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L’Inra 95 une race fiable pour le croisement

L’Inra 95 a une histoire originale dans le paysage bovin viande français. Elle est désormais une race reconnue et Auriva élevage — son organisme et entreprise de sélection — présente cet automne deux nouveaux index économiques.

L’Inra 95 est une race composite cularde qui a été reconnue officiellement début 2020. Sa création remonte au début des années 60. À cette époque, le développement de l’IA et du croisement terminal sur vaches laitières a mis en évidence la supériorité en valeur bouchère des animaux culards. Ceci a incité à l’époque l’Inra à créer, au domaine expérimental de la Verrerie, à Carmaux dans le Tarn, un troupeau composite expérimental pour fixer et étudier les effets du gène culard sur les aptitudes maternelles des femelles (fertilité, aptitudes au vêlage et production laitière) et les performances des veaux (croissance et conformation). Son objectif était – et demeure – d’améliorer, chez les veaux croisés sur vaches laitières, la conformation et les qualités de carcasses, tout en assurant un certain niveau de croissance et surtout le maintien des facilités de naissance.

Le troupeau a été créé en 1967 à partir de génisses et taureaux Charolais et Blonds d’Aquitaine manifestant de l’hypertrophie musculaire, et a d’abord été mené pratiquement en noyau fermé. Il lui a été attribué le code « type racial » 95, d’où son nom Inra 95. Quelques années plus tard, le troupeau a été complété par des animaux de race Maine Anjou, Limousine et Blonde conduits en croisement avec des taureaux culards Charolais, Piémontais et Blanc Bleu Belge. L’effectif du troupeau de souche a été stabilisé à 150 femelles porteuses ou non des différentes mutations du gène culard. Les animaux sont d’un format moyen, avec environ 145 cm au garrot pour les mâles adultes et 139 cm pour les femelles.

La sélection porte sur les facilités de naissance et les aptitudes bouchères des veaux croisés : croissance, conformation, couleur de viande, gras de couverture des carcasses. Mais les couleurs des robes des animaux Inra 95 étaient assez disparates et bigarrées. Pour prendre en compte ce problème, la couleur de la robe a été travaillée dès les années 80 pour donner en croisement sur Holstein une majorité de veaux gris clair ou pie gris clair, qui ont la faveur des opérateurs commerciaux. Le premier super champion dans les années 90 a été Uhlolotte. Il donnait des veaux à la robe claire, bien conformés et petits à la naissance. L’Inra a mené des recherches sur le gène mh à partir de ce troupeau. Le troupeau possède, à des fréquences variables, cinq des six mutations connues pour engendrer de l’hypertrophie musculaire chez les bovins.

Dès le départ, c’est l’entreprise Midatest (devenue Auriva élevage) qui a assuré l’évaluation des taureaux, la production de la semence et sa commercialisation via son réseau d’entreprises de mise en place. « L’Inra s’est séparé du troupeau en 2012, et notre entreprise l’a repris », explique Ludovic Izard, responsable du pôle viande d’Auriva élevage. Aujourd’hui, un noyau de trente femelles donneuses d’embryons qui sont élevées à la station biologique de Denguin (Pyrénées-Atlantiques) et une banque d’embryons congelés permettent de pérenniser la race et son programme de sélection. Elle est stabilisée, et fonctionne comme une race pure, avec les mêmes règles pour l’inscription au livre généalogique que celles des autres livres.

« Nous faisons naître chaque année 50 à 60 animaux. Tous sont issus d’un montage génétique et candidats à devenir l’élite de la race », explique Ludovic Izard. Toutes les naissances sont issues de transplantation embryonnaire sur des femelles conduites en élevage laitier, ces élevages étant sous contrat avec Auriva élevage. Les veaux sont élevés jusqu’à l’âge de quatre à cinq semaines dans leurs fermes de naissance, puis regagnent la station de Soual dans le Tarn.

Cinquante à soixante naissances en race pure par an

Les femelles sont triées si nécessaire à l’issue de la phase de sevrage sur leur phénotype et leurs performances, « sur des critères de morphologie et croissance, classiques des races à viande ». Douze à quinze d’entre elles intègrent le troupeau de donneuses d’embryons. La collecte intervient pour la première fois quand elles atteignent l’âge de 20 à 24 mois. À peu près un quart des femelles sont renouvelées chaque année, en fonction de leur intérêt génétique pour le programme et du nombre d’embryons souhaités et obtenus. Celles qui ne sont pas conservées pour le programme sont engraissées.

Les veaux mâles entrent après sevrage en phase de croissance contrôlée, avec pointage morphologique et mesure de l’efficacité alimentaire. Dix à douze d’entre eux sont ensuite engagés en production de semence, et huit à neuf sont contrôlés sur descendance en ferme en croisement sur vaches Holstein. À l’issue de cette phase, quatre ou cinq jeunes taureaux sont proposés à l’IA chaque année. Ils disposent à ce stade d’un index facilités de naissance, et d’informations issues des résultats d’abattage des veaux qui permettent d’orienter le choix des éleveurs (qualité morphologique des veaux à l’âge de trois semaines, finesse d’os, conformation et couleur de la viande, vitalité des veaux et aptitude à boire au seau).

