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Un système d'élevage Salers vertueux et durablement compétitif

Le Gaec Panis a fait le choix d’une conduite économe qui ne pénalise pas pour autant les résultats techniques et s’avère efficace sur le plan économique. Cet élevage salers essentiellement naisseur situé au cœur des volcans d’Auvergne a déjà acté une démarche environnementale certifiée et vise désormais la neutralité carbone.

À Freix-Anglards, à une petite vingtaine de kilomètres au nord d’Aurillac, Angélique Lombard, Nicolas Panis et sa mère Claudine sont les trois associés du Gaec Panis. Le système est un classique du Cantal avec une partie du troupeau salers conduit en race pure (40 % des saillies) pour assurer le renouvellement et l’autre en croisement industriel (60 % des saillies) pour valoriser davantage le maigre.

Là où il diffère significativement, c’est d’abord sur sa remarquable maîtrise de la reproduction : sur les sept dernières années, le taux de gestation est de 97,5 %, l’IVV troupeau de 360 jours, donc pas de temps improductif, et le taux de mortalité naissance-sevrage de 5,6 % (2,3 % en 2020 !). Les vêlages sont répartis en deux périodes : à l’automne (d’août à octobre) et l’hiver (janvier à avril) pour étaler le travail et les sorties commerciales.

Angélique s’est installée en 2020 à la retraite de Bernard, le père de Nicolas. Elle est bien connue des éleveurs salers en tant qu’ex-chargée de communication au groupe salers Evolution, d’où sa vision très ouverte sur l’environnement de l’élevage tant syndical que sociétal. C’est d’ailleurs la raison de l’engagement du Gaec dans le projet Effiviande (1) pour valider et améliorer leur multiperformance : technique, économique, commerciale, environnementale et sociétale.

Des taureaux « maison »

Une autre particularité du Gaec est de n’utiliser que des taureaux maison. Une démarche à la fois économe (pas d’achat extérieur), sanitaire (pas d’introduction de maladies) et génétique par le choix de taureaux d’IA haut de gamme. « Pour les taureaux charolais, nous avons quatre vaches charolaises que nous inséminons chaque année avec un taureau de croisement industriel et nous gardons le meilleur produit mâle comme reproducteur. Dans ce lot, c’est un fils d’Eperon qui saillit. Eperon est idéal pour le croisement avec un IFnais de 118, une muscularité précoce de 118 et une finesse d’os de 114 qui donne des produits précoces, fins et conformés que demande le marché », indique Nicolas. 

Plus sensible aux aspects sanitaires, Angélique renchérit sur le fait que « le principe est le même pour le renouvellement salers car nous sélectionnons quelques-unes de nos meilleures vaches pour les inséminer avec les meilleurs taureaux de la race : Icare, Jaguar et Bronson en fonction des points à améliorer chez chacune d’entre elles. Nous gardons là aussi les meilleurs produits comme reproducteurs pour notre élevage. Avec ce principe nous concilions économie, sanitaire et génétique ». Toutes les velles « rouges » - une trentaine - sont conservées pour la reproduction. Le taux de renouvellement se situe à 18 % pour un âge moyen au vêlage de 34 mois actuellement.

Conforter l’autonomie alimentaire

Côté végétal, le compte y est aussi ! La production de céréales - semées sous couvert de prairies - en autoconsommation permet une autonomie énergétique significative pour la zone et la bonne teneur en matières azotées des fourrages (stade de récolte, part de luzerne et autres légumineuses dans les prairies) une très bonne autonomie protéique.

La gestion de l’herbe est rigoureuse avec une fertilisation minérale raisonnée, des sorties et rentrées à l’étable en fonction des conditions météo et du pâturage tournant y compris sur les parcelles d’estives situées à 45 km du siège de l’exploitation. Cela favorise une bonne productivité des prairies permanentes (55 % des surfaces en herbe) et des prairies temporaires (essentiellement des associations luzerne + dactyle) qui restent en place 6 ans.

