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AU Gaec Gobet, dans le Rhône
Un projet de vente directe rondement mené

Même s’il n’avait pas l’expérience de l’élevage, le couple s’est lancé dans un projet de vente directe de viande bovine. Deux ans après, ils ont déjà largement fait leurs preuves.

« Le premier hiver, tout le monde avait peur. Soixante vêlages à réaliser alors qu’ils n’en avaient jamais fait, c’était risqué, se souvient Jean-Claude Martin, conseiller bovins viande à la chambre d’agriculture du Rhône. Mais, aujourd’hui, plus personne n’a de doute sur leurs compétences. » Le technicien évoque le projet d’Élodie Sambardier et Florent Gobet, qui se sont installés en avril 2014, à Propières (Rhône). Une installation hors cadre familial d’un couple qui n’avait aucune attache avec le monde de l’élevage. Fils de viticulteurs, Florent avait travaillé 15 ans dans la mécanique. Élodie avait démarré sa vie professionnelle dans l’élevage équin. Le projet était centré sur la vente directe de viande(1) pour que « chacun ait son activité ». La rencontre avec deux éleveurs qui cessaient leur activité a été décisive. Le premier, Laurent Simonet, souhaitait se reconvertir mais a attendu un an et demi que le dossier d’installation du jeune couple aboutisse et que Florent fasse son BPREA et ses stages. Il leur a cédé 80 hectares et 50 vaches. Le second, Georges Giraud, son cousin, prenait sa retraite et libérait une quarantaine d’hectares avec un cheptel de 25 vaches.

« Démarrer avec un cheptel en production »

Heureux de voir leur exploitation reprise par des jeunes, ils ont cru au projet et les ont beaucoup épaulés, notamment pour les vêlages. Ils continuent à les aider pour certains travaux et pour la surveillance des animaux quand ils s’absentent. « Nous avons eu la chance de pouvoir démarrer avec un cheptel en production et nous avons attaqué la vente directe immédiatement », précisent les deux jeunes éleveurs. Le Gaec a investi 465 000 euros en reprise de cheptel, matériel et bâtiment, aménagement d’un laboratoire de découpe (12 000 euros)... « On s’est battu » pour financer ces investissements, disent-ils. Le CIC a pris le risque.

Les deux exploitations forment un bel ensemble de 126 hectares, dont 80 hectares groupés et deux autres îlots assez proches, dans le Haut-Beaujolais, une région de forêts et de prairies propice à la pousse de l’herbe avec ses mille millimètres de pluie par an. Pour l’instant, la partie cultivée se limite à 5 ha de triticale, 5 ha de maïs et 16 ha de prairies temporaires (mélanges suisses). « Il y a encore beaucoup de choses à réfléchir sur la conduite des surfaces », reconnaît Florent.

Deux génisses par mois en vente directe

Pas mal de tri a été fait pour homogénéiser les deux troupeaux Charolais. Il comporte aujourd’hui 75 vaches avec un renouvellement de 12 génisses par an. Les vêlages sont regroupés de fin août à fin décembre. L’éleveur voudrait supprimer les mises bas de début d’hiver car il ne maîtrise pas suffisamment bien les épisodes de diarrhées néo-natales (11 veaux morts l’an dernier). La reproduction fonctionne bien (362 jours d’IVV). Les génisses sont inséminées avec des taureaux à vêlage facile et les vaches saillies en monte naturelle. « Je surveille les chaleurs avec la caméra quatre fois par jour et je note tous les évènements, y compris les saillies par les taureaux, détaille Florent. À partir de début janvier, je fais échographier toutes les vaches. »

Toutes les génisses sont élevées et triées à deux ans : une douzaine pour le renouvellement et toutes les autres pour la vente directe (deux par mois depuis mars 2016). Elles sont abattues entre trois et quatre ans à 420 kilos carcasse en moyenne après un engraissement de trois mois en stabulation, sauf au printemps où elles sont finies au pré. Un cycle un peu long, mais « jusqu’à présent, les génisses qu’ils gardaient pour la viande ne convenaient pas du tout pour la reproduction. Elles ne pouvaient pas faire 400 kilos à trois ans. Dans quelques années, elles feront le même poids mais avec six mois de moins », justifie Jean-Claude Martin. Les veaux mâles sont pour partie vendus en broutards légers (300 kg à 7 mois) et pour partie en vente directe (9 en 2015). Des veaux rosés de 5-6 mois et 130 kilos carcasse élevés comme les broutards, sauf que ce sont les plus en état qui vont à l’abattoir. À l’avenir, l’éleveur souhaite alourdir les broutards (400 kg).

Des vaches en steak haché

Les vaches de réforme sont  engraissées depuis l’an dernier seulement car, jusqu’alors, trop vieilles et en bout de course, elles n’en valaient pas la peine. Quelques-unes (trois en 2015/2016) sont découpées pour faire du steak haché surgelé. « Nous récupérons les bons morceaux (rumsteak, aloyau) et le reste est expédié chez un prestataire (Corel en Isère), détaille Élodie Godet. Le steak haché est vendu à des collectivités et à des cantines de village, en caissette de trois kilos (25 steaks de 120 g) au prix de 10 €/kg. C’est un produit qui marche bien et se développe. »

La viande est vendue en colis de 5 ou 10 kilos à des particuliers, dans le secteur du Beaujolais, essentiellement sous forme de livraison. Un mode de vente qui permet d’écouler la moitié des volumes. Selon le poids du colis et la formule — hiver ou été avec les bas morceaux transformés en saucisses et merguez —, le prix de vente du bœuf varie de 12 à 13 €/kg. « Avant nous, il n’y avait pas de vente directe de viande dans le secteur et il n’y a pas de boucherie dans un rayon de 13 kilomètres. » Le veau est vendu essentiellement en colis de 6 ou 12 kg (15,50 €/kg).

