Aller au contenu principal

Pâturage tournant dynamique : « J'allie sécurité fourragère et simplicité de conduite »

Sylvie Poustis, installée dans le Béarn, pratique le pâturage tournant dynamique depuis dix ans. Elle l’applique de façon à bénéficier de six mois de stocks fourragers et de larges économies de concentré. Les blondes sont en état toute l’année et dociles.

C’est en 2013 que Sylvie Poustis, installée à Castetbon, dans les Pyrénées-Atlantiques, s’est lancée dans le pâturage tournant dynamique. Elle élève en EARL, avec son père, 58 mères de race blonde d’Aquitaine, avec vente de broutards et de vaches de réforme finies.

«Le plus gros du travail est de vérifier toutes les clôtures avant le lâcher au printemps», explique Sylvie Poustis.

 

« Après une année 2011 très difficile pour les résultats économiques des systèmes bovins viande, au sein de Elvea Béarn - Pays basque - Landes, on a cherché des moyens de redonner une bouffée d’air aux éleveurs. Pourquoi ne pas tester cette technique ? », raconte l’éleveuse qui est au bureau de l’association. Elle a suivi une formation de trois jours en 2012. « J’étais incrédule quand j’ai vu 50 vaches suitées sur un paddock de 50 ares, s’amuse Sylvie Poustis. Notre conseiller, Xavier Barat, nous a suivis et rassurés : ça marche. »

L’éleveuse a commencé sur une petite parcelle qui est située à trois kilomètres du siège de l’exploitation. L’objectif était de ne plus devoir y aller affourager des vaches l’été. « L’année a été très pluvieuse, et l’organisation chaotique pour cette première. Bien accompagnée, j’ai persévéré. Et à la rentrée en bâtiment, les vaches étaient en très bon état, méconnaissables par rapport aux années précédentes », décrit-elle.

Sylvie Poustis a bénéficié d’un suivi de trois ans avec Innov-Eco2. Elle a progressivement monté des paddocks fixes sur d’autres pâtures — des parcelles en pente sur des limons argileux. « Je me suis rapidement équipée d’un quad et de piquets en fibre. Mais les clôtures, ce n’est pas ce qu’il y a de plus difficile. »

Un suivi pendant les trois premières années

Les bâtiments sont bordés par un bloc de 22 hectares. Deux lots de 15 à 20 vaches suitées— triées selon l’âge de leurs veaux — y sont conduits sur des paddocks de 30 à 40 ares. Au printemps, un paddock leur est attribué pour trois jours en moyenne, et l’été pour deux jours. Sont aussi découpés en paddocks trois autres blocs situés plus loin des bâtiments, de 15, 12 et 10 ha. Et une partie du troupeau passe l’été sur des paddocks en fil souple durant quatre à cinq jours sur des repousses après fauche.

Il arrive à Sylvie Poustis de faire un pré-engraissement à l’herbe au printemps d’un lot de vaches de réforme sur six paddocks, pendant deux mois et demi. Cela permet de gagner un mois et demi à deux mois sur la période de finition en bâtiment. « Au printemps c’est très bien, mais je ne cherche pas à aller plus loin. Les bouchers attendent une régularité des carcasses avec une finition longue en ration sèche », précise-t-elle.

L’éleveuse ne pousse pas davantage le système. Elle élève le troupeau familial de blondes, de gabarit moyen et qui vêlent seules. Son but est d’être le plus autonome possible sur la partie élevage, et de faire des kilos de carcasse sur les vaches de réforme. Le tout en vivant son métier tranquillement. « D’avril à fin novembre, je n’ai qu’à ouvrir des poignées de clôture. »

Mieux armés face aux sécheresses

Le rendement des prairies a bien augmenté. Pour les pâtures, il est estimé entre 5,5 et 6,5 tMS/ha par an (sans apport d’engrais azoté). Du trèfle est réapparu au bout de deux ans, ainsi que d’autres légumineuses à bonne valeur fourragère comme la lupuline (aussi appelée minette). « On arrive à les tenir l’été avec du vert. En 2022, on a commencé à affourager seulement le 10 août. »

Le pâturage tournant dynamique a permis de supprimer, en trois ans, l’ensilage de maïs et ainsi de libérer des surfaces en prairies de fauche. Sylvie Poustis apprécie grandement le fait de disposer maintenant en permanence d’un stock de fourrage de six mois. Il lui arrive même de vendre du foin. « Je suis beaucoup plus tranquille par rapport aux sécheresses », soulève-t-elle. Elle garde également six mois de stock de maïs grain. Ce qui a été d’un grand secours cet hiver, car le rendement de ce dernier a été divisé par trois en 2022. Il varie de 95 à 100 qx/ha une année normale.

Avec cette technique de pâturage, l’éleveuse estime distribuer deux fois moins de concentré qu’avant pour les mères et les veaux. Les vaches sont en état sans excès toute l’année. Celles qui ont peiné en hiver avec leur veau retrouvent la forme en quelques semaines au printemps. Les traitements contre les strongles digestifs, réalisés au cas par cas, sont moins souvent nécessaires. Les vaches ont plus de lait et leurs veaux consomment moins de concentré. L’ensilage de maïs a été supprimé alors que c’était la base du système.