Une moyenne de 2,62 tMS par UGB est utilisée en hiver dont 60 % sous forme de foin, 30 % d’ensilage et 10 % d’enrubannage. Autant de fourrages distribués avec méthode selon les besoins de chacune des catégories. Les broutards nés au printemps n’ont pas de complémentation et ceux d’hiver ont un peu d’aliment dans leur ration, mélangé à la céréale autoproduite.

Globalement, l’autonomie alimentaire sur le massique, l’énergétique et le protéique « titre » 94 % en ration 97 % sur le fourrage mais est plus faible sur le concentré : 57 %. En effet l’exploitation achète 43 % des concentrés. Le volet végétal a cependant deux talons d’Achille, les sécheresses qui se répètent avec une fréquence accrue et la non-couverture de la totalité des besoins en paille.

Un système naisseur performant

Mâles et femelles confondus, 80 % des bovins vendus sont des animaux maigres de moins d’un an avec une gamme de poids bien en phase avec ce qui est demandé par l’aval. Et 10 à 15 des 30 vaches réformées chaque année sont finies et commercialisées en label rouge salers dont le cahier des charges prévoit plus de 6 mois de pâturage, 330 kg de carcasse minimum classée U et R pour des animaux âgés de moins de 10 ans. Elles représentent 10 % des ventes. Un des objectifs de la démarche Effiviande est de proposer des systèmes répondant aux attentes du marché local et qui valorisent les ressources territoriales (ici l’herbe) tout en garantissant la rentabilité de l’exploitation. Ici, les résultats commerciaux sont bien en phase avec la demande du marché cantalien.

Afficher ce qui est fait sur un panneau

La méthode Boviwell répond à un triple objectif : sensibiliser les éleveurs et les techniciens d’élevage au bien-être animal, évaluer le bien-être des bovins sur une exploitation, identifier les points d’amélioration et les bonnes pratiques à largement diffuser.

« Nous avons un panneau à l’entrée de notre étable qui témoigne de nos efforts, notamment la certification HVE niveau 3*, le but étant de montrer au consommateur que les éleveurs de montagne ont des pratiques respectueuses de l’environnement. Car on assimile trop souvent et à tort élevage et pollution », indique Angélique. La haute valeur environnementale garantit que les pratiques agricoles préservent l’écosystème naturel et réduisent au minimum la pression sur l’environnement (sol, eau, biodiversité…)

Enjeux sociétaux et environnementaux

Dans ce contexte de performances techniques et commerciales optimisées, les résultats économiques sont supérieurs à la moyenne des fermes en réseau du Cantal mais le Gaec Panis tient à s’engager davantage.

« Sensibilisés par les enjeux environnementaux et sociétaux, nous voulons garantir l’avenir en allant plus loin dans l’autonomie, l’adaptation aux nouvelles donnes climatiques et écologiques tout en renvoyant une image positive de notre production », insistent Angélique et Nicolas. Déjà certifié haute valeur environnementale (HVE) niveau 3, le Gaec s’est engagé dans la démarche Effiviande, en réalisant deux diagnostics. L’un portant sur le bien-être animal avec la méthode Boviwell d’où il ressort que l’exploitation dans sa globalité a un niveau « excellent », la note maximale. L’autre en réalisant un bilan carbone avec la méthode CAP2’ER. Sur ce point, il en ressort que l’empreinte carbone nette du produit viande est de 9,6 kg eq CO2/kgvv, bien inférieure à la moyenne de 12,3 kg eq CO2/kgvv des systèmes naisseurs. Pour l’intégralité de l’exploitation, les émissions de gaz à effet de serre annuelles (957 t eq CO2) sont compensées à hauteur de 30 % par le stockage grâce aux haies et aux prairies (292 t eq CO2).

