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S’unir pour enrayer la baisse de la consommation

Suppression des antibiotiques, broutards castrés... le Président de Parma France suggère d’étudier de nouvelles voies pour stopper la baisse de consommation de viande bovine en Italie.

De 28 à 18 kilos par habitant en moins de dix ans ! La baisse de la consommation de viande bovine en Italie a été spectaculaire. « À l’époque, 50 % de la viande consommée en Italie était d’origine étrangère, explique Egidio Savi, président de Parma France. Les achats de viande à l’étranger ont fortement baissé parce que les Italiens cherchent de plus en plus à consommer de la viande produite en Italie. C’est ce qui a permis de maintenir l’élevage. »  L’Italie est confrontée comme la France à des attaques anti-viande. « Nous travaillons avec la grande distribution afin de trouver la bonne voie pour arrêter la baisse de la consommation de viande », révèle Egidio Savi. Et de tracer les deux pistes de nature, espère-t-il, à ramener  les consommateurs vers le rayon viande, tout au moins les dissuader de le déserter encore plus : l’éthique et la qualité. Concernant le premier volet, il y a d’abord le bien-être animal. « Aujourd’hui, les élevages qui restent sont très avancés dans le bien-être animal », assure le fondateur de Parma France. « Nous sommes sous pression pour donner les meilleures conditions de vie aux animaux. Même les petits éleveurs comprennent qu’il faut des étables propres, bien ventilées, des animaux au sec. Les fils électriques au-dessus des bêtes, c’est fini », appuie Gian-Pietro Borgogna, son directeur commercial.

Viande garantie sans antibiotique

L’autre enjeu éthique qui émerge en Italie, c’est celui des antibiotiques. Le pays est un des plus touchés par l’antibiorésistance. Ainsi, Coop Italia commence à demander de la viande garantie sans traitement antibiotique. « Il faudrait que les veaux soient vaccinés (deux mois après la naissance, suivi d’un rappel) par les éleveurs français pour les immuniser, précise Egidio Savi. Ce qui éviterait aux engraisseurs italiens de faire des prophylaxies systématiques à l’arrivée et leur permettrait de vendre des babys déclarés sans antibiotiques. Seuls les veaux malades seraient traités et envoyés dans une filière différente. La France devrait y réfléchir sérieusement parce qu’il n’y a pas que les consommateurs italiens qui demandent cela. Ce serait une bonne réponse au marché. » Le président de Parma France reconnaît néanmoins que « la façon d’aborder le problème n’est pas encore claire. Il faut une stratégie commune ». Le protocole de certification n’est pas le moindre des enjeux. Mais l’absence de traçabilité des traitements réalisés en France, qui engendre l’administration de médicaments sans cohérence avec ce qui a déjà été fait, est un véritable problème, aussi bien sur le plan sanitaire qu’économique, insiste-t-il. Et d’anticiper : « dans quatre ou cinq ans, tous les animaux qui viendront de France seront vaccinés ».

Des broutards castrés et écornés

Sur la qualité, Egidio Savi n’y va pas non plus par quatre chemins. « Les consommateurs italiens mangent moins de viande mais veulent manger de la bonne viande, comme les Français, assène-t-il. Le baby, ce n’est pas de la bonne viande. Elle est belle à voir mais pas bonne à manger. Les ventes de babys ont baissé de 20 à 30 % depuis trois à quatre ans, alors que la demande en génisses augmente régulièrement parce que la viande est meilleure. C’est un gros sujet que nous devons affronter. Il faut changer tout le système d’engraissement des babys. » La grande distribution demande des animaux de plus en plus jeunes, de 15 à 18 mois, pour la taille des muscles mais aussi dans l’espoir d’offrir une viande plus proche de celle du veau. Mais c’est faire fausse route, estime Egidio Savi, car il est impossible de faire des animaux si jeunes avec des broutards qui ont déjà 12 à 15 mois. « Le top serait de n’avoir que des animaux castrés, dès la naissance, pour la qualité de la viande, et écornés, comme dans les pays anglo-saxons. L’âge ne serait plus un problème parce que la viande serait très bonne. On pourrait les abattre à 2 ans ou même plus. Nous achetons quelques Angus castrés en Irlande. La viande est excellente. Nous interrogeons nos interlocuteurs français sur le sujet. On nous répond qu’ils profiteraient moins et que ce serait moins rémunérateur. Mais, nous arriverions à mieux les valoriser et à payer plus cher les broutards pour compenser la baisse des croissances. Ce serait un saut qualitatif énorme et cela améliorerait les conditions d’élevage. Il faut vraiment y réfléchir. » Cette demande concerne surtout les broutards charolais, croisés et salers, précise-t-il. Les Limousins, avec des carcasses plus petites, sont plus facilement valorisés.

