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L’inconfort digestif des jeunes bovins à l’étude

L’acidose chez les jeunes bovins n’est pas seulement liée à la qualité de la ration. De nombreux autres paramètres jouent un rôle. Grâce à des bolus, qui mesurent toutes les dix minutes le pH et la température dans le rumen, Lallemand Nutrition Animale dispose de plus en plus de données sur l’acidose.

« L’acidose est définie par le deséquilibre entre la production d’acides dans le rumen et la sécrétion de bases dans la salive. L’équilibre de la ration et la teneur en fibres efficaces en sont les principaux déterminants. Néanmoins, la gestion de la distribution de l’alimentation, le stress social, la hiérarchie entre animaux et le mode de conduite (interventions sanitaires, pesées,..) ont aussi un effet énorme sur l’acidose », expliquait Bruno Martin, de Lallemand Nutrition Animale, à l’occasion du Beef National Exchange, organisé par cette entreprise en Italie au mois de mars. « Tous ces paramètres peuvent modifier le comportement des animaux. »

Grâce à des bolus Smaxtec, qui mesurent toutes les dix minutes le pH et la température dans le rumen, on peut disposer de plus en plus de données sur l’acidose. Contrairement à ce que nous avons pu apprendre à l’école, l’acidose ne correspond pas à une baisse régulière du pH du rumen, mais à une grande variation du pH au cours des 24 heures d’une journée. Il y a aussi une énorme variation d’un individu à l’autre placés dans les mêmes conditions. Il existe un lien net (corrélation à 84 %) entre la baisse du pH et la baisse d’ingestion le lendemain du jour du pic d’acidose. Cependant en élevage, l’irrégularité de l’ingestion d’un animal au sein d’un lot n’est pas facile à apprécier.

Des essais menés sur jeunes bovins par Lallemand Nutrition Animale avec la levure vivante S. cerevisiae CNCMI-1077 (Levucell SC) en utilisant des bolus ont montré que certains signes visibles peuvent facilement être utilisés comme indicateurs d’acidose. « Quand le pH du rumen baisse, l’animal commence à ressentir un malaise. Le premier signe visible par les éleveurs est la nervosité », explique Bruno Martin. La destruction de certaines bactéries du rumen libère en effet des lipopolysaccharides (LPS), qui sont un véritable poison et ont un effet important sur la nervosité.

25 % d'animaux qui ruminent et 50 % couchés

« La fourbure, que l’on finit par trouver habituelle et qui peut aller et venir très rapidement en l’espace d’un mois, est aussi un signe important à considérer. Elle apparaît rapidement après une forte crise d’acidose », explique aussi Bruno Martin. La première phase étant une hémorragie qui peut apparaître 40 heures après une crise acidotique et qui fait marcher l’animal avec précaution, les seconde et troisième phases sont une ischémie et des blessures de l’épithélium, sans davantage de signes extérieurs facilement visibles. « La fourbure des cornes apparaît plus prononcée que celle des sabots, car la congestion initiale est plus visible du fait que la peau est moins épaisse à la base des cornes qu’au niveau du pâturon », signale Bruno Martin. D'autre part, les crises d'acidose peuvent "ulcérer" les parois du rumen et la flore du rumen peut passer dans la circulation sanguine. Cela peut aboutir à la création d'abcès, surtout au niveau du foie, avec à la clé de possibles saisies en abattoir.

« Pour les jeunes bovins à l’engraissement, le temps de rumination moyen est de 5 heures à 5 heures 30 par jour. C’est beaucoup moins que les vaches laitières », explique d’autre part Bruno Martin. À un instant donné, observer 25 % des animaux qui ruminent et 50 % des animaux qui sont couchés constitue un repère pour un bon confort digestif.

Les bolus ont permis aussi de révéler des éléments inattendus sur le comportement à l’abreuvoir. En effet, ils permettent par le suivi de la température du rumen, d’évaluer la fréquence et l’importance des buvées. « Sur huit jeunes bovins charolais conduits dans les mêmes conditions, nous avons pu observer que l’un deux buvait dix fois en l’espace de 48 heures, quand un autre ne buvait que trois fois », rapporte Bruno Martin. C'est très probablement en rapport avec le besoin de sécurité par rapport à ses congénères. Or qui boit peu mange peu.