« Nous faisons aussi des produits transformés »

Le Gaec sert également deux supérettes locales, avec de la viande au détail sous vide, deux restaurants et un magasin de producteurs, situé à 50 kilomètres, dans une zone urbaine (Lissieu), en périphérie de Lyon. Le magasin est approvisionné à la fois en frais et en viande sous vide. Les clients sont servis par les producteurs de permanence, qui découpent la viande. Un deuxième magasin, plus proche, devrait ouvrir l’été prochain.

Les animaux sont abattus à Charlieu (Loire), à 30 kilomètres. Le Gaec découpe une demi-carcasse par semaine. La première est récupérée après 10 jours de maturation et la seconde la semaine suivante. « Cela permet de décaler la DLC (date limite de consommation) et d’avoir moins de volume à gérer d’un coup », explique Élodie. Le couple prévoit de créer une deuxième chambre froide pour pouvoir récupérer toute la carcasse d’un coup. La découpe est effectuée par un boucher employé à la tâche. « Nous faisons aussi des produits transformés : terrines, bolognaise, lasagnes... La confection est sous-traitée à un laboratoire agréé », précise-t-elle.

Des génisses valorisées 6,4 €/kg et des vaches 4,70 €/kg

La vente directe permet de valoriser les génisses autour de 6,40 €/kg carcasse, une fois déduits les frais de découpe (1,40 €/kg). Il faut encore amortir le laboratoire et le camion frigo. « La vente directe nous permet d’avoir des rentrées d’argent toute l’année », apprécient les éleveurs. « Ils maîtrisent leur prix de vente et peuvent faire leur coût en fonction de ce prix », ajoute le conseiller. Les vaches transformées pour partie en steak haché (environ 70 % de la viande nette, soit 220 kg pour une carcasse de 420 kg) sont valorisées 4,70 €/Kg carcasse. Les frais s’élèvent à 2,40 €/kg, soit 1 000 euros pour une carcasse de 420 kg (600 € d’abattage et découpe, 400 € de transformation en steak haché). « Cela nous permet d’élargir notre gamme sans que cela nous prenne beaucoup de temps », souligne Elodie.

Porté par le marché, le couple prévoit de développer la vente directe. Toutes les génisses étant déjà valorisées, ils envisagent d’acheter des bêtes maigres pour les engraisser. Le veau pourrait se développer aussi. Cela supposerait sans doute d’avoir deux périodes de vêlages. Le niveau d’endettement de l’exploitation va rester assez élevé pendant quelques années encore. « C’est bien parti mais tout n’est pas encore gagné », conclut Jean-Claude Martin. Leur réputation de « bosseurs » n’étant pas usurpée, toutes les chances restent de leur côté.

(1) www.gaecgobet.fr

Aliments fermiers confectionnés au bol mélangeur

Quitte à avoir un bol mélangeur (14 m3), autant l’utiliser au maximum. La ration des vaches après vêlage comprend 6 kilos de foin, 5 kg (MS) d’ensilage d’herbe 4 kg (MS) d’ensilage de maïs, 200 grammes de tourteau et 70 grammes de CMV, ainsi que du sel à volonté. Jusqu’à présent, les veaux étaient complémentés avec un aliment du commerce. Cette année, l’éleveur prévoit de leur donner à partir du mois de mars un aliment fermier composé de foin (60 kg), mélasse (40 kg), céréale (400 kg) et aliment complet (500 kg). Il sera fabriqué une fois par mois et stocké au sol. Les génisses sont engraissées avec un aliment du même type (150 kg de foin, 50 kg de mélasse, 400 kg de céréale, 400 kg d’aliment à 24 % de MAT), rationné à 10 kg par bête et par jour, et avec du foin à volonté. « Cela me permet de réduire le coût de l’aliment de 100 euros par tonne par rapport à un aliment complet », estime Florent. « Nous cherchons à diminuer certains coûts, en travaillant en particulier sur l’alimentation », ajoute Élodie.

Chiffres clés

126 hectares dont 5 ha de triticale, 5 ha de maïs ensilage, 16 ha de prairies temporaires et 100 ha de prairies permanentes.
75 Charolaises
1,1 UGB/ha SFP
2,05 unités de main-d'œuvre
Avis d’expert

« Ils apprennent vite »

« L’installation d’Élodie et Florent est un beau projet. Un projet de vie, de couple... J’ai été agréablement surpris par leur capacité à acquérir, dans l’affaire d’un an ou deux, les compétences techniques pour la conduite du troupeau. Adhérents au contrôle de performance, ils apprennent vite. Florent est déjà en capacité de rechercher un type d’animaux comme il les aime. Il ne craint pas de demander leur avis à ses voisins, aux techniciens, collègues éleveurs... Il a son réseau. Quelques points de détails peuvent encore être améliorés, mais les fondamentaux sont acquis. Ils font naître des veaux, vendent des animaux... Au départ, la maîtrise de la reproduction était la priorité. Il reste encore du tri à faire dans le troupeau et à mieux maîtriser les vêlages de fin d’hiver. On pourrait gagner aussi 80 à 100 kilos sur les broutards. Il y a également une marge de progrès sur la conduite du pâturage au printemps. »

Jean-Claude Martin, conseiller bovins viande chambre d’agriculture du Rhône

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