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Un atelier d’engraissement collectif avec robot d'alimentation

En Haute-Vienne fonctionne un atelier d’engraissement doublement innovant. Il a été réalisé en commun sous forme de SCEA entre deux exploitations constituées en EARL. Il présente aussi la particularité de distribuer les rations grâce à un robot.

Quand on arrive sur l’exploitation de Régis Desbordes située à Meilhac en Haute-Vienne, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Limoges, on est d’abord surpris par le petit chemin bétonné avec une bande métallique fixée en son milieu qui serpente tout autour des stabulations. On voit ensuite un silo tour bleu de belle dimension. Enfin, si le coup d’œil est donné au moment opportun, il est possible d’apercevoir un robot d’alimentation rouge qui se déplace doucement d’un bâtiment à l’autre en faisant régulièrement des pauses dans la « cuisine », le temps de recharger les batteries à proprement parler et de regarnir le bol.

D’abord l’assolement en commun

« Nous avons toujours travaillé ensemble. D’abord pour les semis et la récolte des fourrages. On a ensuite décidé en 2012 de mettre en place un assolement commun à nos deux EARL. Simultanément, on réfléchissait à la possibilité d’aller plus loin et d’être plus efficaces pour finir nos animaux », expliquent Régis Desbordes et ses voisins Sébastien Sotte et Michel Orvain.

Les trois compères se connaissent de longue date. Les sièges de leurs deux exploitations sont à 3 km de distance et les parcelles des deux EARL peuvent être incluses dans un cercle de 6 km de diamètre. « On a – à quelque chose près – le même âge et les mêmes idées sur l’élevage, en estimant en particulier que dans des zones comme la Haute-Vienne, il est possible d’engraisser des bovins dans de bonnes conditions grâce au maïs, aux céréales et aux fourrages produits sur place avec par ce biais la volonté de maintenir de l’activité et des tonnages de viande finie sur le département. »

Avant la mise en place de l’atelier collectif, seul Régis Desbordes engraissait, comme son père le faisait avant lui, la totalité des bovins nés sur son exploitation. Associés dans le cadre d’une EARL, Michel Orvain et Sébastien Sotte finissaient eux seulement les femelles. « Nous arrivions à un moment clé pour nos exploitations. Nous avions la nécessité d’investir dans des bâtiments et du matériel pour faire perdurer cette activité et l’étendre à la totalité du bétail né dans nos deux élevages. On se disait : pourquoi faire des investissements chacun de notre côté alors que les réaliser en commun permettrait de faire des économies d’échelle avec de probables meilleurs résultats techniques », explique Régis Desbordes. « On estimait également que ce serait un atout pour nos emplois du temps en se libérant à tour de rôle de l’astreinte inhérente à toute activité d’élevage », ajoute Michel Orvain.

Atelier collectif sous forme de SCEA

La mise en place de cet atelier collectif sous forme de SCEA a été analysée comme la possibilité d’utiliser des équipements performants illustrés en particulier par le robot d’alimentation (voir pages suivantes). « Nous avons tous les trois la quarantaine et nous sommes à mi-chemin dans notre parcours professionnel. On a simplement mis en application ce que l’on avait imaginé au fil de nos discussions », résument les trois éleveurs. L’innovation à proprement parler réside dans la démarche qui a conduit à la réalisation de cet atelier et surtout à son mode de gestion.

La SCEA Engraissement collectif de bovins viande 87 (SCEA ECBV 87) a vu le jour en 2013. Cette année correspond également à l’édification d’une stabulation de 230 places. « On l’a construite sur le site de mon exploitation », explique Régis Desbordes. « Initialement on avait pensé la faire sur un lieu plus « neutre » donc plus isolé. Mais cela se traduisait par des kilomètres en plus et compliquait l’organisation du travail. »

Un second bâtiment de 80 places a été réaménagé deux ans plus tard dans de l’existant. Il est pour partie utilisé comme quarantaine pour le maigre provenant des deux exploitations ou achetés à l’extérieur avec également quelques cases de finition. « Mâles ou femelles, on fonctionne par lots de 9 têtes, avec grosso modo une moitié de bâtiment pour les mâles et l’autre pour les femelles." Les mâles sont finis en taurillons de 420 à 430 kg de carcasse, et côté femelles, l’atelier produit principalement des génisses Lyonnaises et des vaches de boucherie.

