Quand l'intelligence artificielle prédit la longévité des vaches charolaises
Le Herd Book charolais prépare la diffusion d’un indicateur de longévité des femelles, au sens de la prédiction de leur âge à la réforme. Il est construit par un modèle d’intelligence artificielle à partir de la base de données Charolais France et Herd Book charolais.
Le Herd Book charolais prépare la diffusion d’un indicateur de longévité des femelles, au sens de la prédiction de leur âge à la réforme. Il est construit par un modèle d’intelligence artificielle à partir de la base de données Charolais France et Herd Book charolais.
L’intelligence artificielle (IA) permet à une structure telle que le Herd Book charolais, association d’éleveurs, d’investir dans des compétences d’ingénierie et de valoriser sa base de données, afin de mener des études de façon indépendante, rapide et à moindre coût. Le premier projet de ce type porte sur la longévité des femelles et a été présenté lors d’une conférence au Sommet de l’élevage.
« Les résultats sont encourageants. La taille de notre base de données, avec 3,7 millions de femelles, est très favorable pour l’utilisation de l’intelligence artificielle », présente Lauréna Jeannot, responsable technique et innovation au Herd Book charolais. Parmi les modèles mis à disposition de tous sur les plateformes web dédiées à l’IA, c’est un modèle dit de réseaux de neurones (deep learning) de type « analyse de survie », utilisé notamment dans le domaine médical, qui a été retenu.
Un nouveau type de modèle prédictif pour la génétique des bovins viande
Il reste à construire avec les experts raciaux et les éleveurs un score de longévité (accompagné de son indicateur de fiabilité) qui sera utilisable simplement en ferme ou dans les outils raciaux. L’objectif est de diffuser cet indicateur en 2026.
À l’entrée du modèle, plus de cent variables décrivant chaque femelle ont été utilisées : ses performances propres, celles de son père et de sa mère ainsi que des indicateurs de conduite du cheptel. Par exemple, une femelle donnée obtient une probabilité de 50 % d’être réformée à l’âge de 20 mois, quand pour une autre, ce sera à l’âge de 85 mois. Cette variabilité dans les prédictions permet de différencier les femelles dans leur potentiel, et d’assurer l’utilisation d’un tel indicateur de sélection par les éleveurs. Cependant, la prédiction obtenue reste une probabilité, et sa fiabilité peut être modifiée par des événements, tels que les épidémies qui ont pu survenir ces dernières années.
« C’est un modèle complémentaire à l’évaluation génétique classique, et il s’interprète différemment », explique Lauréna Jeannot. Dans ce projet, on prédit une longévité pour une femelle donnée dans un contexte donné. On ne distingue pas les effets génétiques des effets aléatoires (épidémie, accident…), ni des effets de l’environnement. Si une femelle change d’élevage, la prédiction sera différente. Par contre, pour les élevages peu connectés, le possible biais dans le calcul des effets d’élevage sera probablement évité.
Ce nouvel indicateur pourra apporter une information intéressante aux éleveurs pour sélectionner les animaux les plus productifs et réformer les autres dès que possible. « On a constaté une corrélation phénotypique positive d'environ 15 % entre la longévité des mères et celle de leurs filles », note Lauréna Jeannot. Cela corrobore le niveau d’héritabilité de la longévité auquel on s’attend d’après les données de bibliographie. « Elle est faible, entre 0,05 et 0,16, équivalente à celle de la fertilité par exemple. »
Une héritabilité de la longévité du niveau de celle de la fertilité
La longévité est étudiée en France actuellement sur les races laitières, mais pas encore en races bovines allaitantes. « Dans la base de données du Herd Book charolais, la moitié des femelles sont aujourd’hui réformées avant l’âge de 6 ans. D’après une analyse sur quinze ans, on observe qu’il n’y a pas beaucoup plus de réformes très précoces, mais que la part de très « vieilles vaches », âgées de plus de 9 ans, diminue fortement », relève l’ingénieure.
La longévité est un caractère complexe reflétant un ensemble de caractères élémentaires à optimiser en lien avec les objectifs de sélection et les contraintes de chaque élevage : morphologie, aptitudes fonctionnelles et qualités de race, qualités maternelles (aptitudes au vêlage et à l’allaitement), comportement vis-à-vis du veau et de l’humain, fertilité, précocité, facilités de naissance, potentiel de croissance, résistance par rapport à des conditions défavorables comme une sécheresse ou une maladie, et régularité globale de ses produits. « Et on pourrait avoir en plus d’autres critères propres à chaque élevage. »
Pour les éleveurs qui le souhaitent, le Herd Book va proposer de collecter les motifs de réforme via les logiciels de déclaration, ce qui permettra d’enrichir le modèle de prédiction.
La longévité améliore la productivité globale
Prenons l’exemple de deux élevages charolais naisseurs avec 100 vêlages réalisant tous deux leur objectif de 95 % de productivité numérique. Le premier a un âge moyen à la réforme des vaches de 5,9 ans (niveau moyen du quart inférieur des adhérents au HBC) et le second de 7 ans (niveau moyen du quart supérieur des adhérents HBC).
Le premier élevage a un taux de renouvellement de 27 % et le 2e de 18 % pour le même nombre de vêlages et un résultat de 95 veaux sevrés.
Le 2e élevage, qui travaille la longévité, entretient 18 femelles de renouvellement de moins, et ses vaches ont une durée de vie productive plus longue de 9 %. Il a moins de surveillance et de risques au premier vêlage, moins de charges fixes d’élevage, les émissions de gaz à effet de serre sont réduites, et il a besoin de moins de surfaces fourragères et d’aliments complémentaires. Cet élevage peut aussi faire le choix de mener plus de vaches productives sur la même surface.
Définir la longévité
Plusieurs définitions sont possibles pour la longévité des vaches. La longévité totale est l’âge à la sortie ou à la réforme, celle qui est retenue dans ce projet du Herd Book charolais. Il aurait aussi été possible de travailler sur la durée de production à partir de la naissance du premier veau.
Les races bovines laitières ont pris deux autres définitions. La longévité vraie est la capacité de l’animal à éviter tout type de réformes, celles volontaires liées à la production et celles involontaires liées à la santé, la fertilité...La longévité fonctionnelle, quant à elle, correspond à la capacité de la femelle à éviter les réformes involontaires. Pour les races prim’Holstein, normande et montbéliarde, la longévité fonctionnelle est évaluée au travers d'un index qui combine en single-step des index de fertilité de la génisse, de fertilité de la vache, d'occurrence de mammites cliniques, de score de cellules, de développement de la mamelle.