t-il. Beaucoup de questions à se poser aussi pour déterminer le juste tarif. Sous quelle forme vendre la viande : caissette ou détail ? Quelle clientèle toucher : de proximité ou plus lointaine ? En magasin de producteurs ou pas ?….

1- 270 kg de viande à vendre

« Quand on fait de la vente directe, on ne vend plus un animal en vif ou une carcasse mais de la viande », souligne le conseiller. La première étape consiste donc à évaluer la quantité de viande qui pourra être conditionnée en colis. Après transport à l’abattoir, la vache ne pèse plus que 750 kg (3 % de perte). Une fois abattue, sur la base d’un rendement de 53 % (classement R + 3), on obtient une carcasse de 400 kg. La carcasse ressuyée aura encore perdu 1 % de son poids et ne pèsera plus que 396 kg. On peut ensuite tabler sur un rendement de découpe de 71 %, en considérant que les abats sont conservés par l’éleveur. Il reste donc 280 kg de viande dont 10 kg rempliront également les congélateurs familiaux. Soit 270 kg de viande qui seront conditionnés en colis. Sur une base de 30 colis de 5 kg et 12 de 10 kg, cela signifie qu’il faudra trouver 42 clients pour écouler la vache, de préférence avant de l’amener à l’abattoir. À titre indicatif, un colis de 10 kg, qui respecte la composition de la carcasse, est composé de 5,1 kg de morceaux de première catégorie, 2,4 kg de deuxième catégorie et 2,5 kg de troisième catégorie (voir détail ci-contre).

2 - 300 à 600 euros de transport et d’abattage

Du départ de la vache de la ferme jusqu’au retour de la carcasse dans l’atelier de découpe, le coût varie du simple au double (300 à 600 euros par carcasse). Ainsi, le transport vers l’abattoir, selon qu’il est réalisé par l’éleveur ou une entreprise et la distance à parcourir, peut coûter de 30 à 50 euros. Les frais d’abattoir (abattage, décolonnage, test ESB, frais de fonctionnement…) s’échelonnent entre 270 et 400 euros. Une forte variabilité liée à la taille de l’abattoir, aux conditions négociées, au nombre d’animaux abattus par an… « On est souvent autour de 300 euros », précise Stéphane Brisson. Le transport de la carcasse peut atteindre 50 euros mais aussi être nul si l’atelier de découpe est intégré à l’abattoir. Pour la maturation, les frais de stockage en frigo sont gratuits dans certains abattoirs mais sont parfois facturés jusqu’à 100 euros.

3 - 600 à 900 euros de frais de découpe

De la carcasse à la viande sous vide en colis, en partant du principe que toute la découpe est déléguée, la fourchette des coûts est, là aussi, très large (de 600 à 900 euros). Pour la découpe en atelier agréé, selon le volume annuel et le type d’atelier (collectif ou privé), il faudra débourser entre 300 et 400 euros par carcasse. La mise en poches plastiques (main-d’œuvre et fournitures) coûtera entre 100 et 300 euros. Il faut encore prévoir 100 euros de mise sous vide et 100 euros de transport de la viande jusqu’à la ferme en véhicule frigo.

4 - Valoriser la viande entre 13 et 15 euros par kilo

En additionnant les coûts d’abattage et de découpe, le prix de revient de la transformation varie dans une fourchette de 1 000 à 1 650 euros TTC. Pour calculer le prix final de vente de la viande, il faut en effet raisonner en TTC. Il convient ensuite d’ajouter la valeur que la vache avait au départ de la ferme comme si elle avait été vendue dans le commerce. En filière bio, on peut l’estimer à 1 800 euros HT (100 kg c x 4,50 €/kg) soit 1 900 euros TTC. À ce stade, la fourchette de valorisation de l’animal atteint déjà 2 900 à 3 550 euros TTC. Il faut enfin rémunérer le travail de l’éleveur. Stéphane Brisson préconise de « déterminer à l’avance combien ils veulent gagner » et conseille de « se donner un objectif de marge de 300 à 500 euros/vache pour que ça paye le temps passé et pour dégager un revenu supplémentaire, qui peut atteindre 4 000 euros par an pour une vente par mois ». Au final, pour couvrir les frais de transformation, ne pas dévaloriser la vache au départ de la ferme et se rémunérer, il faudra vendre la viande dans une fourchette de 13 à 15 euros/kg. Ce qui permettra de valoriser la carcasse entre 8 et 10 euros/kg.

