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Trop peu valorisés, les broutards sont moins nombreux

Le prix du maigre a gagné quelques centimes en fin d’été mais ne progresse pas dans les mêmes proportions que les femelles finies. Il en faudrait davantage pour compenser la hausse du prix des intrants et redonner envie de faire naître davantage de veaux.

Déchargement de broutards français dans un atelier italien - En Italie, la conjoncture actuelle est favorable avec des niveaux de prix nettement plus élevés que ce qui est habituellement pratiqué à cette période de l’année.
Déchargement de broutards français dans un atelier italien - En Italie, la conjoncture actuelle est favorable avec des niveaux de prix nettement plus élevés que ce qui est habituellement pratiqué à cette période de l’année.
© F. d'Alteroche

Après sa plongée en fin d’été dernier, le prix du maigre semblait enfin vouloir reprendre quelques centimes en août, mais il était pour autant encore très loin d’atteindre ses tarifs de l’automne 2018. « La hausse du prix du baby a contribué à retendre le marché. Les abattages de JB sont en recul en Allemagne et en Pologne où les prix ont nettement progressé depuis le début de l’été. Et en Irlande, l’élevage bovin s’oriente plus vers le lait que la viande », souligne Yves Jehanno, responsable commercial export pour le groupe Feder.

Lire aussi : Profiter d’une conjoncture plus favorable à la viande bovine pour bâtir un vrai projet de filière

À côté du recul ou de la stagnation du nombre d’animaux finis dans ces deux pays, le sexage de la semence pourrait commencer à avoir un très léger impact dans la mesure où en Pologne comme en Allemagne, une forte proportion des taurillons sont issus de veaux laitiers. Mais c’est d’abord la dynamique de la consommation dans plusieurs pays européens qui contribue à stimuler les prix.

Loi de l’offre et de la demande

L’habituelle loi de l’offre et de la demande fait donc progresser les prix des JB en Europe. Pour autant, cette évolution est contrastée selon les principaux pays producteurs. La hausse du prix du JB français est timide. Elle est nettement plus dynamique en Italie depuis le début de l’été et incite les engraisseurs italiens à reremplir sans tarder leurs ateliers quand leurs cases se vident en favorisant cette légère tension sur le prix du maigre.

Côté chiffres, les données rapportées par FranceAgriMer (voir graphique) pour le prix du broutard sont proches des cotations pratiquées sur les différents cadrans situés dans le bassin charolais. « Pour nos quatre marchés du mois d’août, le prix moyen des charolais U de 400 à 450 kg était de 2,63 euros du kilo cette année, pour un poids moyen de 418 kg contre 2,42 euros et 426 kg en août 2020 et 2,67 euros pour 426 kg en 2019 », précise Martial Tardivon, chef des ventes du cadran de Moulins-Engilbert, dans la Nièvre. Les évolutions sont similaires à Chateaumeillant dans le Cher. « Pour du charolais U de 400 à 450 kg nous étions à 2,38 euros du kilo l’an dernier la dernière semaine d’août et 2,63 cette année en semaine 34 », ajoute son chef des ventes Jérôme Chartron.

L’impact de la décapitalisation

Si les tarifs des taurillons finis sont la première explication à mettre en avant pour cette plus grande fermeté du prix du maigre français, le contexte de l’année en cours est aussi bien différent. Les effets de la décapitalisation du cheptel allaitant initiée à l’automne 2017 se font clairement ressentir. Son impact est très net dans la zone charolaise du centre de la France. « On ne peut que constater ce que l’on pressent et dénonce depuis plusieurs années. Il y a une nette érosion des effectifs », déplore Martial Tardivon. La météo du printemps puis du début de l’été 2021 a aussi un impact important. « Les éleveurs ont pu reconstituer des stocks, lesquels sont parfois confortables et les ensilages de maïs s’annoncent souvent exceptionnels. C’est un bon point pour le moral des éleveurs et évite de précipiter les sorties », souligne Jérôme Chartron.

Lire aussi : Des broutards aux GMQ plus autonomes avec le pâturage tournant

« À l’inverse, en juillet 2020 on subissait notre troisième année de sécheresse consécutive. Certains de nos clients de l’Ouest, au lieu de nous acheter du maigre pour compléter leurs lots, avaient été contraints de vendre une partie de leurs mâles en broutards faute de stock pour les engraisser, explique Martial Tardivon. D’un côté on avait moins d’acheteurs et de l’autre, davantage de marchandise à vendre avec globalement moins de clients à qui les proposer. » Les Italiens en ont forcément tiré parti.

Malgré la hausse du prix des céréales et des tourteaux qui pourrait refroidir les ardeurs de certains engraisseurs, ces observateurs de la conjoncture du bétail maigre font globalement état d’un optimisme mesuré en ce début de campagne. Pour autant ils sont unanimes pour souligner que le prix du JB italien comme français doit continuer à nettement progresser pour permettre au prix des broutards de retrouver des tarifs proches de l’automne 2018. « C’est indispensable avec la progression des prix de tous les différents intrants ! », rappelle Martial Tardivon.

« Sur notre secteur, le moral des éleveurs tendait à s’améliorer, mais c’est bien fragile. La hausse du prix des broutards couvre tout juste la hausse du prix de l’aliment. Nos apporteurs accusent le coup face à ces hausses », souligne Guillaume Lajudie, chef des ventes du marché au cadran des Hérolles, dans la Vienne. « Heureusement pour nous, le commerce est actuellement actif pour les bonnes vaches et génisses limousines bien finies. »

Les évolutions de prix à retenir pour les JB italiens et les broutards français

En Italie, le prix des JB allaitants a été nettement plus élevé pratiquement tout l’été à ce qui est habituellement pratiqué à cette période de l’année. Et cette hausse s’est appliquée à des broutards achetés globalement assez bon marché au cours de l’hiver et du début du printemps dernier.

