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Une transmission d'élevage Charolais hors cadre familial en Montagne bourbonnaise

Richard Taillardat et Mathieu Chevalier ont pour passion commune la génétique charolaise. Le second a repris la ferme du premier en 2020. Une transmission bien menée et un exemple à multiplier pour pérenniser dans les dix ans le côté familial de l’élevage allaitant français.

L’ex-EARL de la Noyeraie devenue exploitation individuelle est un élevage tout ce qu’il y a de plus classique de la Montagne bourbonnaise. Située sur la commune du Breuil dans l’Allier, sa reprise par un jeune éleveur se devait d’être économiquement viable et durable. Pour l’heure, le pari semble réussi. Certes le parcellaire y est morcelé, impliquant de fréquents déplacements de lots d’animaux mais il a l’avantage d’être bien équipé en points d’eau.

Le cheptel totalise un peu plus de 80 vêlages par an, lesquels démarrent en début d’automne (septembre octobre) avec la volonté de les recentrer le plus possible à cette période. Le système fourrager est basé sur la seule valorisation de l’herbe par l’ensilage (35 ha), le foin (20 ha) et le pâturage, et il est récolté une moyenne de 2,88 tonnes de MS de fourrage conservé par UGB.

Afin de nourrir les animaux au plus juste en cours d’hivernage, il est réalisé des analyses de fourrages pour établir les rations hivernales. La ration de base repose sur une association d’ensilage et de foin et elle est similaire dans sa composition pour toutes les catégories afin de simplifier la conduite et faciliter le travail de distribution. Seules les quantités changent.

La complémentation des veaux démarre avec de l’épeautre acheté à l’extérieur pour stimuler la rumination puis passe ensuite progressivement à de l’aliment broutard distribué en stabulation ou au pré. L’objectif étant de les commercialiser au plus vite à 420/430 kg vif. Dans ce système tout herbe, la totalité des réformes sont vendues finies et les broutardes sont repoussées.

Parcellaire réparti entre 20 propriétaires

Les parcelles utilisées appartiennent à pas moins de 20 propriétaires et Mathieu Chevalier dispose de deux stabulations opérationnelles et bien équipées (contention, caméra…) : l’une dans le bourg (20 génisses d’un an et 30 vaches) et l’autre sur un site indépendant à 2 kilomètres (24 génisses 2 ans à l’IA et 55 vaches).

Les premiers vêlages ont lieu dehors mis à part les génisses qui vêlent toutes en stabulation. Les premières femelles vêlées repartent ensuite dans les pâtures pour rentrer vers la mi-novembre, ceci dans l’optique d’économiser la paille. Au printemps, la mise à l’herbe a lieu mi-avril. Entre la campagne 2020 et 2021 - période de transition entre le cédant et le reprenant - l’IVV est passé de 381 jours à 406 jours et la mortalité de 7,6 % (casse sur jumeaux) à 2,7 %.

Vers plus de critères génétiques

Adhérent de Bovins Croissance de longue date, Richard Taillardat possédait quelques vaches inscrites. Mathieu Chevalier est quant à lui davantage attiré par le schéma Gènes Diffusion aux sources de recrutement basées sur la sélection génomique. Pour l’instant, malgré une majorité de mises bas en fin d’été et début d’automne, la campagne de vêlage se poursuit jusqu’en mars avec un creux en janvier février.

L’ambition est de faire évoluer cette conduite pour avoir un maximum de naissances en fin d’été et début d’automne et être ainsi en mesure de viser 100 % d’IA sur le troupeau. Dans le cadre de cet objectif, le recours à un planning d’accouplement est fondamental. Chaque année, il est réalisé avec Gilles Forge, son technicien Bovins Croissance Alsoni au vu des objectifs de sélection et des performances recueillies sur les veaux.

Toutes les femelles sont écornées entre 1,5 et 2 mois et Mathieu Chevalier leur amène tous les jours la nourriture au seau pour les familiariser à sa présence. Pour autant le gène sans cornes se diffuse lentement dans le cheptel au gré des accouplements. « En travaillant seul, la sécurité dans les interventions est primordiale c’est pourquoi la docilité est également un critère de sélection car vu le parcellaire, déplacements et tris des bêtes sont compliqués », souligne Mathieu.

Économie d’intrants : le défi de demain

En 2020, le premier exercice a été réalisé en « binôme » avec le cédant. Il a commencé par une sécheresse catastrophique. Elle a démontré les limites du système tout herbe face aux évolutions du climat. Lors des années sèches, quand la volonté est de finir une bonne part des animaux cela se traduit par beaucoup d’achats de concentrés, paille et fourrages.

Sur le plan fourrager, 2021 a été une excellente année ; mais le poste paille avec 150 tonnes achetées par an destinées à un paillage soigné des animaux (fumier et bien-être) pèse économiquement. L’agrandissement prévu à l’occasion de la reprise de la ferme des parents de Mathieu permettra la culture de méteil grain afin de fabriquer un aliment fermier pour les broutards et produire une partie de la paille.

Pour davantage d’autonomie fourragère, Mathieu est adepte du concept LVH (La vache heureuse) développé par une société française privée qui propose une approche novatrice de l’alimentation du bétail laitier au départ mais qui peut inspirer les allaitants. Son but est d’atteindre une indépendance fourragère (notamment autonomie protéique) tout en ménageant les sols et en limitant au maximum les intrants.

Par ailleurs, Mathieu Chevalier se lance donc dans un accompagnement collectif avec 12 de ses collègues dans le cadre d’un GI2E animé par le groupement Feder. Un audit de départ va prochainement être réalisé de même qu’un bilan CAP2ER pour évaluer les impacts de leurs élevages sur l’environnement. Les deux volets sociétaux et environnementaux font partie des thématiques auxquelles le jeune installé est très attaché avec le souci d’avoir des arguments chiffrés à mettre en avant auprès de nos concitoyens.

