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Recherche en viande
Tendreté et goût sont des priorités

Différents acteurs de la recherche et de la filière viande se sont dernièrement réunis à Clermont-Ferrand pour confronter les attentes des uns aux thématiques de recherche des autres. Voici un condensé de leurs discussions.

côtes de boeuf
© F.Alteroche

Quel est l’avis des professionnels de la viande et de l’élevage sur les projets de recherche et quelles sont leurs préoccupations ? Pour débattre de ces sujets, les principaux acteurs de l’aval se sont réunis mi-décembre autour d’une table à l’initiative du CReA Viande (Consortium de recherche Auvergne-Rhône-Alpes pour la viande de ruminants). Améliorer la tendreté doit plus que jamais faire partie des priorités. Sur les muscles vendus tranchés, c’est le premier critère mis en avant par le consommateur. Un client déçu n’est heureusement pas forcément perdu mais il rechigne à réitérer son acte d’achat et se laisse plus facilement séduire par les produits hachés qui eux sont forcément toujours tendres. « Les animations en magasin sont instructives. Les consommateurs ne veulent plus être déçus. Ils veulent pouvoir retrouver 52 semaines par an la même qualité », expliquait Marie-France Nigay, responsable de l’approvisionnement en gros bovins des outils d’abattage du groupe Sicarev. « Ils veulent avoir la certitude que ce qu’ils ont acheté sera tendre et bon. »

Les abatteurs attendent donc encore et toujours l’outil qui leur permettra de prédire la réelle tendreté des muscles d’une carcasse. Quand il sera disponible, l’objectif sera ensuite de déterminer les différents itinéraires techniques de production qui permettent d’obtenir avec un maximum de régularité l’animal idéalement tendre. Quelle génétique ? Quelle alimentation ? Quelle conduite d’élevage ?

Pouvoir prédire des muscles garantis tendres

Tous les muscles ne seront pas forcément idéalement tendres sur une même carcasse, mais l’objectif est d’en maximiser la proportion. Les autres prendront la direction du hachoir. La tendreté insuffisante et surtout trop irrégulière d’un animal à l’autre contribue d’ailleurs à accroître sur les carcasses la proportion de muscles destinés à la production de haché. Ce débouché ne cesse de progresser dans la mesure où il est attisé par une demande croissante pour ce mode de présentation du fait du prix auquel est vendu ce produit, associé à l’évolution des habitudes alimentaires.

Tout avantage ayant forcément des inconvénients, ces possibles outils prédictifs de la tendreté laissent planer certaines interrogations sur le mode de détermination du prix des carcasses dont les muscles seront insuffisamment tendres. Ce critère ne reposerait plus sur la seule grille Europ prenant en compte conformation et note d’état. Même s’il est modestement conformé, le prix au kilo d’un animal « tendre » pourrait alors être supérieur à celui d’un animal « dur » mais mieux conformé. Autant d’évolutions qui ne sont pas pour l’instant d’actualité mais qui n’ont pas fini de susciter moult discussions au sein des différentes familles de l’interprofession.

Le volet génétique a également un rôle important à jouer. « Les schémas de sélection des principales races allaitantes françaises n’ont jusqu’à présent pas été bâtis pour permettre une amélioration intrinsèque des qualités du muscle mais pour répondre aux attentes des éleveurs : amélioration du potentiel de croissance, du format, des qualités maternelles… Le taux de collagène des muscles a eu tendance à augmenter. Il n’est pas trop tard pour inverser la tendance mais il faut s’en préoccuper rapidement », ajoutait David Girardon, responsable achat pour l’abattoir du groupe Bigard de Villefranche-d’Allier.

Tendre mais aussi goûteuse

La tendreté est une chose, la saveur en est une autre. Le goût d’une viande est conditionné par le niveau de persillé, lequel a d’ailleurs lui aussi un impact sur la tendreté de la viande. « Le consommateur est malheureusement peu cohérent sur ce critère. Il va se régaler avec le morceau bien persillé qui lui est servi cuit dans une assiette mais, dans le magasin, il va rechigner à acheter la barquette avec la même entrecôte parce qu’elle lui paraît trop grasse. C’est aussi pour cela que certaines présentations commerciales qui cachent la viande vendue ont du succès », ajoutait Raphaël Colas, responsable du groupe coopératif Feder pour le site de Villefranche-d’Allier.

Pour gagner des parts de marché face à la concurrence, la viande française doit être en mesure de faire mieux que soutenir la comparaison face à la viande importée. Attention en particulier à la viande irlandaise dans la restauration commerciale. Il s’agit là aussi d’un produit issu de cheptels allaitants avec une belle image d’animaux élevés à l’herbe, des poids carcasse et des dimensions de muscles bien en phase avec les attentes de ce débouché.

