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L’Inra teste le croisement Angus-Salers

Pour finir bouvillons et génisses en bio avec une alimentation basée sur l’herbe, l’Inra teste depuis deux ans le croisement Angus-Salers. Les premiers résultats ont été dévoilés à l’occasion du Sommet de l’élevage.

© Inra

Produire des bouvillons et génisses bio à la fois jeunes (moins de deux ans) et suffisamment finis en basant leur alimentation sur un maximum d’herbe, qu’elle soit pâturée ou récoltée, et un minimum de concentrés. C’est un des objectifs d’une expérimentation actuellement menée sur le site Inra de Laqueuille dans le Puy-de-Dôme. Une exploitation 100 % herbagère située entre 1 000 et 1 500 mètres d’altitude sur sols volcaniques où animaux et surfaces sont en agriculture biologique depuis mai 2018. Cette expérimentation repose sur l’utilisation en croisement de taureaux Angus sur vaches Salers. L’idée est de mettre à profit la précocité de l’Angus pour favoriser sur des animaux abattus jeunes la production de carcasses correctement finies en systèmes herbagers. L’ambition est de trouver des solutions pour favoriser l’engraissement en bio dans la mesure où les mâles nés sur ces exploitations sont souvent commercialisés maigres dans les filières conventionnelles, donc sans plus-value particulière. Les premiers résultats de ce travail ont été dévoilés à l’occasion d’une conférence organisée au Sommet de l’élevage.

Ce recours à l’Angus a été justifié par les évolutions constatées sur les principales races allaitantes françaises ces dernières décennies. Leurs objectifs de sélection ont été — au moins à une époque — largement orientés vers l’accroissement du format et du potentiel de croissance. Ces objectifs ont été atteints mais se traduisent par des animaux plus exigeants pour leur alimentation, surtout en finition. « Les races françaises sont devenues plus tardives avec des jeunes bovins que l’on a parfois du mal à finir. Ils doivent être abattus de plus en plus lourds pour obtenir un niveau de finition suffisant », expliquait Bernard Sepchat, chercheur à l’Unité mixte de recherche sur les herbivores de Theix. Leurs rations d’engraissement doivent être riches en énergie, laissant le plus souvent la part belle à l’ensilage de maïs et aux céréales. Des itinéraires techniques peu compatibles avec les systèmes herbagers bio où des rations de finition largement basées sur les céréales sont trop onéreuses.

S’inspirer de nos voisins suisses

Afin d’envisager de nouveaux itinéraires techniques moins gourmands en céréales, les chercheurs de l’Inra sont allés prendre des idées chez nos voisins suisses où sont produits des animaux à la fois jeunes et suffisamment finis avec des rations essentiellement basées sur l’herbe. En utilisant entre autres la race Angus, cela permet d’abattre autour de 10 mois pour 350 kilos vif des animaux castrés peu après la naissance, nourris à l’herbe et valorisés dans le cadre de la démarche Natura Beef. Autre possibilité : les finir en quelques semaines pour les abattre vers 13 mois en visant alors un poids carcasse de 270 kg. C’est la démarche SwissPrimBeef.

En s’inspirant des systèmes suisses, et en utilisant le troupeau Salers déjà existant sur le site de Laqueuille, l’idée a été de produire génisses et bouvillons croisés dans le cadre d’un système herbager bio de moyenne montagne en maximisant la part de l’herbe pâturée ou récoltée tant pour l’alimentation des mères que la finition des veaux.

Sur le site de Laqueuille, le chargement moyen annuel est de 0,75 UGB/ha sur des prairies à bon potentiel, mais où la durée de la pousse de l’herbe est limitée par l’altitude en tablant de ce fait sur 6 mois d’hivernage. Les mises bas sont calées sur février mars pour que les plus forts besoins coïncident avec le cycle de l’herbe. Les veaux ne sont pas complémentés et les mâles sont castrés dans les trois semaines qui suivent leur naissance. Une fois à l’herbe, les vaches sont en pâturage tournant. Leurs veaux sont classiquement sevrés vers 8-9 mois en fin de saison de pâturage. « En 2017, les GMQ naissance sevrage ont été de 1 000 g mâles et femelles confondus avec un écart de 50 à 80 g en faveur des mâles. En 2018, on sera autour de 1 100 g », précisait Bernard Sepchat. À l’automne 2017, la finition avait démarré dès la rentrée en stabulation. Mâles et femelles confondus, un total de 36 animaux ont été engraissés. La ration associait enrubannage et regain de prairie naturelle récolté sur place (lire tableau). Des fourrages associés à des concentrés pour une quantité moyenne de matière sèche ingérée de 8,8 kg/jour (valeur de ration : 0,85 UFV, 100 PDI, UEB 1,05 et entre 35 et 40 % de concentré) sur les six mois d’engraissement.