Mettre des moyens en commun pour communiquer

Egidio Savi invite Français et Italiens à s’unir pour contrer la baisse de la consommation de viande en Italie. « Nous devons continuer à travailler ensemble, parce qu’il y a encore des possibilités pour développer la production de jeunes bovins. Interbev et Assocarni (NDLR : association qui regroupe les industriels italiens de la viande) devraient mettre des moyens en commun pour expliquer aux consommateurs italiens ce qu’il mangent, leur dire qu’on leur offre la meilleure qualité de viande au monde, parce que le top de la génétique est en France et le top de l’engraissement en Italie. Les pays tiers ne sont pas fiables et représentent des volumes dérisoires. Le meilleur système, ce sont des animaux nés en France et engraissés en Italie. Les éleveurs français devraient pousser dans ce sens. Si on faisait vraiment de la publicité en Italie, on pourrait revenir à un million de têtes par an. »

Les exportateurs dans l’expectative sur les antibiotiques

En France, tout le monde en parle mais personne ne sait vraiment de quoi il en retourne. De quoi s'agit-il ? Des antibiotiques. Que veulent les Italiens ? Des animaux sans antibiotique ? Sur quelle période de leur vie ? Ou seulement des broutards traités et vaccinés avant leur départ de France ? Contre quelles pathologies ? Qui formule ces demandes ? Coop Italia seulement ? Quelles garanties vont-ils exiger ? Qui va en payer le coût ? Une réunion des exportateurs français, organisée par Interbev, le 19 juillet dernier, sans les opérateurs italiens, n’a pas éclairci les choses. « Les attentes italiennes sont nébuleuses, regrette Virginie Motta, directrice d’Elvea Acequal Rhône-Alpes. Tout le monde se regarde en attendant que le premier prenne l’initiative. » « On sent une réelle volonté en Italie de produire des bovins ayant reçu le moins d’antibiotique possible et de communiquer sur le sujet comme cela a été fait avec le non-OGM, constate Michel Fénéon, directeur commercial d’Eurofeder. On l’entend aussi de plus en plus en France. On est un peu sur le qui-vive parce qu’on ne sait pas de quelle manière ils veulent le mettre en place et à quelle échéance. »

« Faire du zéro antibiotique est très compliqué »

« On va clairement vers une réduction de l’utilisation des antibiotiques, confirme Benoît Albinet, directeur commercial de Deltagro Export. Mais faire du zéro antibiotique est très compliqué. De plus, est-ce réaliste alors qu’en bio il existe une tolérance ? Par rapport à des productions industrielles, dans le broutard, nous sommes ceux qui en utilisons le moins mais aussi ceux qui sommes le moins capables de le prouver. La première chose à régler avant de parler de “sans antibiotique” ou de vaccination, c’est de tracer les animaux. Et, ensuite, il faut pouvoir garantir que ce qui est annoncé est vrai. Il ne faut pas que ce soit juste un papier. » Coop de France réfléchit à un éventuel cahier des charges et Elvea est prêt à commercialiser ses animaux estampillés B2E (broutards garantis traités et vaccinés), démarche voulue au départ pour les engraisseurs français. Virginie Motta reconnait que « B2E n’est pas fait pour tous les éleveurs ». La certification est lourde à exécuter. Une nouvelle réunion devrait avoir lieu fin septembre, à laquelle sera conviée l’association des abatteurs italiens (Assocarni). Y verra-t-on plus clair alors ?

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