En France, la baisse des cours du maigre est aussi une des conséquences de la pandémie du Covid. Le prix du JB italien a été fortement déprécié tout au long du deuxième semestre 2020, conséquence d’une fermeture des restaurants et d’une pression plus forte des JB espagnols ou polonais dans les GMS italiennes seules ouvertes.

Des laitonnes toujours plébiscitées

Le marché de la laitonne pour l’exportation continue à être actif avec des prix au kilo similaires à celui des mâles et les dépassant même parfois. « La demande des Italiens pour les femelles ne faiblit pas. Certains ateliers ont basculé du mâle vers la femelle. C’est très lié à la demande de la grande distribution italienne qui continue à prendre des parts de marché à la boucherie artisanale. », souligne Yves Jehanno. Et ces enseignes tendent à mettre de la viande de génisses en tête de rayon permettant ainsi de mieux les valoriser sans occulter pour autant les particularités propres aux carcasses de ces génisses : poids de carcasse modéré, qualité de viande, meilleur persillé et quasi-absence de surprise côté tendreté.

Net recul des effectifs de taurillons d’herbe

Les différentes catégories de mâles maigres présentes sur le marché tendent — au moins sur les zones « charolaises » et « rustiques » — à se recentrer sur les broutards lourds et broutards repoussés vendus autour du sevrage ou après une période de repousse en bâtiment autour de 400 à 450 kg vif. « À la Sicafome, on a encore quelques lots de taurillons d’herbe, mais c’est une catégorie qui a très nettement tendance à se raréfier. » À côté d’un contexte commercial pas toujours favorable, les sécheresses ont clairement eu un impact avec au printemps priorité souvent donnée à la constitution des stocks plutôt qu’au pâturage de cette catégorie d’animaux.

Pas de recapitalisation en vue côté cheptels

« Dans les vaches charolaises finies, il faudrait au minimum 4,50 euros du kilo carcasse et entre 2,8 et 2,90 euros du kilo vif pour les broutards de 400 kilos et ceci sur une longue période pour prétendre espérer inverser la décapitalisation en cours dans les cheptels allaitants », estime Jérôme Chartron. « On ne reviendra pas aux effectifs d’il y a quelques années. Si le bétail arrive à ces niveaux de prix, cela permettra simplement de limiter l’érosion. Il faudrait atteindre au moins ces tarifs sur une longue période pour inverser la tendance actuelle. Ce n’est pas gagné ! Je ne suis pas forcément pessimiste pour les prix des animaux mais je le suis clairement pour les volumes ! », ajoute Martial Tardivon en soulignant que ces prix devront être encore confortés si le niveau des charges continue à progresser. Pour Yves Jehanno, le mal est plus profond et, au moins dans la zone charolaise, il est très lié à la dimension atteinte par certaines exploitations. « À mon avis, le cheptel allaitant français ne retrouvera pas les effectifs du printemps 2017, avant le début de la décapitalisation. C’est surtout un problème de reprise pour des élevages totalisant parfois plus de 100 à 120 vêlages par UTH. Il n’y a plus de jeunes pour reprendre ce type de structures. Bien des fils d’éleveurs sont eux-mêmes devenus plus réticents. »

Qualité du parcellaire

Dans le sud du Cher et les zones limitrophes, une proportion importante d’éleveurs de plus de 50 ans à la tête de structures pourtant viables et saines (80 à 100 vaches pour 130 à 160 ha de SAU) n’auraient pas de successeurs déclarés. « Les repreneurs potentiels sont intéressés uniquement si le parcellaire est bien restructuré. Mais dès qu’il est peu éclaté, cela tend à partir à l’agrandissement. » Les trois dernières sécheresses ont favorisé ce phénomène avec des éleveurs qui ont choisi de conforter légèrement leurs surfaces pour gagner en autonomie alimentaire.

Le blé fait plus de « blé » !

Dans les zones intermédiaires, l’actuelle progression du prix des céréales pourrait inciter à cultiver quelques hectares supplémentaires. Entre un hectare de blé et un hectare de prairie valorisée par des vaches allaitantes, le temps de travail et l’astreinte de ce dernier pourrait faire pencher la balance vers le grain et non vers la viande, risquant là encore dans un proche avenir de contracter les disponibilités en broutards. « Dans nos zones de polyculture-élevage, la part des cultures peut souvent légèrement progresser. Même des agriculteurs pourtant éleveurs dans l’âme mais voyant le cap de la retraite approcher pourraient être incités à lever le pied côté cheptel pour conforter la place des cultures », souligne Jérôme Chartron. Les évolutions du climat favorisent cette remise en question.

Développer la contractualisation pour le maigre

Le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a confié à Gilles Vanackère, médiateur de la Coopération agricole, une mission visant à promouvoir la contractualisation obligatoire des jeunes bovins et broutards et d’en analyser les freins. Le médiateur doit identifier avec l’interprofession les actions à planifier (formations, déplacements…) pour accélérer la mise en place de la contractualisation, proposer un plan d’actions, ainsi que formuler des propositions. La date du 1er janvier 2023 est évoquée pour la mise en place de cette contractualisation obligatoire. Laquelle devra aussi logiquement forcément être élargie à l’Italie dans la mesure où ce pays engraisse un peu plus de la moitié des bovins maigres issus du cheptel allaitant français et de ce fait un rôle prépondérant pour établir le prix des broutards et laitonnes nés en France.

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