Depuis 2015, des évaluations officielles pour taureaux de croisement sur vaches laitières sont calculées. Les taureaux Inra 95, comme un certain nombre de taureaux charolais, blonds et limousins utilisés en croisement, disposent d’un index facilités de naissance en croisement IFNXT (le suffixe XT signifiant croisement), et d’un index de synthèse IABvbf (aptitudes bouchères évaluées en ferme pour la production de veaux de boucherie). Cet index combine croissance, conformation et couleur de la viande (la plus claire étant recherchée) pour la production de veaux de boucherie.

Fertilité des semences, durée de gestation et conformation du veau

En complément, Auriva élevage a réalisé un travail original de développement. À partir de l’automne 2020, deux nouveaux index économiques pour les taureaux de croisement sur vaches laitières sont diffusés, dans un cadre partenarial avec l’Institut de l’élevage avec des données fournies par les entreprises de mise en place et l’entreprise Van Drie France, un des leaders du secteur pour la production de veaux de boucherie. €naiss est construit à partir des données de fertilité des semences, de durée de gestation (la plus courte étant recherchée pour les vaches laitières), de viabilité des veaux et des conditions de naissance. €val3s fait la synthèse de €naiss et des éléments de valorisation économique du veau à l’âge de trois semaines.

« Ces index permettent de comparer des taureaux de race différente pour leur aptitude au croisement sur vaches laitières », explique Bruno Lamaix, responsable commercial Auriva élevage. Dans ce modèle, les femelles supports de croisement sont de race Holstein, Montbéliarde ou Normande et les taureaux indexés sont de race Inra 95, Charolaise, Limousine, Blonde, Blanc Bleu Belge…

« De plus, Auriva élevage a défini trois indicateurs complémentaires qui accompagneront son offre de taureaux Inra 95 et Charolais Excellence », présente aussi Bruno Lamaix. Ferti + XT sera attribué aux taureaux qui se montrent nettement supérieurs en fertilité en croisement. DG + XT triera ceux qui donnent une durée de gestation nettement plus courte que les autres, et VIA + XT qualifiera les taureaux dont la viabilité des veaux âgés de 0 à 21 jours est constatée nettement supérieure à celle des autres. Environ un tiers des taureaux Inra 95 et Charolais Excellence proposés pour la campagne 2020-2021 disposeront de ces deux nouveaux index. Les taureaux Charolais Excellence sont également concernés par cette nouveauté.

Fiabilité et stabilité pour le croisement sur vaches laitières

Le croisement sur vaches laitières connaît une forte croissance depuis trois ans. Les taureaux Inra 95 bénéficient d’index sur descendance établis en croisement sur vaches laitières.

« Depuis trois ans, le croisement sur vaches laitières connaît une croissance annuelle à deux chiffres », observe Bruno Lamaix, responsable commercial chez Auriva élevage. En 2018, près de 119 000 IA d’Inra 95 ont été réalisées sur l’ensemble de la France (dont presque 62 000 sur la zone Auriva) et 202 771 doses ont été vendues à l’export. Pour 2020, ces chiffres devraient dépasser 200 000 IA en France et 250 000 doses à l’export. Depuis l’application l’an dernier de la nouvelle législation européenne, le fait d’être organisme de sélection donne de la souplesse à Auriva élevage pour l’établissement des certificats zootechniques et l’expédition à l’export des doses.

Pour mieux comprendre les attentes des utilisateurs des doses d’Inra 95, une enquête a été conduite en élevage laitier sur la zone Auriva, Evolution et Gen’IAtest (Doubs et Haute-Saône). Trois profils se sont dégagés. Certains cherchent à valoriser au maximum les veaux issus de croisement, et s’intéressent à cette activité. D’autres optimisent la valeur des veaux pour plusieurs de leurs vaches, en cherchant un compromis entre tranquillité pour le vêlage et valorisation commerciale des veaux. Enfin, d’autres éleveurs cherchent surtout la sécurité pour un vêlage facile et la facilité pour faire partir les veaux.

« Par rapport à l’offre énorme et hétérogène en race Blanc Bleu Belge de taureaux de croisement, l’Inra 95 apporte fiabilité et stabilité », fait valoir Bruno Lamaix. Les taureaux Inra 95 bénéficient d’index sur descendance établis en croisement sur vaches laitières, alors que les Blanc Bleu Belge sont sélectionnés uniquement sur leur schéma de conduite en race pure. Charolais Excellence est très installé sur les races Montbéliarde et les races rustiques allaitantes, et l’Inra 95 a davantage trouvé sa place sur les vaches Holstein.

Utilisation limitée en système allaitant

En élevage allaitant, l’Inra 95 est utilisée dans une bien moindre mesure que sur vaches laitières. Sur la zone Auriva, ce sont près de 15 000 IA qui sont réalisées sur des femelles blondes, limousines ou charolaises ou rustiques (Aubrac, Gasconne, Salers, Bazadaise). L’Inra 95 permet en particulier de produire des veaux sous la mère traditionnels sur les départements de l’Aveyron, du Tarn et des Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne et Dordogne. « L’utilisation de la race Inra 95 a aussi du sens sur une partie du cheptel qui n’est pas destinée au renouvellement, considère Ludovic Izard, responsable du pôle viande d’Auriva élevage. Elle est très bien adaptée à la valorisation bouchère de ces produits en veaux d’Aveyron, voire en très jeunes bovins quand on choisit des taureaux Inra 95 à profil favorable sur le poste croissance. »

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