Un bâtiment d’engraissement dérogatoire

« On a deux numéros de cheptel pour ce site. Celui de mon exploitation et celui de la SCEA en Asda jaune », précise Régis Desbordes. Tout animal qui rentre dans le bâtiment de la SCEA est donc forcément destiné à l’abattage. Chacune des deux exploitations conserve en revanche son fonctionnement propre pour les deux cheptels naisseurs.

L’unité d’engraissement a été complétée par un silo tour d’occasion. « On achète 300 tonnes de maïs grain humide par an. On préfère vendre une partie de nos céréales à paille. On procède ainsi car cela contribue à améliorer notre autonomie en paille dont on reste déficitaire et pour laquelle on a contractualisé avec un négociant de l’Indre. De plus on cultive déjà une cinquantaine d’hectares de maïs. En semer davantage serait une contrainte côté temps de travail à une période où semis et ensilages d’herbe pèsent lourd dans notre emploi du temps. »

L’innovation repose également sur le choix de la mise en pension des animaux à l’atelier d’engraissement plutôt que de les vendre maigres à la SCEA. Ainsi, chaque EARL revend ses propres animaux et bénéficie de sa propre marge d’engraissement dont le résultat est très lié à la conjoncture et à leur potentiel. Mais la marge dépend aussi du coût de pension qui lui est apprécié en commun. Les coûts des aliments apportés sont appréciés à leur coût de production réel et non à un prix de marché. Pour cela les itinéraires techniques sont identiques pour les parcelles des deux EARL quelle que soit la culture concernée. Ce sont ainsi des coûts de fourrages et de concentrés identiques qui sont imputés au coût de pension auxquels se rajoutent les charges engagées directement par la SCEA et les coûts de matériel mis à disposition par les exploitations.

Compléter les volumes par des achats

En 2018, la SCEA a fini 475 bovins dont 280 étaient issus d’achat (principalement des JB et des génisses Lyonnaises). « Quand nous n’avons pas de maigre disponible sur nos deux exploitations respectives, que des cases sont vides et que l’on sait que l’on a suffisamment de fourrages et céréales en réserve, on se concerte pour savoir si on rentre des animaux de l’extérieur. La décision est prise après avoir recueilli l’avis du GLBV (Groupement limousin bétail et viande) avec qui nous travaillons. Mais notre objectif n’est pas de faire des volumes pour faire des volumes », souligne Sébastien Sotte. « Gagner 40 euros par tête, voire moins, sur un animal qui reste huit mois en atelier, on s’en lasse très vite. »

Et de rappeler également que cet atelier n’est pas compatible avec l’obtention de certaines aides. En effet, la double implication en tant qu’exploitant dans une SCEA et dans une EARL ne permet pas sur le plan réglementaire d’accéder au statut de Gaec sur les exploitations d’origine. Cela se traduit par la perte de l’accès à la transparence pour l’ICHN, la surprime aux 52 premiers hectares et le plafond des aides à l’investissement.

Vente directe et débouché de proximité

L’idée de travailler avec un débouché de proximité est évoquée. La dimension de l’atelier permettrait d’approvisionner en direct un magasin souhaitant travailler en circuit court directement avec des producteurs. « Sortir 2 à 3 génisses ou vaches toutes les semaines ne serait pas un souci. »

Pour l’instant, ces derniers mois ont été en grande partie consacrés à la mise en place du robot d’alimentation. La volonté est également d’aller chercher davantage d’autonomie alimentaire. Cela s’est déjà traduit par l’incorporation de davantage d’herbe dans les rations des femelles. Dans le même objectif, la volonté est de développer les surfaces en luzerne.

​Les deux EARL

L’EARL des Peyrades (Régis Desbordes) totalise 130 vêlages par an avec des premières mises bas à trente mois et deux périodes de vêlage strictement définies : avril à juin puis septembre à novembre
L’EARL du Coq au Bœuf (Michel Orvain et Sébastien Sotte) compte 90 vêlages par an avec un cheptel en cours d’évolution. L’objectif est d’avoir deux périodes de mises bas bien calées : début d’automne et fin d’hiver.

Distribution robotisée des rations

Les premières réflexions sur la mise en place d’un robot d’alimentation datent de fin 2015. « Notre mélangeuse était en fin de carrière. Au départ on avait émis l’idée d’acheter en commun une mélangeuse automotrice en Cuma qui serait allée de ferme en ferme avec un chauffeur salarié », explique Sébastien Sotte.