Carcasses plus homogènes

Dans le même ordre d’idée, pour permettre à la viande française de gagner des parts de marché à l’exportation, les abatteurs souhaiteraient pouvoir disposer de produits plus homogènes. « Quand on va dans les frigos d’un abattoir italien, on a l’impression que les carcasses de baby sont faites au moule. Ce sont quasiment toutes les mêmes. Dans un frigo français, c’est nettement plus hétérogène côté poids, conformation, niveau de finition et couleur de viande », soulignait Marie-France Nigay.

Cet état de fait est très lié à la dimension des ateliers d’engraissement. En France, le grand public et une partie des éleveurs ne sont pas favorables à la mise en place de fermes de plus grande dimension et donc d’unités d’engraissement dont la taille serait proche de celles des deux principaux pays (Italie et Espagne) qui nous achètent le bétail maigre. Et comme les législateurs n’ont pas envie de déplaire aux citoyens, ils agissent en conséquence et limitent la dimension des ateliers. Faut-il s’étonner dans ces conditions de voir ces deux pays être à même de produire des carcasses plus homogènes correspondant mieux aux attentes de leurs enseignes de la grande distribution en travaillant pourtant à partir de la même génétique puisque l’essentiel des animaux qu’ils engraissent ont été achetés en France ? « Quand, sur une tuerie, nous abattons 150 JB, on a au moins 25 fournisseurs. Pour le même nombre de carcasses, certains abatteurs italiens en ont souvent seulement quatre ou cinq », soulignait Marie-France Nigay.

Les attentes de l’amont

Éleveur dans la Loire, Philippe Plasse a synthétisé certaines des attentes des éleveurs. Il a d’abord rappelé les gains de productivité considérables réalisés dans les élevages allaitants au cours de ces quarante dernières années. Gains de productivité en grande partie captés par l’aval. Il a aussi rappelé la durée des cycles de production en système allaitant. « Une vache abattue à sept ans a été « imaginée » sur le plan génétique pratiquement 10 ans en amont. Il ne faut pas oublier la réalité de ces délais. »

Ses attentes vis-à-vis de la recherche portent forcément sur les techniques de production. Elles sont pour partie liées aux évolutions du climat : sécurisation de la constitution des stocks fourragers, irrigation, nouvelles espèces fourragères à même de pousser en conditions plus limitantes et/ou dont la valeur alimentaire serait plus stable dans le temps de façon à allonger la saison de pâturage. Le souhait serait ensuite de disposer d’outils permettant de mieux planifier le calendrier de sortie des bovins finis et mieux répondre en cela aux attentes de l’aval.

Le double regard de la société sur le métier d’éleveur

Philippe Plasse n’a bien entendu pas passé sous silence les problématiques sociétales. « Nos concitoyens ont un double regard sur notre métier. Le premier est sympathique. C’est la vision positive d’un métier reflet de la tradition et de la solidité du monde rural. Le second l’est beaucoup moins. C’est cette défiance croissante vis-à-vis des évolutions de l’agriculture. Cela pèse sur le moral des éleveurs. D’ailleurs, chaque fois que l’on discute entre nous, ces sujets reviennent très vite. On veut comprendre le « pourquoi » de cette évolution d’une partie de la société vis-à-vis de notre métier d’éleveur. Pourquoi ce fossé s’est creusé et quelles sont les solutions pour nous aider à le combler. »

 

EN SAVOIR PLUS

Le Consortium de recherche Auvergne-Rhône-Alpes pour la viande de ruminants a été créé en 2017. Il regroupe différents partenaires de l’amont et de l’aval, de la recherche et de l’enseignement. Ses objectifs sont de renforcer le dialogue entre partenaires de la filière et de structurer des actions de recherche et développement au sein de la région.

 

Composer avec la forte progression du haché

Pour l’aval comme pour l’amont de la filière bovine, un des faits marquants de ces dernières années est le développement de la part des muscles d’une même carcasse destinée à être transformée en steaks hachés. « Les plus gros vendeurs historiques de steak haché ont été les chaînes de restauration rapide. Désormais ce produit est omniprésent dans tous les circuits de distribution », soulignait David Girardon. Il contribue largement à soutenir les niveaux de consommation. L’innovation sur le steak haché, c’est le poids des portions, le grammage, les différents moulages utilisés pour mieux séduire les enfants…

 

Une des difficultés actuelles sur ce créneau découle de l’absence de finition de la quasi-totalité des laitières qui passent du jour au lendemain du quai de traite à l’abattoir. Il y a quinze ans, la problématique du steak haché était souvent liée à de trop fortes disponibilités en viandes grasses, c’est désormais plutôt l’inverse. Aujourd’hui les abatteurs tendent à être excédentaires en viande maigre et déficitaire en Capa et lèvent la main côté émoussage. Qui plus est, cette croissance du steak haché tend même à remettre en cause le rééquilibrage anatomique de l’animal. « Avant, on aurait souhaité des vaches avec deux arrières et un avant et maintenant, on les voudrait presque avec un arrière et deux avants ! » résumait avec humour David Girardon.

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