Pour diminuer cette empreinte, les leviers d’actions retenus sont la plantation de 300 mètres de haies, l’optimisation de l’âge au premier vêlage avec un objectif de 30 mois et la construction d’un nouveau bâtiment pour abriter tous les animaux en hiver. De plus, l’installation d’une centrale photovoltaïque de 2 x 250 kWc sera une contribution positive de l’activité agricole sans avoir cependant d’impact sur l’empreinte carbone de la ferme car l’électricité ne sera pas autoconsommée.

« Notre objectif aurait été de vendre du crédit carbone. À partir de ce bilan initial et d’un second, cinq ans après, toute diminution de gaz à effet de serre et toute augmentation de séquestration de carbone peuvent nous permettre d’obtenir un label bas carbone et vendre des 'crédits carbone'. Mais les bons résultats du Gaec en la matière et son peu de marges de progrès ne généreront rien de significatif au contraire de certaines exploitations où il y a beaucoup à faire, souligne Angélique un peu désabusée, mais cela a le mérite de conforter nos pratiques et de préparer l’avenir de nos enfants. »

Le Gaec Panis a bénéficié des financements du plan France relance. Dans le cadre de ce dispositif, une centaine d’éleveurs se sont engagés avec la chambre d’agriculture du Cantal qui a pour objectif d’en accompagner 134 d’ici avril 2023. Seules 22 exploitations se sont mobilisées à ce jour dans la vente de crédits carbone, étape supplémentaire après la réalisation du CAP’2ER et du plan carbone pour les éleveurs qui souhaitent s’inscrire dans un projet de 5 ans et être rémunérés pour la mise en place de pratiques bas carbone. 30 autres, a minima, s’engageront cet automne dans le cadre d’un projet de recherche et développement européen appelé Life carbon farming.

Yann Bouchard

Yann Bouchard, conseiller référence Inosys réseaux d’élevage, chambre d’agriculture du Cantal

"L’enjeu pour l’avenir : maintenir le cap !"

"Suivie en réseau d’élevage Inosys et étudiée dans le cadre du projet Effiviande, cette exploitation valide de nombreux critères de durabilité avec des performances avérées tant sur les aspects sociaux, environnementaux qu’économiques.

Un score excellent en bien-être animal : les animaux, observés dans le cadre du diagnostic Boviwell sont bien alimentés et abreuvés avec de bonnes conditions de logement qui n’occasionnent ni douleur ni blessure. Les comportements évalués en approchant vaches et génisses témoignent de bonnes relations homme – animal.

L’empreinte carbone brute témoigne d’une grande efficacité technique. Avec 16,2 kg eq CO2/kgvv d’émissions brutes, cette exploitation est en deçà de la moyenne observée dans le cadre du projet Life beef carbon.

La rigueur et le souci du détail des éleveurs permettent une gestion économique optimisée avec des revenus moyens supérieurs de 30 % à la moyenne des fermes suivies dans le cadre du réseau Sud-Massif central. Notons que l’investissement toujours contenu permet un niveau d’annuités à 30 % de l’EBE et une conduite économe de l’exploitation (les charges opérationnelles représentent 20 % du produit brut). L’autonomie, boostée par les cultures de céréales et de luzerne, est un des éléments clés de cette conduite. Dernier point notable, la productivité animale avec 337 kgvv/UGB, permise par des croissances satisfaisantes et une maîtrise de la reproduction et de la mortalité."

Chiffres clés

Gaec Panis

177 ha - 43 ha de surfaces pastorales (estive) -12 ha de grandes cultures

122 ha de surface fourragère principale dont 122 ha d’herbe

168 vaches salers, 202 UGB

1,27 UGB/ha SFP

3 UMO

Bâtiments : étable entravée de 44 places et stabulation de 73 places à l’attache et 84 en aire paillée. 50 animaux conduits en plein air intégral

Pluviométrie : 1 147 mm Altitude : 800 m

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