S’essayer à de nouvelles cultures

Pour réduire les achats de correcteur azoté, Sylvie Poustis a testé pendant trois ans le méteil grain (18 % de MAT) en interculture avant le maïs grain, et à présent, elle s’essaie à la culture de soja. En dix ans, le système s’est nettement extensifié du fait de la reprise de surfaces familiales et de la réduction de 15 à 20 vêlages pour s’adapter au départ en retraite du père de Sylvie Poustis.

Le groupe d’éleveurs avec lequel elle évolue et échange au quotidien depuis dix ans se tourne désormais vers la vente de crédits carbone. « Moi je suis partie dans cette voie par conviction. Mais ça va être difficile de trouver d’autres leviers sur lesquels jouer pour améliorer encore le bilan carbone… », confie-t-elle.

 

Chiffres clé

58 vaches blondes d’Aquitaine
93 ha de SAU dont 66 ha de prairies, 6,5 ha de luzerne, 10 ha de maïs grain, 3 ha avoine et 1,5 ha orge

« Vers l’agriculture régénératrice des sols »

Xavier Barat, ingénieur conseil en agriculture écologique chez Innov-Eco²

Pâturage tournant dynamique : « Allier simplicité de conduite, docilité du troupeau et sécurité fourragère »

« Le travail d’adoption du pâturage tournant dynamique dans le Sud-Ouest a débuté il y a une douzaine d’années avec des formations-actions menées par Innov-Eco², en collaboration avec des éleveurs laitiers et allaitants, et quelques organisations partenaires : Elvea départementales, EHLG (association de développement agricole au Pays basque), groupes bios, chambre d’agriculture 82, etc.

Pour faire suite à ce travail de longue haleine, aux adaptations expérimentales des éleveurs et aux échanges entre groupes locaux, une association régionale est née en septembre 2023. Elle réunit une quarantaine d’éleveurs herbagers pâturant et des techniciens animateurs, et couvre les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.

La structure met en place dans le Sud-Ouest un label technique intitulé « Herbager pâturant, économe et autonome » qu’elle déploie pour mobiliser les éleveurs en défense de leur système, organiser des échanges et des expérimentations paysannes et développer des outils pour la valorisation des produits (usage du label et prix) et des services (PSE et/ou financement carbone locaux) rendus par ce type d’élevages.

Les projets de vingt-cinq éleveurs laitiers et allaitants sont d’ores et déjà lauréats d’un appel à projet de recherche-action appelé SolNovo. Ce dernier s’accompagne d’un appel à financement miimosa pour consolider la résilience des systèmes et notamment celle de l’écosystème prairial sur lequel ils se basent. »

Un contact différent avec le troupeau

« Avec le pâturage tournant dynamique, le contact avec le troupeau est différent », constate d’entrée Sylvie Poustis, en réfléchissant à ce que cette technique a changé dans son métier. « Elles sont très dociles. Par exemple toute seule, je vais parquer un lot de vaches dans un coin de paddocks avec quatre piquets et les faire monter dans la bétaillère. » Cette approche du troupeau l’a d’ailleurs amenée à s’intéresser à d’autres techniques reposant sur l’observation fine des animaux, la médecine douce comme l’homéopathie, l’ostéopathie, ou le dressage avec la méthode Souvignet.

Les plus lus

Camion d'abattoir mobile du Boeuf ethique
L’abattoir mobile du Bœuf éthique vendu aux enchères 152 000 euros

Plus d’un an après la liquidation du Bœuf Ethique, premier outil d’abattage mobile en France, son matériel a été mis en vente…

parage fonctionnel des pieds bovins
Boiteries : « Je me suis formé au parage fonctionnel »

Guillaume Sansoit, éleveur de charolaises dans la Nièvre, a suivi avec un de ses salariés une journée de formation sur le…

L’implantation de la cage est à raisonner pour qu’un homme seul puisse y amener ses bovins en sécurité.
Boiteries : choisir une cage de parage adaptée aux vaches allaitantes

La cage de parage devient un équipement incontournable pour les exploitations touchées par la dermatite digitale. Veillez à…

Les prix d'honneur ont été difficiles à départager au concours de Varennes-sur-Allier (Allier), tenu les 15, 16 et 17 mars en race charolaise. « Une série d'une vingtaine de génisses, aux conformation et qualité de viande hors-normes, s'est particulièrement démarquée. Le lot était très homogène, avec des volumes de carcasse qui dépassaient les 650 kg », rapporte Olivier Chaveroche, responsable au concours.
Bovins de boucherie : les concours de Pâques enregistrent de belles ventes

Après une édition 2023 en demi-teinte, les organisateurs des traditionnels concours de Pâques tirent un bilan plutôt positif…

jeunes bovins charolais boiteries morbihan bretagne
Boiteries : « Nous avons dû jouer sur plusieurs fronts pour lutter contre panaris, Mortellaro et fourbure »

Gwendal Marchand a résolu une bonne partie des problèmes de boiteries sur son exploitation grâce à un audit approfondi avec…

Assurance prairies : l’indice Airbus doit encore convaincre

Les interrogations sur la fiabilité de l’indice satellitaire d’Airbus qui mesure la pousse de l’herbe freinent le…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site bovins viande
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière bovins viande
Consultez les revues bovins viande au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière bovins viande