Travail : du simple au double

Le temps de travail pour préparer une vache peut varier du simple au double (12 à 24 heures). Le temps de transport, selon qu’il est délégué ou pas et la distance à parcourir, est estimé entre 0 et 4 heures. Idem pour la mise en colis, selon qu’elle est assurée ou non par le prestataire, prendra de 0 à 8 heures. Et, enfin, il faut compter 4 heures au moins pour vendre la viande (livraison, à domicile…) et 8 heures de travail administratif et de contact client.

Du veau entre 16 et 17 euros le kilo

Stéphane Brisson, de la chambre d’agriculture de la Loire, a présenté aussi l’exemple d’un veau rosé de 6 mois complémenté sous la mère (classé R + 2). S’il pèse 257 kg en vif, après perte de 3 % lors du transport, on obtiendra une carcasse de 150 kg (rendement de 60 %, très variable mais souvent un peu plus faible en bio car un peu moins fini). Après maturation (- 1 %) et découpe (rendement viande de 75 %), il restera 110 kg de viande commercialisable. Une viande de veau bio qui devra être valorisée entre 16 et 17 euros TTC/kg.

Se situer par rapport à l’évolution des cotations « entrée abattoir » et celle des prix de vente consommateur en boucherie et en grande distribution

Il n’est pas possible de donner une fourchette de prix en vente directe pour les différentes races à viande sur les dernières années. Pour piloter l’évolution du prix des vaches de races à viande en circuit de vente directe, on peut se baser d’une part sur l’évolution des cotations « entrée abattoir » et d’autre part sur celle des prix de vente aux consommateurs - en boucherie artisanale et en grande distribution.

Les prix « entrée abattoir » des vaches de race Charolaise, Limousine, Blonde d’Aquitaine ou encore Salers, Parthenaise, Rouge des Prés… sont fonction de l’offre et de la demande et varient chaque semaine. Ces cotations permettent de connaitre les prix et leur évolution par rapport aux semaines précédentes, et par rapport aux années précédentes à même date.

Chiffres clés

1 vache de 770 kg : 400 kg carcasse et 270 kg de viande

1 veau de 257 kg : 150 kg carcasse et 110 kg de viande

Avis d’expert - Stéphane Brisson, chambre d’agriculture de la Loire

« Développer une démarche commerciale et s’adapter à la demande »

« Pour réussir dans la vente directe, il est indispensable de construire une véritable démarche commerciale. Ça ne s’improvise pas. Cela veut dire avoir la fibre relationnelle et y consacrer du temps. Être capable d’argumenter sur la qualité du produit (absence de produit chimique pour le bio…). Pas question non plus de décevoir la clientèle à laquelle on doit pouvoir offrir une qualité régulière : même catégorie et état de finition, une bonne qualité de découpe et de présentation… Pour les colis de 10 kg, proposer un prix avantageux (- 0,5 à - 1 €/kg) et enfin prévoir des cadeaux pour les clients fidèles (morceaux en bonus…). Le Français aime bien les remises. Il faut aussi être capable de s’adapter à la demande des clients. Proposer par exemple des steaks hachés surgelés en cartons de 1 à 6 kg, souvent au même prix que le colis moyen, des colis spécial été, de printemps, pot-au-feu, ou encore des produits transformés pour valoriser les bas morceaux : merguez, conserves… Éventuellement vendre au détail si on a du temps disponible. Dans tous les cas, veiller à respecter les règles sanitaires en vigueur. »

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