Mathieu est plein de projets mais très réaliste dans leur mise en œuvre. Il ne veut pas partir dans toutes les directions et il est surtout bien conscient que les changements génèrent aussi des investissements. Sa trésorerie, consécutive à son installation, lui impose de se donner des priorités, s’y tenir et prendre le temps de mûrir ses choix.

Chiffres clés

122 ha de SAU = SFP, système tout herbe parcellaire morcelé sur 103 parcelles cadastrales

420 m d’altitude en zone piémont de la Montagne Bourbonnaise

575 mm de précipitations en 2020, 760 mm en 2021

85 vaches allaitantes charolaises inscrites HBC

1 UGB/ha SFP

1 UMO

Gilles Forge, conseiller Bovins Croissance Alsoni

"Nous réalisons ensemble le plan d’accouplement"

Une transmission d'élevage Charolais hors cadre familial en Montagne bourbonnaise

« Un des points qui a rassuré Mathieu dans la reprise du troupeau, c’est que le cheptel avait été génétiquement travaillé sur la voie femelle pour bien vêler. C’est une sécurité pour ce jeune éleveur. Il poursuit le travail entamé de longue date par Richard au travers du plan d’accouplement que nous réalisons ensemble tous les ans à l’aide du logiciel Planning BC. La gestion de la consanguinité y est très opérationnelle. Nous regardons, une à une, toutes les vaches, leur morphologie et les performances de leurs produits avant de trouver d’un commun accord les taureaux les plus appropriés (pour la campagne 2020, l’ascendance paternelle « titrait » 104,3 en IFNais ; 105,3 en ISEvr et 109,2 en IVMat !)

Mathieu poursuit les fondamentaux initiés par son prédécesseur : aptitude au vêlage, lait… Il s’ouvre également à d’autres pistes comme le gène sans cornes, le gène culard, la qualité des trayons et celle des sabots. Autant de volets qui seront à l’avenir des 'plus' à travailler dans les accouplements. Peut-être même pourrait-il envisager le recours aux semences sexées dont les performances s’améliorent en allaitant. »

Relever le défi de la transmission

La transmission hors cadre familial est affaire de feeling entre le cédant et le repreneur. Face à la pyramide des âges des éleveurs, la chambre d’agriculture de l’Allier entend aider à relever le défi par la mise place d’un dispositif « accompagnement concrétisation - transmission ». 

Dans l’Allier, département où 46 % des surfaces agricoles sont occupées par l’herbe tandis que la part restante est essentiellement dévolue aux céréales et oléagineux, ils seront plus de 1 000 agriculteurs (majoritairement des détenteurs de cheptels allaitants) d’ici à 2026, à prendre leur retraite. Un chiffre qui représente 20 % des exploitations du département. Pourtant, seulement deux tiers d’entre elles trouvent un repreneur. Ce constat de la chambre d’agriculture l’a conduite à relever le défi de la transmission dans les meilleures conditions possibles, notamment si elle se fait hors cadre familial.

Pour Richard - 61 ans - le cédant, la réussite de la transmission s’est faite après mûre réflexion dès 55 ans sur son projet de départ en retraite. Ensuite, le défi de la transmission tient surtout en la connaissance du repreneur et sa profonde motivation. « Mathieu est venu me voir plusieurs fois et nous avons travaillé en binôme pendant un an. C’est le stage test mis en place par la chambre d’agriculture de l’Allier qui a permis de transmettre les pratiques et davantage nous apprécier », souligne Richard Taillardat.

Démarches administratives longues et complexes

« Par contre, les démarches administratives sont longues, complexes, d’autant plus que nous avons 20 propriétaires pour les parcelles et qu’il a fallu leur redemander jusqu’à trois fois des documents différents alors qu’une procédure rodée aurait dû tout grouper ! Ma plus grande appréhension était la crainte de voir disparaître le travail génétique engagé mais j’ai été vite rassuré par l’intérêt que Mathieu portait à l’amélioration du cheptel. De plus, je continue à voir les bêtes avec lui. »

Pour Mathieu - 37 ans - le repreneur, la réussite passe par le stage « installation – transmission » de prise en main de l’exploitation en « conduite accompagnée » pendant un an. Connaître les bêtes, les parcelles, les pratiques de mise à l’herbe, d’allotement, où se trouve le matériel de tous les jours, bref le fonctionnement intime de l’exploitation. « Mon expérience en service de remplacement et dans un groupement d’employeurs m’a bien aidé. Il me fallait parfois intervenir au pied levé dans une exploitation sans en connaître son fonctionnement. Avec Richard, j’ai souhaité m’inscrire dans la continuité et je ferais évoluer le système et les pratiques quand je serais plus autonome », précise le jeune installé.

« Comme Richard la procédure administrative m’a semblé bien lourde. J’avais en plus à gérer les problèmes de trésorerie liés à une reprise. L’aide de la région AURA sur ce point est un plus pour les nouveaux installés mais son efficacité est atténuée par la longueur des délais d’instruction. Ma principale appréhension fut de négocier les prix de reprise avec Richard (cheptel, matériel, bâtiments…), poursuit Mathieu Chevalier. D’un côté, il ne fallait pas spolier une vie de labeur pour constituer un capital de travail opérationnel, et de l’autre il ne fallait pas pénaliser une entreprise dès le départ par un poids excessif des charges structurelles. Mais là encore le relationnel avec Richard a été excellent sur ce sujet si délicat et nous sommes arrivés à un compromis satisfaisant pour les deux parties. »

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