Six mois de finition en stabulation

« L’objectif initial était d’abattre les animaux entre 12 et 15 mois, mais nous n’y sommes pas arrivés. On a été obligé de les garder plus longtemps, soit 6 mois de finition. Le GMQ moyen a été de 1 044 g. Une moyenne de 3,2 kg de concentré/tête/jour a été distribuée. Ce sont des quantités importantes. Chiffre pour partie impacté par une trop faible disponibilité en regain, limitant sa distribution à 1,4 kg/tête/j. »

Les 18 bouvillons ont été abattus à l’abattoir de l’unité expérimentale de Theix à un poids vif de 490 kg pour un poids moyen de carcasse de 273 kg à 442 jours, soit +/- 15 mois dont 190 jours de finition. Le rendement (55,6 %) est bien inférieur à celui classiquement obtenu avec des JB Charolais ou Limousin. Les 18 génisses ont été vendues à l’extérieur car les abattre avec l’outil de l’Inra se traduit par une forte dépréciation commerciale.

Abattre les mâles à Theix visait à détailler la composition corporelle des carcasses et la quantité de tissus adipeux, lesquels ont été rapportés en pourcentage du poids vif puis comparés aux chiffres obtenus pour des JB Charolais abattus à 15 mois et 640 kg vif. Les bouvillons croisés Angus-Salers sont un peu plus gras que des JB Charolais pour le gras de couverture et celui issu du cinquième quartier. La dissection de la sixième côte — qui permet grâce à des équations d’obtenir la composition corporelle de la carcasse entière et donc de connaître avec une précision satisfaisante le pourcentage de muscle, d’os et de dépôts adipeux de la carcasse une fois parée — ne fait en revanche pas état de différences significatives entre les croisés et les Charolais, indiquant de ce fait, qu’abattus à seulement 15 mois, les croisés Angus n’extériorisent pas un niveau de persillé supérieur à celui de JB Charolais abattus un peu plus âgés.

Pour la génération suivante qui vient d’être sevrée, la conduite sera différente. Il a été décidé de les finir sans aucun concentré avec seulement de très bons fourrages mais en acceptant d’allonger la période de finition et en pilotant la date de l’abattage selon le niveau d’état quand bouvillons et génisses atteindront la note de 3 à 3,5. À plus long terme, une réflexion autour d’une finition après un second passage en pâture pour des animaux abattus plus âgés et plus lourds n’est pas exclue. L’idée est toutefois de rester sur des animaux de moins de deux ans.

L’expérimentation Salamix

Ce travail entre dans le cadre de l’expérimentation Salamix (Systèmes allaitants herbagers : adapter le type génétique et MIXer les espèces). Il met à l’épreuve sur la ferme de Laqueuille trois systèmes de conduite : deux systèmes mono-spécifiques en ovin ou en bovin et un système mixte ovin + bovin. La volonté est de concevoir et comparer des systèmes herbagers producteurs de viande bovine et/ou ovine valorisant l’herbe au maximum et minimisant les achats d’intrants. Le système mono-spécifique ovin comprend 164 brebis (croisement Sufolk-Limousine). Le système mono-spécifique bovin repose sur 22 vaches Salers croisées avec des Angus et le système mixte ovin-bovin associe 13 Salers et 66 brebis.

Autres résultats

Avec les animaux finis au cours de l’hivernage 2017-2018, la production de viande vive a été de 332 kg/UGB. Chiffre à comparer aux 330 kg obtenus pour les systèmes charolais bio suivis en réseau par l’Inra ou aux 267 kg de viande vive/UGB des élevages bio en production de bœufs du réseau Bioréférence. Comme le précisait Bernard Sepchat, chercheur à l’Unité mixte de recherche sur les herbivores de Theix, la finition de ces croisés n’a pas posé de difficultés techniques mais la quantité de concentrés nécessaires n’est pas négligeable. Elle demande cependant à être relativisée dans la mesure où les vaches Salers du cheptel souche sont alimentées avec 100 % de fourrages au cours de la période hivernale. Les carcasses produites sont analysées comme convenables pour des circuits en vente directe, mais un peu légères pour être bien en phase avec les attentes du marché. L’évolution du protocole expérimental décidé pour cet hiver vise aussi à remédier à ce problème en abattant des animaux un peu plus âgés donc probablement un peu plus lourds. À suivre !

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