Compétition au sein des cases

D’autres sources avaient déjà montré l’importance de la compétition au sein d’une case de jeunes bovins sur leurs prises alimentaires. D’après un essai réalisé à la ferme expérimentale des Etablières en Vendée en 2011 et 2012, les performances de lots de neuf jeunes bovins étaient améliorées par rapport à celles de lots de quinze (+150 g de GMQ), que ce soit avec une distribution à la mélangeuse ou à la désileuse. D’autre part, les jeunes bovins mangent tous ensemble quand l’aliment est frais, mais ils préfèrent ensuite manger seuls ou à deux, même si la taille de l’auge n’est pas limitante. C’est ce qu’a montré un essai conduit à l’université de Padoue en Italie en 2005. « Les repas pris au moins huit heures après la distribution de la ration sont presque tous le fait d’un animal seul ou de deux animaux ensemble. Le temps de rumination et le temps passé couché qui suivent sont nettement allongés par rapport aux repas pris à plusieurs dans les huit premières heures après la distribution. » Un autre essai, conduit cette fois à l’université de New Mexico au Texas, a montré l’importance de la régularité de la distribution de la ration. Une variation de plus ou moins 10 % de la quantité distribuée quotidiennement à des jeunes bovins entraînait une perte de 95 grammes de GMQ par rapport à une ration distribuée précisément en quantité régulière chaque jour. Et l’efficacité alimentaire était nettement dégradée (5,7 contre 5,33).

Les levures vivantes stabilisent le pH

Un essai a été conduit en Italie par Lallemand Nutrition Animale dans un atelier d’engraissement (voir reportage p. XX) sur 54 animaux arrivés de France dans un même camion. Une partie des animaux ont reçu pour leur démarrage la levure vivante Levucell SC titan (0,8 g) en remplacement du lithotamne. Six animaux ont été équipés d’un bolus à usage unique qui mesure le pH et la température dans le rumen toutes les dix minutes. Les animaux étaient homogènes à leur arrivée, en bon état sanitaire, avec des croissances entre la naissance et la mise en lots très proches (1 015 g/j). Le gain de GMQ en début d’engraissement pour le lot qui a reçu la levure vivante a été de 192 g/j sur les 102 premiers jours de l’essai (1 903 g pour le lot lithotamne et 2 095 g/j pour le lot Levucell SC). Le pH moyen du rumen a été 6,45 pour le lot « levures vivante » contre 5,83 pour le lot « lithotamne ». « Levucell SC a permis de stabiliser le pH, et notamment de diminuer le temps de pH inférieur à 5,8 », conclut Bruno Martin, de Lallemand Nutrition Animale. D’autre part, l'ajout de levures a permis de réduire légèrement les pertes en amidon dans les bouses (-1 % sur le résidu sec). « En début d’engraissement, la consommation de la ration étant progressive, un dosage plus important en levure vivante est à considérer pour obtenir un effet rapide », remarque aussi le spécialiste.

La recherche sur l’axe cerveau intestin

Le champ de l’étude de la communication entre le cerveau et le rumen s’ouvre à peine.« Mieux comprendre l’axe cerveau-intestin chez les jeunes bovins peut permettre d’améliorer leur bien-être, et donc leurs performances, la qualité de la viande, et la sécurité lors des manipulations des animaux », estime Maria Devant, de l’Institut de recherche et technologie en agroalimentaire (IRTA) à Barcelone. Des premiers résultats de cette équipe de recherche ont montré que des additifs alimentaires peuvent réduire les comportements agressifs en modulant les processus d’inflammation des tissus. Les études pourront porter sur les trois risques associés à l’engraissement de jeunes bovins que sont les désordres digestifs, les problèmes respiratoires et les problèmes de comportement entraînant des blessures ou accidents.

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