« Après cette hypothèse vite abandonnée, on a envisagé plus simplement de renouveler notre mélangeuse. » Mais cela se traduisait par l’obligation d’investir aussi dans un nouveau tracteur avec des heures de télescopique en Cuma et une bonne vingtaine d’heures de salarié chaque semaine. Sans négliger non plus le souci de trouver le salarié compétent et de s’organiser pendant les week-ends et les congés.

« Finalement on s’est dit : pourquoi pas un robot qui serait simultanément utilisé pour la partie engraissement et pour toutes les bêtes d’élevage de l’exploitation de Régis. On est allé voir des installations pour analyser le pour et le contre. On a rencontré la plupart des fabricants pour leur exposer notre projet et voir ce qu’ils pouvaient nous proposer. » Chacun a donné de bonnes idées. Sur l’exploitation les interrogations concernaient en particulier le positionnement de la « cuisine ». Elle devait être centrale par rapport aux stabulations existantes pour éviter les déplacements inutiles. Autre difficulté, les 14 m de dénivelé entre le couloir d’alimentation le plus haut et celui le plus bas sachant que pour être utilisé dans de bonnes conditions un robot doit circuler sur des plans inclinés avec moins de 5 % de pente.

Prouesse technique et 600 m de piste bétonnée

« La société Lely nous a proposé une solution intéressante. Son savoir-faire côté robots de traite avec le volet maintenance à distance 24 h/24, 365 j/an a favorablement penché dans la balance. On s’est dit : pourquoi pas et on s’est lancé », résume Régis Desbordes.

L’adaptation des abords des bâtiments à la circulation du robot s’est traduite par la réalisation de 600 m de piste bétonnée. Les 530 m de longueur d’auge dans les différentes stabulations desservies n’ont guère eu à être modifiées. Pour Lely, l’exploitation était aussi un prototype d’installation intéressante même si la complexité du circuit que devait emprunter le robot a été un vrai défi pour le fabricant. Mais si elle se soldait par un résultat à la hauteur des espérances des trois associés, sa réussite était une belle porte d’entrée pour d’autres réalisations en système « viande ».

Le robot a été mis en service le premier janvier 2018. « Au début on a forcément essuyé quelques plâtres. On a tous les trois une appli sur nos smartphones. Dès qu’il y a une alarme le robot nous appelle. À plusieurs reprises il nous est arrivé d’appeler le service maintenance à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Il a été à la hauteur. »

Mi-mars, il y avait neuf rations différentes. Les volumes et quantité distribué devant l’auge de chaque case sont reprogrammés au fil de l’évolution des besoins des animaux pour avoir une bonne finition et en fonction des arrivées et départs pour reprogrammer les besoins pour chaque case.

La cuisine est remplie pour un mois pour les fourrages grossiers secs (paille et foin) et tous les trois à quatre jours pour les ensilages (maïs et herbe). Maïs grain humide, céréales et complémentaire arrivent par l’intermédiaire de vis, situés en prolongement du silo tour et de son broyeur ou des cellules.

Côté tarifs les trois associés entendent rester discrets. « Disons que la dépense engagée est du même ordre de grandeur que celle qu’il aurait fallu réaliser si on avait choisi d’opter pour l’achat d’un tracteur, d’une mélangeuse, et d’heures de télescopique en Cuma auxquels se seraient ajoutées 20 heures par semaine de main-d’œuvre salariée. Et d’ajouter « avec une mélangeuse on a deux moteurs qui brûlent du gasoil tous les matins. La facture d’électricité du robot est plus avantageuse. »

Les trois associés estiment ne pas avoir pour l’instant suffisamment de recul pour juger de l’évolution des performances de leurs bêtes à l’engrais. « Une certitude, on est plus précis dans les rations. Auparavant on faisait trois mélanges différents par jour pour l’engraissement et les animaux n’étaient nourris qu’une fois par jour. Maintenant le bol vient les nourrir deux à trois fois par jour. La ration est forcément plus appétente et plus finement calée par rapport à leurs besoins. »

Après, travailler avec un robot est un autre métier. « On passe davantage de temps à observer. Mais après quinze mois d’utilisation, on ne regrette rien. On a eu beaucoup de visites : des groupes d’éleveurs, des lycées agricoles… Chaque fois que l’on discute avec des éleveurs ou futurs éleveurs qui envisagent de construire un futur bâtiment on leur conseille d’intégrer dès le départ la possible installation d’un robot. On ne sait jamais. Lorsque nous avons construit notre bâtiment d’engraissement en 2013, jamais on aurait imaginé que cinq ans plus tard la distribution de la ration serait robotisée. »

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